Mise au point

Laszlo Bölöni termine sa Grande Boucle liégeoise par deux raids en France : le maillot jaune belge est-il prêt pour aborder son terrible mois d’août ?

Et si le transfert liégeois de la saison était tout simplement son nouvel entraîneur ? A sa façon, sans rouler des mécaniques, professionnel jusqu’au bout des ongles, connaisseur et perfectionniste, Laszlo Bölöni a calmement pris ses quartiers tout en mesurant l’importance et la difficulté de sa mission.

Il y a deux ans, Johan Boskamp vivait la même situation mais ce fut une catastrophe sur toute la ligne. Le Bos est un excellent entraîneur, personne n’en doute, et il avait découvert, lancé, retenu ou dégrossi des joueurs comme Steven Defour, Marouane Fellaini ou Milan Jovanovic. Mais il ne prit pas le temps d’étudier la culture interne en vigueur depuis l’été 1998 quand LucianoD’Onofrio devint le patron du club. Son humour et ses lancinantes demandes de renforts via la presse ne convenaient pas exactement au style maison avec un LD qui attend toujours le bon moment pour réaliser des coups sur le marché des transferts. Un coach ne doit pas publiquement lui demander d’ouvrir son portefeuille.

 » Sans son passé de joueur de ce club et sa parfaite connaissance du mode de fonctionnement de ce club, je ne crois pas que Michel Preud’homme aurait décroché le titre « , nous disait récemment un joueur au hasard d’une conversation.  » J’ai été emballé par sa science du métier mais il avait surtout l’avantage appréciable de connaître la maison liégeoise de fond en comble. Il avait cerné les traits de caractère de tous les dirigeants et décideurs de ce club. Cela fait quelques années que je suis là et je commence seulement à comprendre l’âme du Standard, son rythme de vie, ses courants d’influences, ses habitudes et traditions, ses pressions internes et externes, ses tensions émotionnelles, etc.

Je ne suis pas certain que Marcello Lippi serait champion avec le Standard. En fait, je ne lui accorderais aucune chance tant le Standard est un club bien spécifique. Bölöni l’a compris. C’est un grand coach qui connaît parfaitement tous les aspects de son métier. Ceux qui l’estiment distant ou froid ne le connaissent pas. Il vit avec son groupe et est à l’écoute de chacun. Le coach a même suggéré à un joueur de visiter un appartement dont il avait fait le tour « .

Le potentiel technique est-il à la hauteur ?

Un coach peut débarquer avec des idées bien précises et les imposer même si cela ne colle pas avec les potentialités de l’effectif. A Veldwezelt, le Standard entama son premier match de la saison en 4-1-4-1. Il ne posait pas un premier jalon tactique mais entamait l’étude du potentiel technique de son effectif alors privé pour raisons diverses de pièces importantes comme Oguchi Onyewu, Dieumerci Mbokani, Milan Jovanovic, etc. Bölöni est un amoureux du jeu technique. Il a une évidente exigence à ce niveau. Chaque balle mal négociée constitue une perte de temps gênante, parfois dangereuse, et désole cet esthète. C’était évidemment aussi le cas de Preud’homme. Les nouvelles attentes sont cependant plus cruciales : le Standard doit répéter son bon championnat tout en redorant son blason européen.

Les premiers bilans sont dressés dès la fin août. Il y a un an, MPH et son staff avaient encore le temps : Bölöni n’en a pas… La saison passée, le futur Coach de l’Année camoufla astucieusement les manquements d’une équipe détenant un registre technique suffisant pour la D1, pas pour des chocs européens même si le Zenit Saint-Pétersbourg (futur vainqueur de la Coupe de l’UEFA) trembla au pied du vieux terril. Ce fut une bataille aérienne, pas une joute technique. Dans un climat général de sympathie à l’égard du Standard, l’absence d’un grand flanc gauche ( Axel Witsel y remplaça Salim Toama, bon en été mais surpris par les terrains lourds et l’hiver) passa presque inaperçue.

MPH rapiéça sans cesse avec des joueurs très méritants dont certains sont restés au bercail : LandryMulemo, Réginal Goreux, Marco Ingrao, Siramana Dembele, Gregory Dufer ou Toama. Excellents en D1, leurs apports permettront-ils de faire la différence sur la scène européenne ? C’est discutable et cela explique le désir d’augmenter le niveau technique de l’équipe de base. Le coach veut visiblement encore engager quelques titulaires (trois ou quatre ?), des éléments confirmés, des talents expérimentés, pas de joueurs se contentant d’une petite place douillette dans l’effectif. Après le match à Veldwezelt, Bölöni est revenu au 4-4-2 que les Standardmen connaissent sur le bout des crampons. De plus, cette équipe doit emballer le rythme et vivre d’émotions car le jeu léché ne cadre pas avec ses possibilités et ses traditions. Il aurait été hasardeux de renoncer à tout l’héritage tactique et à la culture d’un groupe n’ayant pas beaucoup évolué. A moyen terme, le Standard pourrait dessiner progressivement un 4-3-3.

Pourquoi la défense a-t-elle perdu sa sérénité ?

Les défenseurs du Standard ont répondu à l’attente la saison passée : c’était une sacrée dalle de béton armé. Les vacances ne leur furent cependant pas très profitables. Les regards à l’égard d’ Aragon Espinoza n’ont pas changé. Le gardien de but équatorien ne dégage toujours pas une impression de calme et de sérénité. Le titre et le plongeon dans la Meuse n’ont guère changé le style de ce gardien. Souvent chanceux la saison passée, il ne pourra pas miser éternellement sur sa bonne étoile pour gommer ses maladresses et autres erreurs d’appréciation. C’est un des points faibles ou du moins incertains de cette équipe. Espinoza est-il taillé pour le top ? Il aurait été logique de faire confiance à Jérémie De Vriendt (23 ans) qui déborde de dynamisme et de présence. Cette belle promesse a besoin de temps de jeu. Lui accordera-t-on cette faveur Evincera-t-il Espinoza ? Un troisième larron les mettra-t-il d’accord ?

Si Marcos est indiscutable, l’axe central est en panne. Mohamed Sarr a quelques kilos à perdre. Cet excès pondéral ne l’a pas transformé en bonhomme Michelin mais a plombé sa vivacité. Tomislav Mikulic, moyen à la relance mais sérieux et appliqué à la récupération, pourrait lui piquer sa place aux côtés de l’indispensable Onyewu. Sans son gratte-ciel américain, la défense liégeoise manque de présence et ne règne plus sur le trafic aérien, surtout quand Fellaini déserte la ligne médiane comme ce sera le cas durant ses obligations olympiques. Dante dépanne parfois dans l’axe mais son apport est plus évident à gauche où les apparitions d’Ingrao ne devraient pas être très nombreuses. Mikulic constitue une autre possibilité de dépannage dans cette zone. Durant certains matches de préparation, la défense a semblé très friable.

Witsel n’est-il pas brimé à gauche ?

C’est au c£ur de l’équipe qu’on note le plus de changements. Sans faire de bruits, les deux renforts montois ont élargi la palette des possibilités. Il était essentiel, vital même, de trouver une solution pour remplacer Fellaini parti en Chine. BenjaminNicaise le fait avec ses moyens et sa hargne. C’est pas mal du tout mais l’ancien Dragon manque actuellement de références au top belge. Nicaise n’a pas le même apport dans les airs que Fellaini et aimerait jouer plus haut. Ce guerrier compense par sa frappe et une bonne distribution du jeu à distance. Le roquet français doit cependant garder la maîtrise de ses nerfs quand cela frotte. Acceptera-t-il de rentrer sous sa tente quand Fellaini reviendra de Pékin ?

Defour doit impérativement franchir un cap. Même si son abattage est appréciable, ce n’est pas à lui de reculer trop bas, au point de marcher sur les pieds de ses arrières. C’est un peu facile et cette habitude ne rapporte finalement pas grand-chose. Le Soulier d’Or doit jouer plus haut, signer des assists et percuter. C’est là et pas ailleurs que naissent et règnent les grands médians. Defour devine ce qui lui reste à faire s’il espère rejoindre un jour un grand club européen. Le capitaine liégeois ne sent-il pas l’haleine d’ Axel Witsel dans son cou ?

Bölöni le sait : Witsel n’est dans son élément à gauche. Peut-être un peu lent, l’esthète liégeois n’est pas une machine à déborder et à centrer. Que peut-il apprendre à un poste qui ne lui convient pas dans la configuration actuelle du Standard ? Rien. Il y a des meneurs de jeu décalés à gauche ou à droite avec des essuie-glaces à leur service. Axel est un homme d’axe et le Standard bride l’apport de cette perle en le cantonnant à gauche. A la longue, il finira par être jugé en tant que flanc gauche, ce qui serait un non-sens.

A gauche, le Standard est obligé de trouver une autre solution avec Mulemo ou un renfort. Witsel ne doit-il pas évoluer à la place de Defour ou de Nicaise ? Ils ont intérêt à se méfier car un duo Witsel-Fellaini ne manquerait pas d’allure. Plus tard, la vérité passera peut-être par une ligne médiane à trois et un Witsel plus axial. La vitesse de Wilfried Dalmat constitue un atout. A droite, il a pris le dessus sur le jeune Goreux et Dufer qui lui imposeront cependant une forte pression.

Mbokani et de Camargo peuvent-ils se passer de Jovanovic ?

Bölöni l’a répété plusieurs fois :  » J’attends Jovanovic « . Même s’il a essayé son nouveau costume rouche, le Footballeur Pro de l’Année désire toujours vivre d’autres défis. Jeudi, il a rejoué pour la première fois après son opération. En une mi-temps, il a marqué deux buts et un assist face à Hamoir. Jova est là. Pour combien de temps encore ? Comment le remplacer ? Les attaquants en place peuvent-ils se passer d’un dribbleur qui hypnotisait ses adversaires ?

Mbokani n’a éprouvé aucune peine à retrouver son magnifique niveau de la saison passée. Igor de Camargo s’est refait un moral et une ambition au Brésil. Le nouveau citoyen belge s’est totalement retrouvé et devrait causer des ravages au coeur des défenses adverses renforcées. C’est à lui de confirmer lors des derniers réglages. Du 5 juillet au 2 août, la gradation est intéressante entre Veldwezelt et Saint-Etienne. Tous les regards se tournent vers Geoffroy-Guichard.

Après sa visite à Valenciennes, le moteur liégeois devra tourner à plein régime chez les Verts. Valenciennes-Saint-Etienne : ce Tour de France en dira long sur les qualités du maillot jaune de notre D1. Une semaine plus tard, les champions retrouveront pour la troisième fois Anderlecht en Supercoupe (succès en 1981, 0-0, tirs au but : 3-1 ; défaite 3-0 en 1993). Ce sera le dernier apéro avant les deux plats consistants : le troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions et le début du championnat.

Les choses sérieuses et les rendez-vous importants approchent à grands pas. Bölöni sait qu’une saison réussie s’explique souvent par une bonne mise à feu. De plus, à partir de main-tenant, son £uvre sera constamment comparée à celle de Preud’homme.

par pierre bilic – photos : reporters

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