Mississippi

L’ex-joueur de Charleroi défend désormais les couleurs des Memphis Grizzlies en NBA.

S’il est devenu courant pour les jeunes basketteurs américains de trouver de l’emploi en Europe, il est rare qu’ils réintègrent leur pays par la grande porte, celle de la NBA. C’est pourtant la belle aventure qui est arrivée à Mike Batiste (26 ans, 2,03 m, 106 kg). Il nous l’a retracée quelques heures avant un match contre les Milwaukee Bucks.

« Après avoir terminé mes études secondaires à la Wilson High School de Long Beach (Californie), j’ai choisi de poursuivre des études en sciences sociales à l’Université d’Arizona où je faisais partie de l’équipe. Lors de ma senior year (deuxième licence) ma moyenne fut de 16,9 points et 6,9 rebonds par match », explique-t-il

Malgré ces performances qui en faisaient le 17ème meilleur marqueur et le cinquième meilleur rebondeur du championnat, l’ailier n’aura pas la chance d’être approché par une des 29 équipes de la NBA. A l’époque, les scouts lui reprochaient des faiblesses offensives. Mike rend alors part à divers stages et mini-championnats, notamment celui des Seattle SuperSonics (FILA Summer League). A l’automne 99, il se rend en Italie, à Trieste plus précisément où il est à deux doigts de signer un contrat professionnel avant de se voir renvoyer au pays en raison de problèmes au genou gauche. De retour aux Etats-Unis, il doit d’ailleurs subir une intervention. Il se remet à fréquenter les camps d’entraînement, histoire de se mettre en vitrine.

En été 2000, suite à l’Atlanta Summer Shootout et la Shaw’s Pro Summer League à Milwaukee, il est repéré par une équipe de l’ American Basketball Association, les Roadrunners d’Anaheim, dans la grande banlieue de Los Angeles, à deux pas de sa ville natale d’Inglewood.

« Je n’ai pas signé tout de suite pour cette équipe car mon agent, Todd Eley, entretenait plusieurs contacts à l’étranger, notamment en Espagne, en Italie, en Grèce et en Belgique. Et finalement, avec le recul, j’ai bien fait de ne rien précipiter. J’ai opté pour Charleroi car j’estimais que le championnat belge, moins exigeant physiquement peut-être que les autres, me conviendrait mieux en raison de la faiblesse encore relative de mon genou. Et puis, dans les rangs de Charleroi se trouvait une connaissance, mon compatriote Lenny Brown, susceptible d’aider à mon intégration ».

L’accueil dans le Pays de Charleroi fut chaleureux. « Les dirigeants et le public ont été charmants mais l’expatriation est difficile. Je me retrouvais tout seul. Il faut un certain temps avant de s’y faire. Surtout que je n’ai pas vraiment de hobby. Tout en Belgique est moins rapide et bien plus libéral qu’ici.Mais quelle gentillesse!

Le niveau de jeu en Belgique est bon. Je le comparerais au niveau universitaire américain même si celui-ci est plus physique. Personnellement, j’ai dû me rompre à quelques règles: le pas supplémentaire vers l’anneau, le fait que l’on puisse pratiquement sortir un ballon de l’anneau, une ligne des trois points moins éloignée… Les entraînements à Charleroi étaient durs. Aux States, tant au niveau universitaire qu’un niveau professionnel, vu la fréquence de matches, les entraînements sont essentiellement une manière de rester en forme, d’étudier de nouvelles options tactiques ou de peaufiner des automatismes. Ils ne sont pas aussi physiques qu’en Belgique ou en Italie. Giovanni Bozzi était un type bien. Il était exigeant et n’hésitait pas à vous faire savoir quand il n’était pas content de vous. Il parvenait aussi à nous mettre au défi de nous dépasser.Pour ma part, j’ai beaucoup travaillé mes tirs à trois points.

Le basket européen, je l’ai découvert grâce à la Coupe d’Europe avec les Spirous (Virtus Bologna, St Pétersbourg, Vitoria, Cibona, AEK,…), je le trouve fondamentalement très sain avec de bonnes options tactiques et des tireurs d’une grande précision ».

Avec 16,1 points de moyenne lors du championnat de la Ligue européenne Mike Batiste termina deuxième meilleur marqueur derrière son compatriote Derek Hamilton (St-Pétersbourg). Quant à sa saison carolo 2000-2001 elle fut ponctuée d’une moyenne de 14,6 points (deuxième meilleur marqueur du club) et 7,2 rebonds.

Cap vers le Sud puis les USA

En été 2001, le Californien retrouve l’Italie, à Acqua Lauretana Biella en série A où il signe une bonne saison: 12,4 points et 7,2 rebonds par match.

« Le niveau italien est très supérieur au belge. Ce championnat compte de très bons joueurs répartis dans tous les clubs qui font que chaque rencontre est une bataille. J’ai commencé sur un ton mineur avec des hauts et des bas. Je suis rentré à la maison à la fin novembre pour la fête de Thanksgiving et ça m’a visiblement fait du bien. Quand je suis revenu en Italie, tout allait mieux, mentalement et physiquement. Nous sommes arrivés à nous maintenir et mes prestations me valurent d’être approché par le Bipbop-Carire Reggio Emilia (Lega 2) avec lequel j’ai d’ailleurs signé un contrat.

Mais juste avant le début de la saison 2002-2003, les Los Angeles Clippers m’ont transféré.Impossible de refuser: mon rêve se réalisait et je revenais dans ma région natale. J’ai effectué toute la campagne de préparation avec les Clippers -avec 33 points personnels contre Seattle le 12 octobre- avant qu’ils ne me libèrent après le dernier match de préparation, soit deux jours à peine avant la reprise du championnat. Heureusement, j’ai pu trouver embauche chez les Memphis Grizzlies ».

Avec un joli salaire: le double de ses émoluments à Charleroi. « Mike est un joueur capable de répondre à nos besoins en tir à distance », commenta le légendaire Jerry West, responsable des opérations du club.

Le coach de l’époque Sidney Lowe abondait dans ce sens: « Mike sait tirer à distance et écarter le jeu pour donner des solutions. C’est aussi un avant de belle taille ».

Malheureusement, le début de saison de Memphis (malgré la présence de l’Espagnol Pau Gasol, élu meilleur rookie du championnat la saison dernière), fut catastrophique avec huit défaites de rang.

West limogea le coach et appela Hubie Brown qui est pratiquement parvenu à rétablir l’équilibre (20 victoires et 41 défaites). « Il est sévère mais il est juste. Notamment dans le temps de jeu qu’il vous accorde ».

A ce sujet, notre interlocuteur ne se débrouille pas trop mal puisqu’il en est à 16,2 minutes de moyenne qui lui permettent de maintenir un rythme de 6,1 points par match. Vus de loin, ces chiffres ne sont pas impressionnants mais une fois remis dans leur contexte, ils sont très honorables pour un rookie.

« Assez étonnement, le transition entre la Ligue italienne et la NBA fut assez facile du point du vue physique. Même les entraînements ne sont pas très exigeants. On nous laisse beaucoup de temps de récupération. Il faut dire que nous jouons 82 rencontres en cinq mois et demi. Soit 3,4 rencontres par semaine en moyenne. C’est plutôt au niveau de la vitesse de jeu et d’exécution que le changement fut radical. On côtoie les meilleurs joueurs du monde. J’aimerais tenir une dizaine d’années à ce niveau ».

Bernard Geenen

« Ah, la gentillesse belge! »

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