Mise au ban(c)

Le renouveau montois a entraîné la disgrâce de trois joueurs : Benjamin Nicaise, Peter Franquart et Olivier Werner.

Et si le tournant de la saison montoise avait eu lieu contre Charleroi ? Ce soir-là, Mons s’incline 2-3. Trois titulaires sont pointés du doigt pour leur mauvaise prestation. Le capitaine Benjamin Nicaise est remplacé à la mi-temps. Quant à Peter Franquart et au gardien Olivier Werner, ils passent à côté de leur match, commettant même une bourde chacun.

Depuis lors, Enzo Scifo ne leur accorde plus sa confiance. Werner, titulaire indiscutable, a plié face à celui qui avait déjà un pied dans le staff, Cédric Berthelin. Nicaise a disputé 76 minutes sur les six dernières rencontres (soit une moyenne de 12,5 minutes par match) et a laissé sa place à Flavien Le Postollec (et son brassard à Berthelin). Quant à Franquart, sa blessure est arrivée à point nommé, lui qui était suspendu pour le match suivant à Malines (3-0), écarté pour la réception du Beerschot et sur le banc pour le déplacement à Waasland. Lui aussi avait subi de plein fouet la défaite dans le derby hennuyer.

Depuis lors, l’équipe tourne. Hormis la défaite à Malines (3-0), celle à Gand (2-0) et la raclée à Genk (5-1), Mons s’est remis en selle grâce aux victoires face au Beerschot (1-0), au Standard (3-1), à Courtrai (1-0), au Cercle (3-2) et en déplacement à OHL (1-3) mais également grâce au partage à Waasland (2-2). Soit 16 points sur 27 ! Les choix de Scifo se sont donc avérés gagnants.

Néanmoins, le sujet reste sensible du côté montois. Enzo Scifo n’a pas voulu nous expliquer ses choix, désirant protéger son vestiaire et l’ambiance paisible qui y règne. Un entraîneur qui botte en touche pour expliquer des options gagnantes, voilà qui relève de l’inattendu ! Les joueurs, qui ont pourtant été mis en cause de manière peu élégante (puisque sans preuves) par Stéphane Pauwels n’ont pas désiré non plus revenir sur leur écartement, passant à côté de la possibilité de laver publiquement leur honneur et réputation. Quant à leur agent, Mogi Bayat, il s’est borné à dire  » qu’il n’y avait pas de problème « ,  » que Nicaise jouait régulièrement  » et  » que Franquart était blessé « . Seul le directeur général Alain Lommers a bien voulu nous répondre.

Enzo Scifo, motus et bouche cousue

Pourtant, en écartant simultanément -dans le cas de Werner, Scifo attendra la lourde défaite à Malines pour le dégrader dans la hiérarchie -, trois titulaires indiscutables, Scifo a pris des risques. Comme il en avait pris en se passant de Jérémy Perbet.  » Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Enzo a beaucoup de poigne « , nous révèle quelqu’un proche du club.  » Il a la dent dure comme il l’a prouvé dans le dossier Perbet mais à un moment donné, il sait aussi passer l’éponge.  »

Pourtant, les deux dossiers diffèrent. Dans le cas de Perbet, le buteur français s’était mis lui-même hors-jeu en refusant de s’entraîner et en clamant haut et fort que son avenir ne passait plus par le stade Tondreau. Le groupe n’aurait pas compris que Scifo ne sanctionne pas Perbet. Quant aux supporters, face à un joueur (certes meilleur buteur) qui ne se défonçait plus pour leur propre club, ils ne pouvaient que soutenir Scifo dans sa démarche.

Dans le dossier Nicaise-Werner-Franquart, Scifo n’a donné aucune explication et, même deux mois plus tard, il refuse tout commentaire. Boucs émissaires ? Forme déclinante et manque d’implication des trois joueurs ?  » Cela fait partie des choix qu’un entraîneur doit poser en fonction de la forme de chacun ou d’options tactiques « , affirme Lommers.  » Ils ne font, pour le moment, plus partie des plans de l’entraîneur mais cela ne veut pas dire qu’Enzo ne compte pas sur eux. L’entraîneur a un noyau de 23 dans lequel il doit puiser en fonction des circonstances.  »

Mons n’a donc pas fait une croix sur ces trois joueurs.  » S’ils ne sont pas satisfaits de leur sort, ma porte est toujours ouverte pour discuter de leur cas mais on n’envisage pas leur départ « , ajoute Lommers.  » On n’est pas encore à dire qui part ou qui reste lors du mercato. Mi-décembre, en fonction de notre classement – si on a une réelle possibilité d’atteindre les play-offs 1 ou pas -, on définira notre politique de mercato hivernal.  »

Benjamin Nicaise, le relais cassé

Sans doute le cas le plus épineux. En arrivant à Mons, Scifo a directement donné des responsabilités à Nicaise, en faisant de lui son capitaine et son relais sur le terrain. Le médian français a parfaitement rempli ce rôle, ne suscitant que des louanges de son entraîneur (hormis sa présence comme consultant dans l’émission télévisée La Tribune).

Pourtant, Scifo n’a pas hésité à sacrifier son capitaine, après quelques prestations en demi-teinte.  » Nicaise, c’est un caractère, une personnalité qui dispose d’un super pied, capable de mettre une transversale de 35 mètres dans ta bouche « , explique l’ancien attaquant Cédric Roussel,  » mais dans le jeu court, et si on va vers un football plus offensif, Le Postollecapporte davantage car il a plus de vivacité, de mouvement dans son jeu. Cependant, je reste persuadé que Le Postollec et Nicaise sont complémentaires, avec Nicaise en pur numéro six et Le Postollec un cran plus haut.  »

Alex Teklak, consultant pour Belgacom et Vivacité, explique que  » le 4-4-2 de Scifo ne plaide pas en faveur de Nicaise. Dans ce système, l’entrejeu montois est souvent confronté à un triangle adverse car beaucoup de formations évoluent en 4-5-1. Face à ce triangle, tu dois donc avoir des joueurs qui ont du coffre et du volume. Dans un autre système, je pense que Nicaise aurait davantage voix au chapitre.  »

Le futur de Nicaise est-il toujours inscrit à Mons ? Certains pensent que le joueur de 32 ans prépare petit à petit sa reconversion (dans les médias ou pourquoi pas comme agent). Si Nicaise doit quitter Mons, avec lequel il a encore un contrat jusqu’en 2014, l’histoire retiendra qu’il s’est fait piquer sa place par un joueur, Le Postollec, amené à Mons par…son propre agent, Mogi Bayat.

Olivier Werner, l’espoir qui tarde à éclore

En faisant de la place à Olivier Werner, Dennis van Wijk pensait lancer définitivement la carrière de ce portier. Ce choix avait été validé par Scifo sans que le professionnalisme de Cédric Berthelin ne soit remis en question. Pourtant, à bientôt 36 ans, Berthelin a repris du service.

Aujourd’hui, les performances du gardien français et les statistiques plaident en sa faveur. Werner avait encaissé 18 buts en huit rencontres (soit 2,2 buts par match) alors que Berthelin n’en a pris que 13 en huit rencontres également (soit 1,6). Certes, Mons continue à encaisser beaucoup mais moins qu’en début de championnat.  » Je n’avais pas compris son éviction la saison passée « , ajoute Roussel.  » L’excuse du terrain synthétique semblait un peu farfelue. Pour moi, Berthelin n’est pas plus faible que Werner. Il a de l’assurance, de l’expérience et il prend des points. Il ne fait pas beaucoup d’erreurs et est très régulier depuis qu’il a pris la place de Werner. C’est clair que ce n’est pas une solution d’avenir mais il a un contrat et tant qu’il évolue à ce niveau-là, il doit jouer !  »

 » Psychologiquement, Werner semblait un peu moins en forme « , dit Teklak,  » Or, le poste de gardien est un poste exposé où il convient d’avoir quelqu’un de serein. De plus, quand tu changes de gardien, tu ne le fais pas pour un match. Tu dois laisser le nouveau s’installer sur plusieurs rencontres.  »

Werner se voit donc stoppé net dans sa carrière et la direction montoise chercherait déjà un remplaçant pour la saison prochaine.

Peter Franquart, le mal-aimé

Que ce soit à Mons ou à Charleroi, le public lui a toujours reproché son style peu académique. Peter Franquart n’a jamais fait l’unanimité. Pourtant, ses entraîneurs ont toujours soutenu son caractère valeureux.  » J’ai toujours dit que la défense de Mons disposait de beaucoup de joueurs au profil similaire (Franquart, Maël Lépicier ou Jérémy Sapina) « , analyse Roussel.  » A savoir, bons sur l’homme, solides au duel, qui savent jouer au ballon mais très lents. Ils éprouvent des difficultés à se retourner et quand on leur met un adversaire rapide dans les pattes, ils sont vite en danger. C’est d’ailleurs ce qu’avait choisi de faire Charleroi.  »

C’est pour combler cette lacune que Scifo a fait confiance à Daan Van Gijseghem, plus rapide.  » Daan avait perdu de la vitesse à Bruges et il est en train petit à petit de la retrouver « , dit Teklak.  » Scifo a choisi de reconstituer la paire Sapina-Van Gijseghem qu’il avait mise sur pied à Mouscron. Ils sont complémentaires : l’un est fort dans les duels, l’autre couvre et a plus de vitesse. Tu gagnes du temps en misant sur une paire qui se connaît bien !  »

Contrairement à Werner et Nicaise, le défenseur français n’est pas encore complètement en disgrâce puisque sa blessure et le comportement du secteur défensif (qui encaisse encore beaucoup) lui laissent encore une chance de revenir dans l’équipe.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » On n’envisage pas le départ de ce trio  » (Alain Lommers)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire