Modèle à suivre

Le défenseur Liégeois aura 34 ans en août et a pour tâche de guider la jeune classe chez les Coalisés.

Le président du FC Brussels Johan Vermeersch a indéniablement de la suite dans les idées. Lors du mercato hivernal, il s’était déjà mis en tête de recruter le Standardman Eric Deflandre mais, à l’époque, le dossier n’avait pu être finalisé. Dernièrement, l’entrepreneur de Ternat est revenu à la charge et, cette fois, l’affaire a été rondement menée sous la forme d’un contrat jusqu’en 2009.

Eric Deflandre : A près de 34 ans, j’avais essentiellement à c£ur de signer un bail de deux saisons. J’étais même prêt à répondre à une offre étrangère. S’il y eut quelques touches hors frontières, au FC Cologne et à Roda JC Kerkrade notamment, elles ne concernèrent toutefois que des engagements portant sur une seule année. Dans ces conditions, j’estimais que c’était peine perdue. Mieux valait alors que je rempile pour une campagne supplémentaire au Standard, comme ses dirigeants, Pierre François en tête, me l’avaient proposé. En principe, l’accord aurait dû être entériné au lendemain de la finale de la Coupe de Belgique, mais le rendez-vous fut postposé. Rien ne pressait, manifestement, aux yeux de la direction, mais je voulais savoir à quoi m’en tenir exactement. A la mi-juin, la direction avisa mon manager, Yves Baré, que les chiffres du nouveau deal allaient être revus à la baisse, contrairement à ce qui avait été convenu lors d’un premier tour de table. Je ne pouvais l’accepter, en ce sens que j’avais déjà consenti un gros sacrifice financier en quittant Lyon pour poursuivre ma carrière en bord de Meuse. Je percevais chez les Rouches exactement la moitié de ce que j’avais en mains à l’OL. Une deuxième diminution était exclue et c’est la raison pour laquelle, à ce moment-là, j’ai pris la décision de rompre avec le club liégeois. Dans la foulée, le Brussels s’est manifesté par l’entremise de son homme fort et, à travers ce contact, j’ai immédiatement senti un respect dont on ne me gratifiait plus à Sclessin.

Karel Geraerts et Marouane Fellaini ont également eu des discussions dures avec le Standard…

Il ne faut pas être devin pour comprendre que, dans cette matière, les responsables du Standard jouent la montre. En leur for intérieur, ils sont intimement persuadés que les joueurs rempileront. Du coup, ils prennent un malin plaisir à faire traîner sciemment tous les dossiers, convaincus qu’ils auront toujours le dernier mot. Pour quelques-uns, ils obtiennent effectivement gain de cause. Mais il y en a d’autres que ce comportement rebute. J’ai été outré par leur manière d’agir et il n’en était nullement allé autrement pour ceux que vous venez de mentionner. Honnêtement, je ne comprends pas l’attitude des dirigeants. Karel Geraerts est un gars qui a bien mérité du Standard et qui ne souhaitait rien tant que de prolonger son aventure là-bas. Pourquoi ne lui a-t-on pas fait sur-le-champ une offre acceptable ? Idem pour Marouane Fellaini : on promettait invariablement de revoir les données chiffrées de son contrat mais il n’a rien vu venir pendant des mois. Finalement, excédé, il a été contraint de recourir à la loi de 1978 pour obtenir gain de cause. C’est d’autant plus navrant que mes ex-coéquipiers, tout comme moi d’ailleurs, nous avions sans conteste la fibre liégeoise. Nous étions davantage concernés par le Standard que certains autres, pourtant nettement mieux rétribués. Et qui, eux, pouvaient absolument tout se permettre. Je ne l’ai pas toujours bien compris.

Un tout petit chouïa pour gagner

Que retenez-vous de vos trois années passées au Standard ?

Après avoir glané trois titres avec Lyon, j’espérais obtenir l’une ou l’autre distinction avec les Rouches. Il s’en est fallu de très peu cette saison, puisque nous avons échoué en finale de la Coupe. En championnat, nous avons, pendant tout ce temps, échoué d’un fifrelin aussi : une troisième place en 2005, une deuxième l’année suivante et à nouveau le troisième strapontin cette année. Comme le disaient mes partenaires brugeois lorsque je jouais chez eux : Standard, dat is altijd net niet. Autrement dit, le Standard c’est toujours presque. Et c’est vrai que chaque année, il manque un tout petit chouïa pour être victorieux. Pourtant, le potentiel est là, manifestement. On l’a d’ailleurs prouvé en réalisant des séquences intéressantes, comme un 30 sur 33 sous la direction de Michel Preud’homme notamment. Le problème ne se situe pas à ce niveau.

Où alors ?

Le Standard sera performant le jour où la compétition débutera, pour lui, au mois d’août et non plus en octobre ou, pire encore, en janvier. Depuis mon arrivée en 2004, l’équipe a toujours payé un lourd tribut à une entame de championnat complètement ratée. Tous les ans, c’est la même rengaine : on est réduit à faire la course-poursuite. Ce serait tout de même plus simple si les Rouches étaient pleinement opérationnels dès la première journée. Mais non, on lanterne. Avec le risque de courir après les faits ou d’être évincé prématurément en Coupe d’Europe.

Comme l’année passée au Steaua Bucarest ?

Exactement.

Repensez-vous encore souvent à votre rentrée en touche, mal contrôlée par Marouane Fellaini, qui avait précipité votre élimination ce soir-là ?

Si c’était à refaire, on ne m’y reprendrait plus, bien sûr. Ce fut un épisode malheureux pour moi, et lourd de conséquences aussi, puisque j’ai perdu ma place après ce fait de match. Dès cet instant, je n’ai plus eu qu’un seul but en tête : me battre pour revenir au sein du onze de base. Il m’a fallu du temps, mais j’y suis arrivé. C’est d’ailleurs ce qui m’avait incité à rester au Standard, l’hiver passé, en dépit de l’appel du Brussels. Je ne voulais tout simplement pas quitter Sclessin sur une fausse note. Avec un tout petit peu de chance, j’aurais même pu prendre congé avec un trophée. Tant pis.

Imiter Westerlo et le Beerschot

Quelles sont vos ambitions en débarquant dans la capitale ?

J’en ai deux. Sur le plan collectif, j’espère, avec l’aide de mes partenaires, hisser le Brussels dans le sub-top. Ce que Westerlo et le Germinal Beerschot ont été en mesure de faire, le Brussels, compte tenu de ses possibilités, en est tout à fait capable aussi. D’un point de vue plus personnel, cette fois, je veux me battre pour un nouveau contrat. J’ai signé pour deux ans mais je ne souhaite pas en rester là. Pour peu que je sois épargné par les blessures, j’espère encore jouer une ou deux saisons supplémentaires.

Quel regard portez-vous sur le FC Brussels ?

C’est une équipe qu’il n’est pas aisé de déjouer. Elle quadrille toujours bien le terrain et se révèle souvent un poison pour l’adversaire. J’ai cru comprendre que la défense avait eu quelques soucis d’une saison à l’autre. En 2006, elle avait clôturé l’exercice avec un passif de 30 buts alors que cette année, elle en avait concédé 20 de plus. Le propos, pour moi, sera de conférer davantage de stabilité dans ce secteur. Et de servir aussi de guide à la jeune classe. Pour que les promesses donnent leur pleine mesure, il convient de les encadrer par quelques routiniers. Il m’appartiendra de jouer ce rôle, qui n’est d’ailleurs pas neuf du tout pour moi. Au Standard, j’avais déjà pris le blé en herbe sous mon aile protectrice. Le premier message de félicitations, après mon passage au Brussels, m’a été envoyé par Siramana Dembélé. Il l’a terminé par ces quelques mots : – Merci de tout ce que tu as fait pour moi. Cela m’a fait chaud au c£ur. Comme d’autres SMS d’ailleurs. D’Albert Cartier, par exemple, visiblement ravi de mon arrivée. Et la réciproque est tout aussi vraie car je ne cache pas que son travail, tant à La Louvière qu’au Brussels, m’a impressionné. Vu la manière dont il a contribué à l’épanouissement des jeunes ces dernières années, ce serait un entraîneur idéal pour encadrer les étoiles montantes au Standard. J’étais récemment à Lyon, dans le cadre du jubilé de Sonny Anderson et j’ai pu remarquer que beaucoup pensaient le plus grand bien de lui en tout cas.

Gerland a changé, trois ans après ?

Mine de rien, j’ai vécu de près l’essor du club. Quand je suis arrivé là-bas, Lyon n’avait encore rien gagné. Quand je suis parti, il comptait trois titres et trois autres s’y sont ajoutés entre-temps. C’est historique. L’OL est devenu trop grand pour la France, mais il est encore un peu à l’étroit sur le plan européen. Au plus haut niveau, ce n’est pas seulement le collectif mais aussi les individus qui font la différence. C’est une affaire de budget et, sous cet angle-là, le club ne peut pas encore rivaliser avec des grosses écuries comme Chelsea, Manchester United ou l’AC Milan. Mais il progresse d’année en année. Dans un passé guère lointain, Anderlecht s’était dressé sur sa route en Ligue des Champions et la double confrontation avait été accrochée : 1-0 pour le Sporting au Parc Astrid et 1-0 pour l’OL à Gerland. Je ne crois plus que la lutte serait aussi indécise à présent. Le décalage financier est devenu trop important entre les deux clubs.

Ignoré par René Vandereycken

A défaut d’argent en surface, on a peut-être du talent en profondeur. Que pensez-vous des exploits réalisés par votre ex-partenaire de club à Rocourt, Jean-François de Sart, à la tête des Diablotins ?

Je ne l’ai connu que quelques mois au FC Liégeois, en 1991, mais il faut croire que les leçons de Robert Waseige ont porté ses fruits chez lui. Je reconnais en tout cas la griffe de l’entraîneur liégeois dans l’équipe que Jef dirige aujourd’hui, avec un onze fort bien en place et, surtout, une volonté d’aller de l’avant. Ce qui m’interpelle, en ma qualité d’arrière latéral, c’est le travail des backs. Ce n’est pas un hasard si Sébastien Pocognoli a marqué le but égalisateur face à la Hollande ou si Sepp De Roover fait figure de révélation du côté droit. Ces garçons-là ne se limitent pas à défendre mais sont chargés aussi de la pénétration offensive par les flancs. C’est précisément là que réside l’une des différences essentielles avec les A. Chez eux, René Vandereycken a fait appel pour ces positions à deux éléments qui ne sont pas des joueurs de couloir : Carl Hoefkens à droite et Thomas Vermaelen à gauche. Du coup, ce duo n’apporte pas les impulsions qu’il faut. Mais comment pourrait-il en aller autrement, puisque ce n’est pas leur rôle dans leur club respectif, Stoke City et l’Ajax ? Personnellement, je trouve que le coach fédéral snobe un peu trop le rôle des backs. Dans un 4-4-2, où toutes les positions font l’objet d’une garde aussi bien à l’avant que dans l’entrejeu, ces joueurs-là sont les seuls, en réalité, à bénéficier d’un tant soit peu de liberté. On se doit dès lors de l’exploiter, comme le coach des Espoirs l’a bien compris.

Contrairement à Vandereycken ?

Franchement, je ne comprends pas qu’il ne m’ait jamais appelé en sélection. Au début de son mandat, j’avais 31 ans et, quoique je le dise moi-même, j’étais performant chez les Rouches. Il aurait pu me donner une chance ou, à défaut, jouer la carte d’Hans Cornélis. Mais il ne s’y est à aucun moment résolu, tout comme il n’a jamais daigné appeler Olivier Deschacht sur l’aile gauche. C’est effarant. J’espère que les prestations de nos Diablotins auront convaincu tout le monde de la nécessité d’une participation de la part des backs. Sans quoi, on restera à la hauteur de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, ce qui est quand même un comble.

Routine nécessaire

Faut-il continuer avec les Espoirs au plus haut niveau à présent ?

Non, ce serait une fâcheuse erreur. Il convient de faire confiance aux jeunes mais il faut l’un ou l’autre routinier pour les encadrer. Le Brussels avait une équipe avec une moyenne d’âge de 21 ans à peine, en tout début de saison passée, mais ce n’est que suite à l’introduction de quelques éléments d’expérience qu’elle est parvenue à réaliser son sauvetage. Pour ce qui est de nos Diablotins, on a pu se rendre compte aussi que leur tâche fut nettement plus laborieuse face à la Serbie que face aux adversaires rencontrés précédemment. Normal, dans la mesure où plusieurs de ces joueurs avaient atteint la limite d’âge, alors que la Belgique avait fait la part belle à plusieurs teenagers. Si nos représentants éprouvent déjà des difficultés par rapport à des joueurs de leur catégorie, certes plus âgés, la tâche serait autrement plus compliquée encore face à des seniors. C’est pourquoi il me semble indispensable de continuer avec des valeurs sûres, comme Timmy Simons ou Daniel Van Buyten, pour ne citer qu’eux.

Vous avez côtoyé ces derniers mois, à Sclessin, quelques jeunes, comme Steven Defour, Marouane Fellaini ou Axel Witsel. Que vous inspirent-ils ?

C’est de la bonne graine, incontestablement. Mais il convient de leur laisser le temps de mûrir car ce n’est pas avant 22 ou 23 ans qu’ils donneront la pleine mesure de leurs possibilités. Ce qui est très positif, chez eux, c’est qu’ils ne veulent pas brûler les étapes. S’il l’avait voulu, Fellaini aurait pu donner une autre orientation à sa carrière mais il a choisi la solution du bon sens en jurant fidélité à Sclessin. Je me pose quand même des questions quand je lis des déclarations de certains joueurs qui semblent réellement obnubilés par l’étranger. Ceux-là feraient bien de réfléchir et se demander, par exemple, à qui leur transfert profitera vraiment. Je suis sidéré par tous ces jeunes qui changent de manager comme de chemise. Personnellement, depuis le début de ma carrière, j’ai toujours fait confiance à une seule et même personne : Yves Baré. Je me souviens qu’à l’époque où je suis passé des Sang et Marine au Germinal Ekeren, deux clubs français avaient fait le forcing pour moi : Laval et Martigues. Je pouvais y gagner trois fois plus qu’en Belgique et la commission de mon agent était à l’avenant. Mais mon homme de confiance m’en dissuada, arguant que j’avais tout intérêt à me faire d’abord un nom au pays, par le biais de l’équipe nationale entre autres, avant de répondre aux sirènes étrangères. Bien m’en a pris car je suis passé ensuite au Club Bruges avant de défendre pendant quatre ans les couleurs de Lyon. Dans ce cas-ci aussi, je pense pouvoir servir de modèle à suivre.

par bruno govers – photos: reporters

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