« Mon avis sur le Pana »

Le Portugais, directeur technique du PAOK Salonique, décortique un Panathinaikos avec lequel son club lutte en tête de Superligue grecque.

La Grèce est un Etat en faillite virtuelle. En ce début mars, grèves et manifestations se succèdent à un rythme effréné. A Salonique, qui compte plus d’un million d’habitants, comme ailleurs dans le pays, la population a la rage. Plus gris que de coutume en cette période de l’année, le ciel s’y est mis lui aussi. Heureusement, le PAOK local réussit la meilleure saison depuis 25 ans. Après sa victoire contre Xanthi (3-0) le samedi 27 février, il est passé en tête du classement pour 24 heures puisque le lendemain, Panathinaikos (contre Panionios, 2-0) et Olympiacos (contre Atromitos, 2-0) s’imposaient et reprenaient leurs deux points d’avance. Qu’importe pour les supporters, cela faisait 6.969 jours que PAOK n’avait plus occupé la première place.

En novembre dernier, Sergio Conceiçao a troqué son maillot de joueur contre un costume de directeur technique en remplacement de Zisis Vryzas, devenu vice-président.  » Je ne suis pas venu m’enterrer dans un trou « , avance l’ex-numéro 7 des Rouches en montrant la ville.  » Ce club a un fameux potentiel. Avec ses 11 % de popularité, il est le quatrième le plus populaire de Grèce après l’Olympiacos (30,9 %), Panathinaikos (26,7 %) et l’AEK Athènes (13 %). Dans l’agglomération, on arrive largement en tête avec plus de 50 % contre 18 % à l’Aris et 8,2 % à l’Iraklis, les autres clubs de la ville.  »

Ces chiffres datent de fin 2007 et doivent donc être revus à la hausse en raison des bons résultats obtenus par l’équipe ces deux dernières saisons. La vente de tickets a presque doublé en deux ans (12.300 à 21.000) et, depuis le début de la saison, le stade Toumba accueille bien plus que 28.701 spectateurs, sa capacité officielle.

Occupé par ses nouvelles fonctions, Conceiçao paraît loin du Standard. Mais c’est un effet d’optique car le PAOK et le club liégeois ont beaucoup de points communs :  » Je suis toujours le Standard via internet et je suis en contact avec de nombreuses personnes du club aussi bien de la direction que du personnel du centre d’entraînement. Comme j’ai fait de gros progrès en français, la conversation est plus facile que quand j’y étais joueur. En fait, le PAOK c’est un peu comme le Standard : il est en passe de retrouver sa place en tête du classement mais avant cela il aura fallu faire une croix sur le passé et lui rendre une structure beaucoup plus cohérente et professionnelle. En juin 2007, à peine un mois après avoir mis un terme à sa carrière de joueur, Theodoros Zagorakis a pris la présidence du club avec la ferme intention de mener à bien son projet en dépit d’une dette de 25 millions. Heureusement, l’Etat a accepté que les paiements soient étalés et aujourd’hui, le club est parvenu à réduire le montant d’un bon tiers. Nous sommes en train de finaliser notre centre d’entraînement de Mesimvria. Sur un terrain de 7 hectares, nous trouverons 7 terrains plus un hôtel où les joueurs seront comme chez eux et où ils iront au vert. Comme à l’Académie Robert Louis-Dreyfus. Nous planchons aussi sur la construction d’un nouveau stade ou la modernisation de l’actuel en portant sa capacité à 35.000 places. C’est évidemment un dossier ardu car le club ne peut s’autofinancer et il faut faire appel à des aides externes.  »

Comme à Liège encore, Conceiçao est parvenu à s’attirer la sympathie des supporters. Il en est devenu la coqueluche et il sourit quand on lui rappelle que le seul club de supporters officiel du PAOK en Belgique se trouve à… Anderlecht :  » Cela n’a pas d’importance. Ce qui compte c’est la passion des fans et là ceux du PAOK sont encore plus fervents que ceux du Standard. Dommage que, parfois, cette passion les amène à faire des bêtises. Attention, ce n’est pas seulement ceux du PAOK. Quand nous allons à l’Aris, c’est terrible. Lorsque les joueurs descendent du car pour rejoindre le tunnel menant au vestiaire, ils sont escortés par les forces de l’ordre. Sur dix mètres, des policiers en rang placent leurs boucliers latéralement et en l’air de façon à protéger la délégation sur laquelle on balance des pierres. J’ai beau aimer les gens passionnés, je ne comprends pas toute cette haine car ces gens ont prémédité leur coup et doivent quand même réaliser que si une pierre atteint une personne à la tête, elle la tue. Si les clubs portent une partie de responsabilité dans cette situation, ils ne sont pas les seuls. Les autorités politiques se sont contentées d’interdire le déplacement des supporters visiteurs parce que dans chaque club les seules personnes censées faire respecter le calme ce sont les stewards et ceux-ci sont avant tout des supporters de leurs couleurs. Il y a des matches où les fans des deux équipes peuvent assister à la rencontre mais ils sont rares. Ainsi, quand nous déclarons que 30.000 personnes ont assisté à notre victoire contre Panthrakikos, c’est uniquement des supporters du PAOK. C’est la même chose à l’Olympiacos ou au Panathinaikos, qui font de gros efforts lors des coupes d’Europe, parce qu’ils doivent accorder un certain quota de places aux supporters adverses et surtout éviter les amendes salées de l’UEFA. « 

 » Je suis toujours pour le Standard « 

Depuis que le tableau des huitièmes de finale de l’Europe League est connu, S ergio Conceiçao sait ce qu’il fera ce jeudi soir : il a pointé Panathinaikos-Standard à son agenda. Il y sera normalement au stade Municipal d’Athènes pour soutenir les Rouches, ce qui ne fut pas le cas quand ils rencontrèrent l’Olympiacos voici quelques mois :  » Cette fois-là, j’avais rendu visite à la délégation mais il n’était pas question d’être présent au stade. Pour quelqu’un comme moi étiqueté PAOK, il valait mieux ne pas tenter le diable. La structure du stade de l’Olympiacos est assez spéciale : dans cette sorte de cuvette, il est difficile de passer inaperçu parce qu’on est en permanence en contact avec le public. Au Pana, des circuits sont prévus afin de pénétrer dans l’enceinte sans craindre de se faire attaquer. Je déciderai mercredi si oui ou non j’irai à Panathinaikos mais peu importe, j’espère que le Standard va se qualifier. Je suis toujours pour le Standard. La question de c£ur pourrait seulement se poser avec Porto et j’analyserai la question le jour où cette confrontation aura lieu…  »

Que Conceiçao soit pour le Standard n’est pas une simple question d’opportunisme. Ce n’est pas parce qu’il s’adresse à un magazine lu par les supporters rouches : il a joué à Sclessin évidemment et, en plus, le Panathinaikos est un de ses principaux rivaux dans la course au titre. Et quand on n’aime pas une équipe, on ne lui souhaite pas forcément bonne chance…

Mais que vaut vraiment cette Superligue grecque ?  » C’est un championnat plutôt tourné vers l’offensive. Il est moins technique que le portugais et moins physique que le belge. Et cette saison, il est très ouvert vu que trois équipes peuvent encore revendiquer le titre à quelques journées de la fin. De toute façon, il fait assurément partie des championnats qui figurent après ceux du top comme l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne « , résume Conceiçao.

Oui mais c’est toujours le même qui gagne !  » C’est compréhensible. Le fossé entre l’Olympiacos et le Panathinaikos, d’un côté, et les autres clubs n’a cessé de s’agrandir. Au départ, ils sont les plus forts économiquement. Ils ont non seulement un potentiel énorme qui est bien exploité mais en plus, ils ont chaque année reçu de l’argent de la Ligue des Champions. Ce qui les a rendus encore plus riches. Leur budget salaire est le double du nôtre et c’est clair qu’ils ont la possibilité d’offrir un contrat de 2,5 millions à un voire plusieurs joueurs. Avec les 10 millions actuels consacrés au salaire, le PAOK ne peut se le permettre. « 

Et la fameuse donnée qui veut que les arbitres grecs favorisent l’Olympiacos et le Pana ? Sergio :  » Je ne suis absolument pas d’accord avec ceux qui affirment que c’est grâce au soutien des arbitres que ces deux clubs dominent le championnat. C’est faux : ils ne sont pas plus favorisés que Porto, Benfica et le Sporting au Portugal, Barcelone et le Real en Espagne, Manchester et Chelsea en Angleterre, Juventus, Milan et l’Inter en Italie, Anderlecht, Bruges et le Standard en Belgique. « 

Le Standard a sorti l’Olympiacos de la Ligue des Champions et si, à l’aller, SinanBolat s’était montré plus inspiré, il aurait remporté les deux confrontations. Mais peut-on utiliser cette confrontation comme point de repère ?  » Je ne parlerai pas du jeune gardien car je ne tiens certainement pas à le critiquer. Je dirais que cela fait partie du jeu qu’un gardien ne soit pas infaillible. Le Panathinaikos actuel présente une équipe nettement plus équilibrée que l’Olympiacos du mois de novembre. A l’époque, le club du Pirée était entraîné par un Zico, qui ne lui a jamais vraiment donné un style de jeu. En plus, il avait l’habitude de changer son dispositif en coupe d’Europe. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi un coach fait cela. Pour moi, il n’a pas de personnalité, pas de caractère. C’est la preuve qu’il a peur et qu’il n’est pas sûr de ses hommes. Le fait d’ajouter un médian défensif ou un arrière central ou de n’aligner qu’un seul attaquant au lieu de deux est souvent à l’origine d’une prestation moins réussie… On met sur le terrain des joueurs qui n’ont pas l’habitude d’évoluer ensemble dans une certaine configuration et très souvent, ils se cherchent. Elles sont rares les équipes qui possèdent des éléments tellement talentueux et en nombre qui autorisent le coach à choisir parmi plusieurs dispositifs possédant la même dynamique. Quand tu n’a pas le noyau de Manchester United, tu dois garder ton système à tous les coups.  »

 » La défense a retrouvé une certaine stabilité et l’attaque progresse « 

Entre-temps, le projet du Panathinaikos visant à remporter le titre après six ans d’abstinence semble en bonne voie grâce à un changement de coach, qui s’est révélé une réussite. Depuis que Nikos Nioplias, un ex-milieu du Pana des années 90, a succédé à Henk ten Cate, les Blanc et Vert ont recommencé à gagner. Même si la défense n’est pas la plus solide du pays, elle a retrouvé une certaine forme de stabilité. Alors qu’elle a fait l’orgueil du Pana pendant deux décennies, elle a connu ses heures les plus sombres, surtout la saison passée tout en ne donnant pas le moindre signe de rétablissement lors du début du présent championnat. Le coach néerlandais avait un petit faible pour le football-champagne mais il ne réussissait pas toujours, surtout contre les petits, à capitaliser sa supériorité offensive.

 » S’il a généralement brillé grâce à sa défense, à l’heure actuelle, le Panathinaikos table davantage sur son attaque. Djibril Cissé a passé la barre des vingt buts alors que le deuxième au classement des buteurs, Benjamin Onwachi, de Kavala, en a à peine la moitié. Ceci dit si la défense prend moins de buts, elle n’est pas aussi intraitable au niveau européen. Contre Rome, à l’aller sur son terrain, elle a montré ses lacunes face à des joueurs d’une classe supérieure. Et puis, la force de cette équipe c’est d’avoir au milieu deux centraux Kostas Katsouranis et Yorgos Karagounis, qui sortent très souvent de leur position. Ils apportent à tour de rôle le danger dans le rectangle adverse, ce dont profite Cissé.  »

Cette saison, Panathinaikos a débuté sa campagne européenne en Ligue des champions où il a peiné face au Sparta Prague (battu 3-1 à l’aller, 3-0 au retour) avant de subir une double défaite (2-3 et 2-0) face à l’Atletico Madrid lors des barrages. Relégué dans les poules de l’Europa League, le club athénien a terminé meilleur deuxième avec 12 points. Mais ce qui est interpellant, c’est qu’en 12 rencontres, il n’a jamais partagé l’enjeu : 7 victoires, 5 défaites.

Sergio :  » Domenico D’Onofrio a certainement pris suffisamment de renseignements pour adapter sa tactique à cette équipe. C’est un coach qui travaille beaucoup, sans doute plus que pas mal d’autres. Ce n’est pas seulement parce qu’il bosse pendant 24 heures, que c’est un bon entraîneur mais c’est vraiment quelqu’un d’appliqué et un connaisseur. Humainement, il est très fort aussi. C’est le contraire d’un José Mourinho qui exagère pour le moment. Mourinho porte un masque : entre celui que le public connaît et celui en dehors du football, la différence est énorme. Toutes ses polémiques n’ont qu’un seul but : camoufler les faiblesses de son équipe. Ce n’est pas un hasard que tant au Portugal, en Angleterre et en Italie, qu’à chaque fois que son club connaît des difficultés qu’il attaque tout le monde. Ceci dit, sur le plan de la motivation, c’est un champion. Ses analyses des adversaires sont très pointues et ses entraînements tactiques sont de qualité : c’est vraiment un bon coach…

Dommage que Domenico ne soit pas estimé à sa juste valeur. Le titre manqué et le fait d’être  » le frère de « , jouent manifestement contre lui. Je crois que si son équipe évolue pour le moment avec les longs ballons, comme c’était déjà le cas quand j’y étais, c’est parce qu’il pense que sa ligné médiane n’est pas capable d’assurer rapidement la transition entre la défense et l’attaque. Mais ce système peut avoir ses avantages contre le Panathinaikos où il risque d’y avoir de l’espace entre la ligne médiane grecque partie à l’offensive et une ligne arrière hésitante.

Je crois que le Standard va se qualifier parce qu’il est en phase ascendante tandis que Panathinaikos me semble un peu en baisse. En championnat, nous sommes revenus à deux points alors que nous en avions neuf de retard il y a à peine quelques journées. Le Panathinaikos a plus l’habitude de jouer en Europe, mais le Standard ne va pas commettre pas la même erreur qu’à Braga l’année dernière. Il va afficher une plus grande envie de gagner que contre l’équipe portugaise. Le Standard a retrouvé une certaine stabilité grâce à Steven Defour, qui est un point de repère pour ses équipiers et qui est appelé à le devenir en équipe nationale. Je trouve toutefois que l’on a exagéré en prétendant que, sans sa blessure, le Standard n’aurait pas été baladé à Braga. Et puis, il y a aussi le retour à un bon niveau d’ Axel Witsel. Le garçon se sent mieux dans sa tête et je pense que le fait qu’il joue mieux depuis que Defour est revenu est probablement une coïncidence.  »

« Le Pana est plus fort que l’Olympiacos de novembre. « 

« Les longs ballons sont un avantage contre un Pana qui laisse souvent de l’espace entre son milieu et sa défense. « 

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