MISTER FIXIT

Réputé pour les deals complexes et tortueux, l’agent israélien n’a pas toujours bonne réputation. Décryptage de celui qui a piloté le rachat du RMP.

Qui pourrait-on appeler pour parler de Pini Zahavi, le nouvel homme fort du RMP ?  » Roman Abramovich ou Jorge Mendes « , répond avec humour un agent par sms.  » Ces deux-là le connaissent parfaitement mais bon, ils ne répondent pas au téléphone.  »

Avant de côtoyer les plus grands noms du football mondial, Pini Zahavi débute en tant que journaliste. Né dans le monde du ballon rond, Yedioth Ahronoth, un média israélien, fait de lui son insider au Maccabi Tel Aviv. Une connexion qui lui apportera son premieur deal en 1979.

Devenu grand pote de Kenny Daglish et Graeme Souness (qu’il invite même en vacances) lors de la Coupe du Monde 1974, il facilite le passage de AviCohen à Liverpool et touche une commission d’introduction. Pigeant l’attrait financier du job, il poursuit avec quelques deals en parallèle de sa carrière médiatique.

Ce petit jeu va durer jusqu’à la fin des eighties. L’appel d’une potentielle fortune est trop fort et le fait quitter le journalisme pour se lancer dans une nouvelle carrière qu’il débute avec le passage de RonnyRosenthal du Standard à Liverpool en 1990. Malin, il va plus loin que les autres et le prouve en allant chercher des joueurs sud-américains, dont MarceloSalas.

L’Angleterre commence à apprécier le personnage et lui mange progressivement dans la main. Selon ses propres dires, il a changé la vision du football anglais où les agents  » ne connaissent rien au sport « . Ses relations s’étendent (on parle désormais de TerryVenables, RonAtkinson et surtout AlexFerguson) et son premier coup de classe mondiale pointe le bout de son nez : RioFerdinand qu’il prend sous son aile et avec qui il conclut deux énormes deals. Son passage à Leeds est chiffré à 18 millions de livres. Celui à Manchester United, à 30. Devenu copain comme cochon avec Alex Ferguson et PeterKenyon, il s’occupera longtemps de tous les plus gros transferts des RedDevils.

Mais son plus gros business se fera à Chelsea. Premier Israélien non affilié au parti communiste à obtenir un visa russe, il utilise sa JewishConnection locale pour rencontrer les plus puissantes fortunes russes, dont un certain Roman Abramovich dont il facilite l’acquisition de Chelsea.

Il conseille à l’oligarque de mettre son ami Peter Kenyon (ex-Man U) au poste de directeur exécutif. De quoi bien grossir son portefeuille. Si cet épisode lui vaut une certaine crédibilité, de l’argent et le titre de premier super agent, il essuie ses premières grosses critiques. KenBates, l’ancien propriétaire de Chelsea, le traite de tête de noeud. Il répond dans les médias israéliens :  » Si j’étais lui, je prierais Dieu et Pini Zahavi tous les jours et le remerciant d’avoir sauvé mon club tout en me mettant 19 millions en poche.  »

Grande gueule

Une déclaration qui montre à quel point il est différent de Jorge Mendes. Si ce dernier est discret, voire secret, Zahavi est du style grande gueule et attiré par la lumière, les spotlights. Son trône de roi du management, qui lui vaudra le surnom de MisterFixit, il commence à le partager avec le Portugais durant sa période londonienne. Abramovich veut JoséMourinho et d’autres joueurs de Mendes tandis que Zahavi veut intégrer Porto, fief du Portugais. Les deux hommes s’entendent rapidement.

Après avoir encaissé des millions sur les transferts de Chelsea, c’est Porto qui fait les frais de la méthode Zahavi. Il introduit quelques gros bonnets d’Europe de l’Est via un fonds d’investissement et le tour est joué. L’Israélien devient le prince de Porto où il touche un pourcentage conséquent sur les transferts, comme ce fut le cas à Chelsea.

Ses méthodes ont souvent dérangé. Il est même poursuivi pour des rendez-vous illégaux avec des joueurs liés à un club mais s’en sort toujours blanchi.  » C’est une anguille, il est encore comme ça maintenant « , lâche un agent qui a déjà travaillé avec lui.  » Il se faufile partout. Ce n’est pas le genre de mec très droit. Il est du style à se caser dans un deal sans souci. Tu peux lui cracher au visage, il reviendra s’il peut faire du business. Je le trouve surcoté. D’autres sont nettement plus efficaces.  »

En 2004, la société MSI, qu’il pilote, rachète 51 % des parts des Corinthians. Ce deal va changer sa manière de travailler. Lors du passage de CarlosTevez et JavierMascherano en Angleterre, tout n’est pas clair et il apparaît que les droits des deux hommes sont en grande partie liés à des fonds d’investissement (ce qu’on nomme le thirdpartyownership (TPO) montage financier qui permet à un tiers de posséder une partie du joueur et donc de toucher un plus gros bénéfice en cas de revente).

La méthode est très mal vue en Angleterre mais Zahavi l’applique au Portugal (il déclare même que Porto  » a remporté la Ligue des Champions via ce système « ), en Amérique du Sud et en Europe de l’Est. Les Anglais se penchent d’ailleurs sur plusieurs deals du businessman et s’inquiètent de possibles rétro-commissions. Encore une fois, Zahavi s’en sort blanchi.

Mais son vrai délire, c’est de contourner l’actuelle interdiction du TPO qui l’a rendu riche via la vente de plusieurs cadors du football mondial. Et pour cela, il doit faire comme aux Corinthians : acheter des clubs. S’il ne les achète pas de ses fonds propres, c’est bien lui qui pilote toute l’affaire et se goinfre derrière en touchant de l’argent sur les joueurs qui entrent et sortent du club.

 » C’est un système que je trouve révoltant « , lâche un autre agent belge.  » Pourquoi interdire le TPO si c’est pour finalement voir de plus en plus de clubs aux mains de gros agents. La question du contrôle est ici encore plus importante même si, officiellement, les joueurs n’appartiennent plus au fonds d’investissement. Le club auquel ils sont liés l’est, lui, bel et bien. Cela revient un peu au même, mais c’est légal.  »

Double casquette

Ce montage est sa nouvelle lubie. Débutée avec Porto et Corinthians, sous l’égide du TPO, elle se poursuit avec Portsmouth où il fait tout péter de l’intérieur après avoir aidé au rachat en transférant des gars de son réseau, en prenant de grosses commissions sur les deals et en leur offrant des salaires mirobolants alors que le club est dans le rouge.

 » Son seul héritage est TalBenHaïm « , dira-t-on du côté du club après que l’énorme contrat du défenseur soit dévoilé. Il essayera d’en faire de même avec West Ham et d’autres clubs sans trop de succès.

Des clubs, il en possède à droite et à gauche et le RMP vient d’être ajouté à sa liste. Sous couvert d’investisseurs d’un fonds maltais, l’Israélien va, quoi qu’on en dise, chapeauter le club. Les joueurs ne lui appartiendront pas, mais il touchera, sans devoir investir sa fortune à Mouscron, de grosses sommes sur les mouvements du club.

 » Il aura une espèce de double casquette, entre le dirigeant et l’agent. C’est la seule manière qu’il possède pour poursuivre sa philosophie tout en évitant le TPO. Mais quoi qu’il en soit, il aura le contrôle « , conclut un manager belge.

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM

 » Il aura une espèce de double casquette, entre le dirigeant et l’agent.  »

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