Le championnat d’Amérique du Nord débute vendredi avec Los Angeles Galaxy-Chicago Fire en ouverture.La MLS a beau paraître un peu monotone, elle a le vent en poupe : en l’espace de 19 ans, le nombre d’équipes a doublé. Présentation.

Un joueur comme Dennis Bergkamp n’aurait jamais envisagé de terminer sa carrière aux Etats-Unis. Lui qui n’aime pas l’avion et les longs déplacements n’a rien à faire en Major League Soccer. Prenons l’exemple d’Orlando City, en Floride, club le plus isolé de MLS. Pour Kaká et ses équipiers, le déplacement le plus proche est celui vers Washington, où évolue DC United : 1176 km.

Mais l’équipe qui voyagera le plus la saison prochaine, c’est les San José Earthquakes (Californie) : 78.900 km, soit près de deux fois le tour de la Terre. Ceux qui n’aiment pas les aéroports devraient jouer aux New York Red Bulls : Sacha Kljestan et ses équipiers n’effectueront  » que  » 42.810 km. Laurent Ciman, qui se déplacera samedi à Washington avec le Montréal Impact, parcourra un total de 48.598 km.

Tous ces périples pèsent sur les budgets des clubs. Afin de ne pas favoriser ceux dont les propriétaires sont plus riches et disposent d’avions privés, il est interdit de voyager plus de quatre fois par an en vol charter. Les frais de déplacement sont l’une des raisons qui ont poussé deux clubs de Floride à se retirer de la compétition : Tampa Bay et Miami. C’est pourquoi on est sceptique quant aux chances de David Beckham de réussir à monter une nouvelle franchise à Miami.

Sexe, drogue et salary cap

La Major League Soccer voit le jour en 1993 suite à la candidature des Etats-Unis à l’organisation de la Coupe du monde 1994. Le championnat professionnel promis à la FIFA débute seulement en 1996. Son prédécesseur, la North American Soccer League (NASL) sombre en 1984.

Entre 1969 et 1984, la NASL est le point de rencontre entre les riches propriétaires et les anciennes gloires désireuses d’amasser encore un peu de blé en fin de carrière. La domination des mythiques Cosmos de New York, l’absence de plafond salarial, des dépenses énormes et le peu d’attention médiatique mettent un terme à une orgie de sexe, drogue et rock and roll mélangée à un peu de football.

Le 28 mars 1985, seuls les Minnesota Strikers et le Toronto Blizzard sont prêts à disputer un championnat. Trois ans plus tôt, en 1982, quatorze clubs sont encore en lice. En 1984, ils ne sont déjà plus que neuf. Pour éviter de tomber dans le piège, la MLS a mis tous les atouts de son côté en vendant des franchises aux propriétaires des clubs, qui sont également actionnaires de la ligue. Celle-ci détient les droits, centralise les revenus et redistribue les dividendes aux clubs.

Un salary cap a également été déterminé : un million de dollars par club, chaque club ne pouvant inscrire plus de seize joueurs. La saison se termine par des play-offs entre les meilleurs clubs des conférences Est et Ouest. Une finale, la MLS Cup, est ensuite organisée entre les vainqueurs de ces deux conférences afin de désigner le champion. Les premières stars de la ligue sont les héros de la Coupe du monde 94 aux Etats-Unis : la rock star américaine Alexi Lalas, le gardien mexicain Jorge Campos et le Colombien Carlos Valderrama.

Les premières années engendrent des pertes : 308 millions d’euros au cours des huit premières saisons. Mais la construction de stades spécifiques à taille humaine permet aux clubs de ne plus évoluer dans des enceintes de football américain ou de baseball à moitié vides. Colombus Crew devient, en 1999, le premier club à disposer d’un soccer stadium de 22.500 places. Un succès puisque le club attire en moyenne 22.000 spectateurs par match, la moyenne la plus élevée de MLS cette année-là. La saison suivante, pas moins de vingt clubs ont leur propre stade.

Aujourd’hui, la MLS n’est plus déficitaire. En novembre 2013, Forbes calcule que dix des dix-neuf clubs qui la composant retirent un profit de l’exercice 2012. En 2008, ils ne sont que trois. Forbes estime la valeur moyenne d’un club de MLS à 90 millions d’euros en 2012 alors que celle-ci n’était que de quatre millions quatre ans plus tôt. Toujours selon les comptes de Forbes, ce sont les Seattle Sounders qui valent le plus d’argent : 156 millions d’euros pour un club dont les propriétaires déboursent seulement 26 millions d’euros pour obtenir la franchise en 2009. Une valorisation de 400 % !

Beckham et les autres

En 2007, onze ans après son lancement, la MLS obtient enfin l’attention qu’elle recherche avec la signature de David Beckham à Los Angeles. Comme il est impayable en raison du plafond salarial en vigueur, la ligue décide d’autoriser des exceptions au salary cap. La Beckham Rule permet à chaque club d’engager un joueur gagnant plus de 352.000 euros par an, le club ou le propriétaire devant allonger lui-même la différence.

Le règlement égalitaire voire socialiste gommant les différences de salaire vole ainsi en éclats. Avant 2007, seuls trois joueurs de MLS gagnaient 352.000 euros par an. En 2007, ils sont déjà quatre à gagner un peu moins de 900.000 euros. Beckham est le mieux payé (5,7 millions d’euros par an), suivi de Cuauhtémoc Blanco des Chivas USA (2,3 millions). Au total, 32 joueurs gagnent au moins 176.000 euros.

La saison dernière, la MLS comptait déjà quinze millionnaires. Aujourd’hui, Kaká (Orlando City) est le joueur le mieux payé avec un salaire de 5,9 millions d’euros par an, suivi des internationaux américains Clint Dempsey (Seattle Sounders, 5,6 millions) et Michael Bradley (Toronto FC, 5,4 millions).

Entre-temps, le salary cap a été relevé à 2,4 millions d’euros par club et chacun peut engager non plus un mais trois Designated Players qui gagnent plus de 340.000 euros par an, le plafond actuel par joueur. Le salaire moyen en MLS est à présent de 199.000 euros, soit bien moins qu’en D1 hollandaise (390.000 euros), par exemple. Le salaire minimum d’un néo-professionnel s’élève à 29.700 euros. Pour les autres, il est de 38.700 euros.

L’arrivée de  » Becks  » a attiré l’attention des médias et rempli les stades. 66.000 personnes ont assisté ainsi à la rencontre opposant les New York Red Bulls au Los Angeles Galaxy au Giants Stadium de New York, le 18 août 2007.

Les jeunes de Los Angeles ont tout de même dû s’habituer à l’arrivée d’un type gagnant 5,7 millions d’euros par an alors que le salaire moyen annuel local est de 11.350 euros. Alors qu’ils garent leur voiture dans des parkings publics, Beckham peut se stationner juste devant le vestiaire.

En déplacement, il a droit à une suite particulière. Il invite tout de même ses nouveaux équipiers à sa Welcome Party dans le Museum of Contemporary Art et ils y rencontrent ses vrais amis : Tom Cruise, Demi Moore et Katie Holmes. Aujourd’hui, les rookies de MLS savent ce que c’est de partager le vestiaire avec un type qui gagne 140 fois plus qu’eux. Aux Etats-Unis, il n’existe aucun sport où l’écart salarial est aussi important.

Malgré cela, le championnat se porte bien. Vingt clubs le composent désormais, alors qu’ils n’étaient que dix en 1996. En 2007, les Canadiens font leur entrée dans la ligue, le FC Toronto en tête. Il est rejoint par les Vancouver Whitecaps en 2011 et par le Montréal Impact en 2012. Pour son premier match, le nouveau club de Laurent Ciman attire pas moins de 58.900 spectateurs.

Cette année, les deux débutants sont le New York City FC et Orlando City SC, le club de la ville où les Diables Rouges ont battu les Pays-Bas (1-0) en 1994. Ils s’affrontent lors de la première journée. En 2017, la MLS accueillera deux nouvelles entité : le Los Angeles FC viendra faire un peu d’ombre au Galaxy, recordman du nombre de titres, tandis que l’état de Géorgie supportera Atlanta.

Huitième assistance au monde

L’objectif de la MLS est d’arriver à vingt-quatre clubs en 2020 et les candidats ne manquent pas. Alors que Beckham veut tenter de relancer un club à Miami, Minneapolis, St Louis et Sacramento sont également candidats. La ville de Las Vegas est quant à elle en train de tabler sur la construction d’un stade si son club obtient une licence.

Ce qui n’est pas évident car en été, le mercure peut grimper jusqu’à 50 degrés dans le désert. Un problème dans une discipline où, pour éviter la concurrence des autres grands championnats et la rigueur hivernale de certaines régions, la saison commence en mars pour prendre fin en décembre.

La MLS est encore loin d’avoir le statut des cinq grands championnats européens mais, lors de la dernière Coupe du Monde, pas moins de vingt-deux joueurs étaient issus du championnat nord-américain. Au Mondial 2006, il n’y en avait que six.

En ce qui concerne le nombre de tickets d’entrée vendus, la MLS se classe au troisième rang des Etats-Unis, derrière le football américain et le baseball mais devant le hockey et le basket. Seulement, la ligue de hockey vend chaque année ses droits de télévision pour 176 millions d’euros à NBC tandis que la MLS, qui vient de signer un nouveau contrat avec ESPN et Fox, ne perçoit que 66 millions de dollars par an. Ce qui est toutefois déjà beaucoup mieux que les vingt millions de dollars dont elle devait se contenter jusqu’à l’an dernier.

En matière de moyenne de spectateurs, la MLS occupe la huitième place au monde derrière les cinq grands championnats européens, le championnat mexicain et l’Eredivisie, la D1 néerlandaise. Lors de la phase classique, le nombre moyen de spectateurs est passé de 17.400 en 1996 à 19.150 la saison dernière. A la meilleure époque de la NASL (de 1977 à 1983), il était de 13.000.

Les clubs qui attirent le plus de monde sont, depuis six ans, les Seattle Sounders (43.700 de moyenne la saison dernière) suivis du Toronto FC (22.000) et des Los Angeles Galaxy (21.000). Compte tenu de la capacité limitée des stades, on peut dire que le soccer aux Etats-Unis est un succès. La saison dernière, huit des vingt clubs ont rempli leur stade à 95 % au moins.

Dès vendredi, la MLS entend bien battre de nouveaux records. Le championnat débute par un match opposant les Los Angeles Galaxy, champion en titre et meilleur club de ces dernières années, au Chicago Fire. Mais la ligue a besoin de nouvelles stars. Thierry Henry, qui a passé quatre ans à New York, a raccroché, tout comme Landon Donovan, l’idole de dizaines de milliers de jeunes footballeurs américains, considéré comme leur plus grand joueur de l’histoire et meilleur buteur de tous les temps en MLS (144 buts).

Il s’est retiré en décembre après avoir remporté le titre avec LA. C’est désormais au tour de Kaká (Orlando City), Robbie Keane (LA Galaxy) et David Villa (New York City) de faire vibrer les foules. Dès que le championnat de Premier League sera terminé, ils recevront la compagnie des légendaires Steven Gerrard (34 ans, LA Galaxy) et Frank Lampard (36, New York City). Le fait que ces deux grands joueurs n’arrivent qu’en milieu de saison parce que leurs priorités sont ailleurs démontre bien qu’en matière d’aura, la MLS a encore du chemin à parcourir.

PAR GEERT FOUTRÉ

En MLS, le salaire moyen est désormais de 199.000 euros, soit bien moins qu’en D1 néerlandaise, avec 390.000 euros.

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