Miraculé du Chaudron

Ribéry enlisé dans de sales draps, la France se cherche une nouvelle coqueluche. L’avant stéphanois pourrait très bien reprendre le rôle.

La France connaît aujourd’hui deux Payet : Manu et Dimitri (désolé Valérie). Le premier multiplie au cinéma les comédies ratées alors quand le second désarçonne les défenseurs de L1 et enchaîne les pions. Meilleur buteur de l’actuel championnat de France avec Saint-Etienne, le Réunionnais est la grande révélation hexagonale de ce début de saison. Un départ en trombe couronné logiquement par de premières minutes en Bleu face à la Roumanie au Stade de France durant lesquelles le Stéphanois n’a pas traîné pour déposer sa carte de visite : feinte de frappe côté droit, crochet, et offrande du gauche pour Yoann Gourcuff qui mit fin à tout suspense (2-0).

Quatre jours plus tard face au Luxembourg, rebelote dans un genre moins spectaculaire, Payet décale pour le même Gourcuff qui trompe des 25 mètres un gardien à la rue. Des débuts rêvés chez les Coqs pour cet avant né en 1987 comme les Karim Benzema, Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, JérémyMenez, champions d’Europe des -17 en 2004 et frappés par la gloire dès l’adolescence. Mais Payet a, lui, connu des ratés à l’allumage. Tout d’abord au Havre où il débarque à 12 ans pour y intégrer le centre de formation. Quatre ans plus tard, il prend le vol retour vers sa ville natale de Saint-Pierre (Île de la Réunion). Ecarté en Normandie pour son manque d’investissement et de motivation, le FC Nantes lui offre une seconde chance après un an de purgatoire sur les bords de l’océan Indien.

Chez les Canaris, le jeune Payet passe deux ans avec la CFA et vit ses premières face caméra dans un docu signé Arte. Dans L’Académie du foot, qui suit le quotidien d’apprentis footballeurs dans un centre de formation, Payet est la figure centrale. On y voit même ses débuts chez les pros filmés par la chaîne franco-allemande. 2006-2007 est la saison de la confirmation. Le Réunionnais s’éclate sur les prés mais est bien trop seul, Nantes bascule en L2 en fin de championnat. Avec 5 buts au paletot, plus de 30 matches en L1 et quelques fulgurances de haut vol, Payet démontre que sa place est parmi l’élite.

Durant le mercato estival, son nom se retrouve au centre de nombreuses convoitises. Quatre millions d’euros et un contrat de quatre ans l’amènent finalement à Saint-Etienne. Mais la direction stéphanoise déchante pendant trois saisons : l’attaquant que l’on retrouve tantôt sur le flanc droit, sur le côté gauche ou en soutien, partage le bonnet d’âne avec Kevin Mirallas. Ses stats sont faméliques, 6 buts en championnat en trois ans, et une saison vierge pour ses débuts en Vert. L’an dernier, le Chaudron le prend même en grippe alors que Sainté flirte avec la descente. Le 8 mai 2010 face à Toulouse lors de la 37e journée, on croit même que le point de non-retour est atteint. Payet se fritte en plein match avec son capitaine, Blaise Matuidi à qui il décoche un coup de boule. Malgré ses excuses, le Réunionnais est mis sur la liste des transferts. Mais son prix, huit millions d’euros(!), rebute les acheteurs potentiels qui ne croient plus à une éventuelle relance.

Déclic diététique

L’été dernier, Payet part se ressourcer à la Réunion. Histoire de faire le point : comportement, communication, et alimentation : « J’aimais bien manger les mêmes repas qu’à la Réunion. Mais ce n’était pas adapté.  » Il fait appel à un diététicien qui affine l’attaquant de 23 ans pour la reprise.  » Il n’y a pas beaucoup de monde qui me connaissait suffisamment pour savoir que je pouvais changer « , dit-il. Le revirement mental et physique s’avère rapidement payant. Lors de la quatrième journée, il inscrit un triplé face à Lens à Geoffroy Guichard. Sa rédemption dans le Chaudron est en marche.

Elle intervient définitivement lors de  » sa semaine infernale  » : 18 septembre 2010, Payet inscrit un doublé qui envoie les Verts en tête de la L1, une perf derrière laquelle le club courrait depuis 1982. Mieux encore, lors du derby face à Lyon, le 25 septembre, il enroule une frappe magnifique sur coup franc qui donne la victoire à Saint-Etienne (0-1) en terre ennemie.

Aujourd’hui, Payet est le sourire du foot français, l’attaquant remuant qui multiplie les courses, dribbles, frappes pied gauche-pied droit, un style Ribéry, sans la balafre et à la dentition plus vendeuse. Si les médias ne le lâchent plus, place désormais à la confirmation d’un début de saison en trombe. Car les comètes ont défilé ces dernières années dans le foot français.  » Au fond, Dimitri est timide. Et un peu fou « , dixit son coéquipier, Bakary Sako. Son coup de sang de la saison dernière semble très loin. A Clairefontaine, Payet fait même chambre commune avec Matsuidi, lui aussi nouvel appelé des Bleus de Laurent Blanc. Comme quoi dans la vie, tout peut changer très vite, dans le foot peut-être plus qu’ailleurs…

par thomas bricmont – photo: belga

 » Au fond, Dimitri est timide. Et un peu fou.  » Bakary Sako

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