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MISTER EUROPE

Jeudi, si un joueur peut vaincre APOEL Nicosie en Europa League, c’est bien Frank Acheampong. Il était un nobody il y a quatre ans mais désormais, il est Mister Europe.

Il y eut un temps où Frank Acheampong pouvait se balader tranquillement avenue Louise avec son copain Andy Najar. Les deux garçons avaient signé un contrat professionnel à Anderlecht à peu près en même temps et se battaient, en Espoirs, pour émerger. Le Ghanéen était alors un diamant brut. Sa vitesse était un régal pour l’oeil mais ses actions étaient rudimentaires. Il n’avait qu’un objectif : pousser le ballon le plus loin possible, en courant. Ce n’était pas vraiment un jeu idéal pour un club comme le Sporting.

Huit mois après son arrivée, en septembre 2013, il a quand même effectué ses débuts européens sur le terrain de Benfica. Depuis, l’intéressé a accompli un fameux chemin. De nobody, il est devenu Mister Europe. Depuis un an et demi, le joueur de 23 ans est l’Anderlechtois qui a le plus d’impact sur le coefficient européen du Sporting. La saison passée, il a inscrit quatre buts en Europa League et cette saison, il en est à deux. Désormais, les scouts se frottent les mains à chacune de ses excursions européennes.

Acheampong a vite fait le switch entre le championnat et l’Europe où il se mue plus souvent qu’à son tour en tueur grâce à des buts sortant de l’ordinaire. Sa dernière victime, Branislav Ivanovic, du Zenit Saint-Pétersbourg, doit encore frémir quand on prononce son nom.

 » Les carences techniques de Frankie se remarquent moins en coupe d’Europe car il y bénéficie de plus d’espace « , explique Besnik Hasi, qui a travaillé avec lui jusqu’en mai dernier.  » Il aime surgir de loin. Quand il est en pleine vitesse, peu importe qu’il n’ait pas un dribble formidable, c’est sa vitesse qui fait la différence. Du banc, nous nous sommes parfois demandé comment il parvenait à marquer certains buts. Nous avions l’impression qu’il n’avait rien prémédité. Si ses pieds pouvaient exécuter ce que son cerveau leur commande, il serait à Manchester United.  »

PAS UN DÉFENSEUR

Grâce à des prestations d’éclat face à Tottenham, Monaco et l’Olympiacos, le Ghanéen s’était fait un nom, la saison passée, en Europe. Paradoxalement, en Belgique, il est moins décisif : il n’a marqué que 12 buts en 106 matches. Ses statistiques en PO1 sont dramatiques : 1 goal en 24 parties. C’est que les équipes belges connaissent son style de jeu. Le principe de base, pour le contrer, est simple : ne pas lui laisser le moindre espace et contraindre ses coéquipiers à le servir dans les pieds.

Hasi avait développé une stratégie pour parer ce problème : il demandait à ses joueurs d’entamer leur construction à droite pour ne placer Acheampong sur orbite qu’en dernière minute. Jusque-là, l’avant devait se faire invisible. Hasi :  » Quand Frank ne bouge pas, il perd la moitié de ses possibilités. Savez-vous ce qui fait la force d’Arjen Robben ? Un défenseur sait à l’avance ce qu’il va faire mais il ne parvient pas à lui enlever le ballon car il dribble même à l’arrêt.

Frank ne possède pas le bagage nécessaire pour écarter un adversaire dans un espace réduit. Mais à partir du moment où il a de l’espace, il est à même de poser des problèmes aux meilleurs. Son manager, Oliver König est conscient de cette dualité :  » En Europe, impossible de trouver 5 joueurs plus véloces que lui. A condition de le laisser exploiter sa pointe de vitesse. C’est comme une voiture de course : elle ne peut exploiter tout son potentiel que sur autoroute mais jamais en ville.  »

Sa place à l’arrière, sur ce flanc, a nui à ses statistiques. Il y alterne bonnes prestations et mouvements peu naturels. Au Ghana, les gens ont sursauté en le découvrant en défense en Ligue des Champions.  » Je n’en ai pas cru mes yeux en suivant le match entre Arsenal et Anderlecht « , raconte Yaw Preko, ancien attaquant d’Anderlecht et entraîneur d’Acheampong en U20 du Ghana.  » Il peut tirer son épingle du jeu partout grâce à son explosivité mais soyons clairs : ce n’est pas un défenseur. Avant son départ pour la Thaïlande, il était même mon numéro dix.  »

Le joueur a appris à vivre avec ses limites.  » Avant le match, je lui disais toujours de remettre le ballon au sol ou d’effectuer un tir tendu au premier poteau « , raconte encore Hasi. StefanoOkaka était là pour parachever l’action. Et avec un peu de chance, un défenseur marquerait contre son camp.  »

RUNNING BACK

Acheampong donne parfois l’impression d’être un projectile incontrôlable, qu’il ne faut pas embarrasser avec des consignes tactiques. C’est un running back particulièrement précieux. En football américain, ce poste requiert de la vitesse, de la vivacité et un centre de gravité bas.

Le problème se situe dans la fréquence de ses passages à vide. Besnik Hasi s’énervait parfois cent fois par match parce qu’il avait laissé filer son homme.  » Frank est un garçon conscient de son devoir mais il est impossible de le défaire de certaines habitudes. En voyant son adversaire s’échapper, il pense subitement : – Oh, je dois le suivre. Au coup de sifflet final, il m’adressait un grand sourire et j’oubliais instantanément ma colère.  »

Un ancien coéquipier a remarqué cette nonchalance aussi.  » Tactiquement, il devait encore progresser. Nous devions parfois lui expliquer dans quelle zone il devait se placer et quelles trajectoires il devait suivre. Mais souvent, nous avons aussi abusé de Frank. Nous expédions le ballon en avant en pensant qu’il était assez rapide pour en faire quelque chose.  »

Le moment est sans doute venu d’encaisser, pour Anderlecht. Alors, cap sur l’Allemagne, le pays de son représentant, OliverKönig ?  » Ce serait un pas en avant sur le plan sportif mais, pour un Africain en début de carrière, comme lui, d’autres compétitions sont peut-être plus indiquées « , observe ce dernier.  » Un Noir n’est respecté en Bundesliga qu’à partir du moment où il jouit d’une certaine notoriété et qu’il a coûté pas mal d’argent « .

Le principal intéressé lui-même a beau être fan du Barça, ses préférences vont à l’Angleterre. D’autant plus que, depuis cette année, il entre en considération pour obtenir un permis de travail aux Iles. Durant le récent mercato, Herman Van Holsbeeck a d’ailleurs refusé une offre pour lui émanant d’un club de Premier League. Dans ce contexte, chaque but marqué en coupe d’Europe rapproche Acheampong de la Terre Promise.

Le regretté Swat Vander Elst avait l’habitude de dire qu’il fallait inscrire au moins cinq buts dans un tournoi européen pour mériter le titre de Mister Europe. Acheampong doit donc en marquer encore trois. Ce qui ne semble pas être une mission insurmontable, dans une double confrontation avec APOEL Nicosie.

PAR ALAIN ELIASY – PHOTO BELGAIMAGE

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