MOLENBLEID

En guéguerre avec Johan Vermeersch, Michel De Wolf tente de faire revivre le RWDM en passant… par la Gaume. Plongée au coeur du surréalisme.

Deux cent six kilomètres : la distance séparant Bleid de Molenbeek-Saint-Jean. Une éternité au volant, une route interminable. C’est le trajet que Michel De Wolf a réduit à néant en faisant subir un électrochoc à un club de D 3 en état de mort clinique. En juin dernier, l’ancien Diable rouge clamait :  » Je vais redonner vie au RWDM.  » Sous le matricule de l’entité gaumaise donc, label sous lequel le club évolue toujours. Entre le début de cette amourette estivale et la rigueur de l’hiver bruxellois, le club a déménagé quatre fois, connu trois entraîneurs, perdu une rencontre sur un score de forfait et est lanterne rouge de sa série. Mais il en faut plus pour décourager la poignée d’irréductibles supporters qui se sont liés de sympathie et qui se sont épris d’espoir.

Réfugié au petit Heysel

Il y a quelques jours, Bleid accueillait Tirlemont et son coach, Danny Ost, dans le cadre du championnat de Division 3. En arrière-plan, le stade Roi Baudouin dresse sa façade art-déco, dernier vestige du stade du Centenaire dans sa version originale. C’est en effet au  » petit Heysel  » que le club dirigé par Michel De Wolf a trouvé refuge. Et le terme est bien choisi. Il gèle quasiment ce soir-là mais deux cents supporters sont présents, des drapeaux du RWDM claquant au gré des quelques rafales de vent.

 » J’assiste à un maximum de rencontres. Dès que j’en ai l’occasion en fait « , explique Olivier.  » Depuis décembre dernier, j’avais décidé de ne plus me rendre au FC Brussels, fatigué d’entendre les promesses de Johan Vermeersch. J’ai tourné la page et je ne m’attendais plus à rien. Je demeure sceptique quant à la réussite globale du projet du RWDM mais ici au moins, on ne promet rien aux supporters.  »

C’est la force de Michel De Wolf. Une vertu même. L’ancien joueur d’Anderlecht, de Marseille et du… RWDM est resté fidèle à lui-même. Il veut offrir aux supporters ce qu’ils souhaitent, mais à sa façon.  » Le RWDM peut revivre mais en D 3 ou en Promotion dans un premier temps.  »

En se liant d’une certaine façon à Bleid, même s’il ne demeure que des souvenirs du club gaumais, c’est un drôle de couple qui a vu le jour. Il y a quelques mois, le matricule 9026 faisait parler de lui dans toute l’Europe du football.

 » Il y avait quelque chose de complètement crazy dans ce club « , narre un proche de Bleid.  » Personne ne savait où et comment vivait ce club puis tout d’un coup, c’était presque devenu the place to be.  »

Jugez par vous-même : de faux investisseurs français débarquent avec LionelCharbonnier, vainqueur de la coupe du Monde 1998 avec les Bleus, dans leurs valises. Plus tard, c’est FrancisLalanne qui joue du tambourin dans le coin de Virton. Un peu n’importe quoi…

Pierre Munaut, l’un des derniers décideurs de Bleid :  » Il y a eu des Alsaciens qui se sont rapidement retirés. Tout ça n’était que de la poudre aux yeux. Ils ont géré le club à leur façon et puisque nous étions encore légalement responsables du numéro de matricule, nous avons tenté de sauver ce qui pouvait l’être. En mai et juin, les choses étaient claires : soit le club mourait, soit il trouvait un repreneur. Ce fut Michel De Wolf.  »

Le FC Bleid accuse alors un trou financier à hauteur de 200.000 €. Somme que n’a pas sortie l’ancien Diable rouge, même s’il a dû éponger certaines dettes auprès des curateurs.

 » Michel De Wolf et ses acolytes n’ont pas racheté le matricule comme je l’ai souvent lu et entendu « , rétorque Claude Raulin, l’ancien CQ (correspondant qualifié).  » Le club était une ASBL fermée et pour intégrer un membre au conseil d’administration, il faut le coopter. C’est ce qui s’est passé ici. Les arguments de Michel De Wolf nous ont séduits, car au-delà de sa volonté de faire renaître le RWDM, il voulait surtout protéger le centre de formation du FC Brussels au cas où Johan Vermeersch arrêtait ses activités.  »

De fait, le club actuel, souvent appelé Bleid Molenbeek alors que le nom de la commune bruxelloise n’apparaît encore nulle part officiellement, n’a pas d’équipe de jeunes. Pire même, il ne joue pas au stade Edmond Machtens alors que c’est justement ce qui devait lui permettre de s’enraciner dans le coeur et les esprits des Bruxellois.

 » J’ai été sondé à l’époque et j’ai tout de suite trouvé que l’opportunité était intéressante « , détaille Jamal Ikazban, désormais ex-échevin des sports à Molenbeek-Saint-Jean, qui demeure député régional tout en étant chef de groupe de l’opposition PS/Spa dans la commune bruxelloise.  » J’étais très porté sur l’avenir du foot molenbeekois pendant mon mandat et j’ai tout de suite été séduit mais il fallait que cela se fasse en harmonie avec le FC Brussels, qui occupe le stade et… je pense que des gens ont des choses à se reprocher. Au niveau politique notamment, il y a eu une volonté de torpiller le projet. Au départ, Johan Vermeersch avait accepté que le nouveau club cohabite avec le sien puis ce ne fut plus le cas. Le démarrage a été pénible et les dirigeants ont peut-être voulu mettre la charrue avant les boeufs dans certains domaines mais le club est là.  »

Plus que poussifs, les débuts furent carrément compliqués. Barré à Molenbeek, le club dut disputer une rencontre à Wemmel, une seconde à Rebecq, à trente kilomètres de là, il déclara un forfait parce que le bourgmestre de cette commune du Brabant wallon ne voulait pas d’un match à risques, jusqu’à ce que la solution vienne de la Ville de Bruxelles.

 » J’ai suivi ça de loin mais j’ai parfois dû signer des documents en dernière minute parce qu’aux yeux de l’Union belge, je demeurais le CQ « , dit encore Claude Raulin.  » D’un côté, je suis heureux que Bleid ne soit pas complètement mort, même s’il n’en reste pas grand-chose, mais c’était ça ou l’arrêt pur et simple.  »

Brussels vs Bleid Molenbeek vs RWDM 2003

Le discours de Pierre Munaut est plus imagé quand il évoque la fin de son club de coeur :  » La pomme était pourrie et il fallait la jeter. Néanmoins, je me suis dit que certaines personnes aimaient peut-être les pommes pourries… La situation actuelle du club ne m’empêche pas de dormir. J’apprécie Michel De Wolf parce qu’il se bouge pour que ça marche. De toute façon, le club était condamné depuis plusieurs mois ou plusieurs années.  »

Au moment où Michel De Wolf s’est décidé à reprendre la gestion du club gaumais, il a donc dû effacer une ardoise de 200.000 €. Selon certaines sources, la moitié de ce montant aurait été sortie pour solder une partie des dettes auprès des curateurs. A la base, un proche de l’ancien échevin des sports molenbeekois, et de Michel De Wolf, Mostafa Beggar, était de la partie lui aussi. Mais le changement de majorité notamment l’a visiblement décidé à prendre ses distances. Il ne vient plus aux matchs et se fait distant.

Sportivement, c’est l’ancien Diable rouge qui débuta la saison aux commandes de l’équipe alors qu’il ne souhaitait pas être T 1. L’ont suivi Abdellatif Abied puis, depuis quelques semaines, Patrick Thairet. La légende du RWDM par excellence. Quinze saisons dans le noyau A et près de 400 matchs pour son unique club.

 » Je sais que je me suis lancé dans un challenge très compliqué mais mon amitié pour Michel et la perspective de voir le RWDM renaître m’ont séduit « , explique-t-il.  » Je demeure un Molenbeekois dans le coeur et dans l’âme. Avant cela, je m’amusais bien dans un club de P 2 mais retrouver la D 3, même dans un contexte aussi compliqué, ça n’a pas de prix. Ce club suscite de l’engouement parce qu’il rappelle quelque chose aux supporters plus âgés. Car le RWDM, mine de rien, c’est déjà loin. Les jeunes auront plus difficile à s’identifier à Bleid Molenbeek parce que pour eux, il y a le FC Brussels alors qu’ils n’ont jamais connu le RWDM. Néanmoins, je crois en ce projet, raison pour laquelle j’ai signé pour une durée de dix-huit mois. Je veux pouvoir y travailler à long terme.  »

Depuis quelques semaines, Michel De Wolf est laissé à lui-même et, avec l’aide de son épouse, Patricia, ils tiennent le club à bout de bras. Si l’hémorragie est arrêtée depuis que Patrick Thairet a été promu, le chemin, néanmoins, est encore long avant d’assurer le maintien en Division 3.

 » Finalement, les résultats passent au second plan « , précise Olivier, le supporter.  » Ce que nous demandons depuis le début, et ce que Johan Vermeersch n’a jamais su nous offrir, c’est le nom. Si le club est rebaptisé RWDM et qu’il joue au stade Machtens, ce sera le top. De mon point de vue, il peut même rester au petit Heysel, ce serait encore bon. Un petit stade chaleureux pour un club sympa. Mais beaucoup ne sont pas d’accord avec ma vision des choses.  »

Rien ne garantit que le club puisse aboutir à Molenbeek-Saint-Jean la saison prochaine, d’autant que le White Star est également sur les rangs pour assouvir son ambition de monter en Division 1. Une situation tout aussi cocasse que celle qui avait ramené Francis Lalanne à Bleid. Un club qui a un caractère aussi attachant qu’il semble détaché de la réalité. Car, paradoxalement, n’oublions pas que les supporters de l’ancien matricule 47 ont aussi créé leur entité il y a quelques années, club qui évolue en P 4 brabançonne sous le pseudonyme de RWDM 2003. Les deux ont été proches mais des dissensions sont vite apparues.

 » Dans tous les autres pays du monde, le RWDM ne serait jamais mort. Rien qu’en Ecosse, quatre clubs ont déjà fait faillite mais ils jouent toujours… Y a vraiment que chez nous que ça arrive « , conclut Olivier. Une histoire belge aux accents brusseleirs.

PAR JEAN LAMBINON – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ DIEFFEMBACQ

 » Je sais que le challenge est très compliqué mais la perspective de voir le RWDM renaître m’a séduit.  » (Patrick Thairet)

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