Mister Kean

Oh, du calme ! Vous lisez Mister Kean et déjà, vous vous marrez. J’imagine votre rictus qui prend la direction de vos pommettes écarlates. Je vois vos zygomatiques se lever pour faire place à des dents qui ne demandent qu’à croquer une part du plaisir qu’est la vie de ce Mister Kean. Sauf que, c’est Kean et pas Bean. Une majuscule suffit, parfois, pour qu’un être ait envie de se faire minuscule.

Steve Kean s’est fait une place au paradis et pourtant, il vit un enfer. Steve Kean entraîne en Premier League mais à Blackburn. Un club où il a été black-listé par les supporters qui ne l’ont jamais supporté. C’est un roi sans couronne sur un trône éjectable.

Flash-back. Le club vient d’être repris par des Indiens. Les rois du poulet en Asie. Ils ne savaient même pas qu’une équipe pouvait être reléguée et ont la bonne idée de mettre un agent de joueurs et d’entraîneurs à la tête de la cellule sportive. Un marchand de va-et-vient pour stabiliser : faut pas rêver. Très vite, le mec montre ses intentions. L’équipe est 13e ! Saison peinarde en perspective. Pourtant, il vire l’entraîneur Big Sam Allardyce et engage Nobody Steve Kean, un de ses poulains. Ça commence mal.

Les supporters qui vénèrent Allardyce y voient une conspiration. L’agent vient pour se faire du pognon sur le dos du club. Avec un gars de son écurie comme coach, il placera tous les joueurs qu’il veut. Kean se retrouve en Premier League et surtout en première ligne. Sa bobine pleine de bonhomie est une cible. Ils ne vont pas le rater. Ça gueule dès le premier match. Ça défile dès le deuxième. Manif dans la ville. Un cortège qui rassemble des centaines de types qui vomissent son nom.

Un soir alors qu’il est au resto avec femme et enfants, il reçoit un sms d’un ami.  » Steve, je suis sur Twitter. Ils savent dans quel resto tu es. Ils arrivent « . Depuis, femme et enfants sont partis très loin.  » Je ne veux plus que mes enfants entendent toutes ces insultes « . Il a pris un garde du corps mais, malgré tout, se garde bien de montrer son corps en ville.

Le 5 novembre contre Chelsea gros coup de Blues. Les fans ont fait une collecte et se payent un avion qui survole le stade durant toute la première mi-temps avec la banderole Steve Kean out. Putain, le mec il doit coacher avec ça au-dessus de la tête ! Et les fans qui chantent :  » Lève la tête pour qu’on relève la nôtre « . Le paradis c’est l’enfer. Gag pour détendre l’atmosphère : un de ses joueurs ne peut enrayer une glissade et tacle son banc !

Mais l’humiliation est excessive et la solidarité de la corporation s’enclenche. David Moyes, le coach d’Everton, est là. Il quitte le stade à la mi-temps, éc£uré par ce qu’il voit et entend sur son collègue et compatriote écossais :  » C’était ma façon de protester contre les protestations « . Quelques jours plus tard, c’est le doyen, le Jedi, le dieu des coaches, Sir Alex Ferguson qui monte au créneau :  » Ces supporters sont dégueulasses. C’est honteux ce qu’ils font vivre à Steve « . Fergie aime bien Kean malgré le couac de l’année pour le Sir et le jour de grâce pour le p’tit frère. Le 31 décembre dernier, après-midi de réveillon, Blackburn vient gagner à Old Trafford. Les fêtes sont gâchées pour le champion en titre. Comble du comble, c’est aussi l’anniversaire de Sir Alex !

Steve Kean tient son exploit, son match référence. Il peut vraiment en profiter. Vraiment parce que six mois plus tôt après un partage avec le même Man U, il avait trop profité. Après le match, il se fait arrêter par la police bourré au volant. Y’en a qui ont vraiment la poisse. Retrait de permis mais la gueule de bois va continuer : l’ivresse de son équipe, c’est celle des profondeurs. Blackburn devra lutter jusqu’au bout pour ne pas sombrer. Steve Kean pour garder sa dignité. Ses joueurs ont les burnes solides et les mettent à son service. C’est déjà ça, surtout pour éviter les trop black idées.

FRÉDÉRIC WASEIGE

On a rarement vu un coach aussi haï.

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