Modèle Standard

Négligé à Sclessin, il perce comme libero au RWDM.

Au milieu des années 90, le RWDM avait connu de beaux moment grâce à l’apport de plusieurs joueurs en provenance du Standard. Souvent négligés ou réduits à des rôles de seconds couteaux, les Dirk Rosez, Gunter Jacob, Daniel Nassen ou Rubenilson se mirent en vedette au stade Machtens. L’été dernier, à cours d’argent, le club bruxellois a eu une idée: aller voir du côté de Sclessin ce qui pouvait lui convenir à prix raisonnable. Ils ont opté pour la location de Laurent Fassotte, un jeune libero âgé aujourd’hui de 23 ans, et Sébastien Piron, un défenseur gaucher de la même levée. Tous deux ont disputé la majeure partie des rencontres qui ont permis au RWDM de retrouver la D1. Pourtant, le club a pris à leur encontre des décisions diamétralement opposées. Laurent Fassotte a été acquis à titre définitif auprès du Standard pour 7 millions de francs belges et a paraphé un contrat de quatre ans. Sébastien Piron lui n’a pas été retenu et retourne à Sclessin probablement en transit.

Les cheveux de Laurent Fassotte repoussent lentement. Sa belle crinière s’est évaporée à l’issue d’un match historique à Mons. La montée en D1 valait bien une (momentanée) coupe de GI. Quand il retrouvera le stade Machtens et Patrick Thairet, le 2 juillet, il aura besoin de faire les présentations car le noyau aura été fortement relifté.

« Je ne m’attendais pas forcément à autant de modifications dans un noyau qui avait quand même mené le club parmi l’élite. Je pensais que le club allait conserver la majeure partie du groupe et y ajouter quelques touches qualitatives. Je suppose que les dirigeants ont estimé que nous ne tiendrions pas la route en D1 sans ces changements. Je vais peut-être un peu regretter l’ambiance qui présidait dans notre noyau. La moyenne d’âge n’était guère élevée et l’insouciance était encore de mise. Il nous arrivait de piquer un fou rire à l’entraînement. Peut-être que l’atmosphère va changer, que l’accent sera davantage mis sur un professionnalisme plus poussé. Ce sont peut-être des détails que nous devons encore apprendre. Durant l’année et demie où j’ai côtoyé à l’entraînement le noyau de Première du Standard, j’ai énormément appris. Des joueurs comme Didier Ernst, Guy Hellers ou Dirk Medved m’ont beaucoup parlé. C’étaient mes modèles. Dirk aurait pourtant pu me considérer comme son concurrent mais il me prenait sous son épaule. J’espère retrouver cette confraternité au sein des nouveaux joueurs ».

Avant de gagner le tour final et de partir en vacances à Altafulla, un village à une centaine de kilomètres de Barcelone où son père organise depuis plus d’une décennie des stages de football, Laurent avait définitivement coupé le cordon ombilical avec le Standard. Au beau milieu du tour final, il était parvenu à un accord pour un contrat de quatre ans.

« Nous n’étions encore nulle part à ce moment-là : c’était avant le 3e match et le club ne comptait que 2 points! D’ailleurs, j’ai paraphé deux contrats. Un pour la D1 et l’autre pour la D2. En pensant que le second serait probablement le bon. J’ai tout simplement gagné un an dans mes prévisions. La saison dernière, j’avais vécu l’aventure de six mois à Visé où, en compagnie de Christian Labarbe, nous avions été sept joueurs de Sclessin à avoir été parachutés dans la cité des Oies. Durant l’entresaison, j’avais le choix entre le FC Liège et le RWDM. J’ai hésité car, au Pairay, l’entraîneur Claudy Dardenne avait fait de mon arrivée une priorité. Tandis qu’au RWDM, on ne me connaissait pas. C’était plutôt mon manager, Freddy Luyckx, qui m’en avait parlé et qui m’avait présenté. De plus, je lisais régulièrement des articles concernant les difficultés financières du club. J’étais circonspect. C’est mon père qui m’a convaincu. Evidemment, je n’ai jamais regretté ma décision. Je pensais néanmoins que le Standard, qui était toujours mon propriétaire, me suivrait. Qu’il aurait un oeil sur mes prestations. Il n’en a rien été. Jamais je n’ai aperçu un émissaire du club liégeois dans les tribunes. Christian Labarbe m’a dit qu’il en avait touché un mot à Michel Preud’homme lors de son arrivée mais qui suis-je? Je pense que mon cas était déjà réglé la saison dernière. Cette fois, le cordon est coupé. D’un côté, je peux comprendre l’attitude du Standard qui vise un certain standing sportif auquel je ne corresponds peut-être pas. D’un autre côté, le club a perdu trois ou quatre ans en loupant à chaque fois un billet européen. Peut-être aurait-il pu miser sur trois ou quatre jeunes joueurs belges en les formant au sein du noyau. C’est un petit regret. Sans plus ».

Largement gommé par l’incroyable épopée du RWDM dont Laurent fut une des pièces centrales tout au long de la saison. « J’ai quand même eu besoin d’un temps d’adaptation. Le premier mois, j’ai souffert d’une blessure et d’un problème digestif. Assimiler le système, trouver mes marques dans une défense à quatre ne s’est pas fait tout de suite. Pire, lors du match d’ouverture du championnat, contre Strombeek, je précipite notre défaite en marquant un but contre mon camp. Je n’ai pas tergiversé. Au fil des rencontres, j’ai repris confiance et j’ai réussi à exprimer mes qualités. J’ai même planté sept buts. Cela étonne les gens qu’un couvreur marque mais, pour moi, ce n’était que normal. Lorsque j’étais capitaine du Standard en Réserves, je plantais entre dix et douze buts par saison. Je pense avoir évolué durant tout le championnat à un bon niveau en D2. Comme on ne me connaissait pas vraiment, peut-être ai-je répondu davantage aux attentes? J’espérais apporter quelque chose au RWDM. Je pense y être parvenu ».

Tellement bien que les exigeants supporters molenbeekois l’ont même élu au titre de « Meilleur Joueur de la saison ». Un Soulier d’Or local franchement épatant pour un défenseur non-Bruxellois.

Dès le 11 août et ce match inaugural au parfum de D2 contre Lommel, Laurent entamera réellement sa carrière parmi l’élite. Car, malgré une dizaine d’apparitions sous le maillot rouche, il doit encore tout prouver.

« Tout commence seulement. J’ai une énorme envie avant le début de la saison car je suis au début d’une aventure. J’entends prouver ce dont je suis capable. Lors de mes apparitions en équipe fanion du Standard, je n’ai pas démérité. J’ai vu quel niveau je devais atteindre. Même si je dois avouer qu’évoluer aux côtés de Hellers, les Mpenza ou Ernst, cela vous facilite la tâche. J’ai disputé deux rencontres avec André Cruz dans l’axe de la défense. J’avais l’impression de jouer dans un fauteuil tant la classe du Brésilien m’éclaboussait. Le sentiment qui prévaut à l’heure actuelle, ce n’est pas la peur mais la motivation. Il est évident que l’on va beaucoup attendre de moi car les supporters et le club croient en moi. Mais moi aussi, j’attends beaucoup de cette saison. Néanmoins, il faut être réaliste: je suis un néophyte parmi l’élite. Un inconnu. Il ne faudrait pas croire que nous allons survoler la différence entre les deux séries. Ce ne sera pas simple. L’entraîneur va peut-être mettre en place un nouveau système dans lequel je tenterai de conserver une place. Je n’ai pas l’impression d’être un intouchable ».

Même si Laurent Fassotte part avec une longueur d’avance, tant son duo avec l’impressionnant Ibrahim Kargbo dans l’axe de la défense a époustouflé en D2. Néanmoins, l’élite constitue un autre monde dans lequel l’expérience reste un atout essentiel. Fassotte, 23 ans, et Kargbo 19, n’ont pas de carte de visite à ce niveau.

« J’espère que nous ne connaîtrons pas le même sort que la paire DelbeekeSiquet à La Louvière cette saison. Il y a douze mois, c’était aussi le duo le plus solide de l’antichambre mais il n’a pas tenu la route à l’étage supérieur. Je suppose que les premiers matches seront importants. Si nous n’encaissons pas des buts à la pelle, nous serons probablement partis ».

Reste que le RWDM ne vivra pas la même saison en D1 qu’à l’étage inférieur. En D2, l’équipe développait un beau jeu basé sur une circulation fluide du ballon. En un mot, le RWDM dominait très souvent son adversaire. Cette année, cela risque d’être l’inverse.

« Paradoxalement, cela devrait me convenir. Mes proches m’ont déjà affirmé que je jouais mieux lorsque mon équipe subissait les événements. Cette saison, nous dominions tellement que nous, les défenseurs, perdions parfois un peu de notre concentration. Cela nous causait parfois des problèmes lorsque nous avions un ballon à négocier. Cette saison, nous ne devrions pas souvent être déconcentrés ».

Jean-Marc Ghéraille

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