Mini Vieri

L’attaquant a eu une part prépondérante dans le doublé de l’Ajax la saison passée mais il n’est plus sûr de sa place: l’Egyptien ne comprend pas ce qui lui arrive.

Au terme d’une saison à La Gantoise, Ahmed Mido Hossam a rejoint l’Ajax. Co Adriaanse, alors entraîneur, l’a placé sur le flanc gauche. Une erreur de scouting? « Non, c’était à ma propre demande », rectifie Mido. « J’avais des offres sérieuses. Hormis l’Ajax, tous les clubs voulaient m’enrôler comme numéro neuf, ma place de prédilection. L’Ajax n’avait besoin de moi qu’à gauche car il avait déjà Arveladze, Machlas et Zlatan Ibrahimovic. J’avais le maillot anderlechtois en mains mais je l’ai jeté en apprenant l’intérêt de l’Ajax, même si c’était pour l’aile gauche. Lors de mon premier entretien avec Adriaanse, je lui ai dit que j’étais meilleur en pointe mais que j’étais prêt à saisir ma chance à une autre position ».

Comment s’est déroulée votre intégration?

Mido : Quiconque débarque dans un nouveau pays a besoin de deux mois d’adaptation au moins. J’avais l’avantage d’être passé par la Belgique. Là, pendant trois mois, j’ai été si malheureux que je voulais retourner dans ma patrie. Je ne représentais rien en Belgique alors que j’étais la coqueluche de l’Egypte. Je me suis quand même fait des amis, des jeunes joueurs qui m’ont aidé à résoudre les problèmes quotidiens. Il en a été de même à l’Ajax, à cette différence qu’on accepte mieux les étrangers aux Pays-Bas. En Belgique, au début, on vous ignore. Les gens passaient leur chemin quand je leur demandais un renseignement en rue. Ils ne se sont ouverts que quand je suis devenu connu. Je ne sais pas si c’est pareil à l’égard des Belges eux-mêmes mais les Néerlandais sont plus amicaux.

Adriaanse vous a enrôlé mais vous travaillez maintenant avec Ronald Koeman. Quelle est la plus grande différence?

A mes yeux, il y a deux sortes d’entraîneurs: les sévères et ceux qui se mêlent aux joueurs. Adriaanse émarge à la première catégorie, Koeman à la seconde. On a automatiquement plus de respect pour un entraîneur qui a lui-même évolué à un très haut niveau.

Avec lequel préférez-vous travailler?

Savez-vous ce qui compte pour moi? Pouvoir admirer un entraîneur. Nous devons le titre à Ronald Koeman. Nous avons 15 joueurs de -22 ans. Ils ont besoin d’un entraîneur qu’ils puissent suivre aveuglément. Ronald Koeman a un tel palmarès qu’on croit tout ce qu’il dit.

Koeman a toutefois privilégié votre rival, Zlatan Ibrahimovic.

A ce moment, je jouais la Coupe d’Afrique avec l’Egypte. De retour, j’ai pensé que j’avais perdu six mois sur l’aile gauche. Il était temps que je montre ce que je valais. Je me suis entraîné d’arrache-pied. Demandez-le à l’Ajax: j’étais le meilleur. Avant le match contre Feyenoord, la saison passée. Koeman m’a quand même placé à gauche à l’entraînement. J’étais p issed off et je me suis mal entraîné. Du coup, j’ai perdu ma place de titulaire.

Et vous avez rendu une petite visite à votre famille en Egypte…

Pendant mon temps libre! J’avais une journée de congé. Un journaliste m’a vu à Schiphol. A mon retour, Beenhakker et Koeman m’ont convoqué. J’ai avoué ne plus vouloir jouer à l’extérieur gauche. Ils l’ont compris mais moi, je devais savoir que j’étais le troisième choix, après Zlatan et Machlas. Ce n’était pas un problème: je me sentais capable de relever le défi. Je me suis juré de marquer un but chaque fois que je jouerais en pointe, pour faire mes preuves. éa a marché: contre De Graafschap, j’ai concrétisé ma première occasion, à la première minute. J’ai continué jusqu’à la fin de la saison. Il est essentiel de croire en ses moyens.17 buts en 18 matches

Vous avez eu une part importante dans le titre mais depuis le déplacement au FC Groningue, vous faites souvent banquette. Espériez-vous plus de crédit?

J’aurais dû en avoir. J’ai marqué 17 buts du match contre De Graafschap au déplacement de cette saison à Vitesse, soit en 18 matches, compte tenu des rencontres amicales contre Barcelone et le Celtic. Je pense avoir fait du bon boulot. Nous avons gagné la Coupe, le titre, l’Amsterdam Tournament et la Supercoupe, durant ce laps de temps. A Groningue, cette saison, j’ai été remplacé après une demi-heure. Koeman a déclaré qu’il aurait voulu me sortir après dix minutes. Puis, il y a eu le conflit né suite à mon interview à AT5. où j’avais déclaré à la chaîne d’Amsterdam que je quitterais l’Ajax en décembre car j’avais remarqué à l’entraînement que je n’entamerais pas le match contre le FC Zwolle.

Expliquez-vous.

Chaque joueur qui perd sa place pour une mauvaise demi-heure alors qu’il a marqué 17 buts perd son contrôle.

Après le match, Koeman s’est plaint de votre mentalité à l’entraînement.

Demandez aux gens! Certain joueurs considèrent le football comme un boulot. Ils s’entraînent et repartent. Moi, j’arrive tous les matins avec le sourire. Savez-vous pourquoi? J’aime le football, je ne sais rien faire d’autre. Je déteste étudier. Je suis incapable de rester assis dix minutes dans un bureau. Dans ces conditions, pourquoi m’entraînerais-je mal? Je sais que c’est ainsi qu’on progresse et je m’engage toujours à fond. Je me suis volontairement tu quand les journalistes m’ont confronté aux déclarations de Koeman.

Lui avez-vous dit quelque chose?

Ce que je viens de vous expliquer. Il m’a répondu qu’il avait toujours confiance en moi. éa m’a apaisé et je me suis bien entraîné deux semaines. Les internationaux étaient absents. Nous avons préparé le match contre Zwolle en petit comité. Un match facile. Je pensais fêter mon retour avec trois buts. Je me suis entraîné pour ça. Puis, Litmanen a débarqué. J’ai cru qu’il allait évoluer derrière moi mais j’ai compris que je ne jouerais pas. Koeman a associé Van der Meyde, Sikora, Zlatan et Litmanen. J’ai cru qu’il voulait essayer quelque chose car quelques jours plus tôt, il m’avait encore dit que j’étais son premier choix.

Ce qui n’était pas le cas et vous vous êtes épanché face aux caméras.

Qui ne l’aurait pas fait? Voyez-le sous cet angle. Pendant des semaines, vous écrivez de bons papiers et après un mauvais, votre patron vous jette. Que faites-vous? Vous pétez les plombs. Mais mon timing était mauvais car après le FC Zwolle, il y avait le match de Ligue des Champions contre Lyon. »J’ai toujours été sous pression »

Koeman vous a provisoirement écarté du noyau.

Je ne m’attendais pas à un tel foin. Les gens ont cru que je n’aimais plus l’Ajax. C’est faux, évidemment. Avant cette saison, trois grands clubs se sont encore présentés mais j’ai refusé alors qu’ils étaient prêts à payer ce que l’Ajax demanderait. Les quolibets des supporters m’ont chagriné.

Avons-nous déjà vu le vrai Mido?

Non. J’ai toujours été sous pression. L’année dernière, je devais marquer pour conserver ma place. On ne peut s’exprimer pleinement dans ces conditions.

Formeriez-vous une bonne paire avec votre ami Zlatan Ibrahimovic?

Ce n’est pas un must mais si vous me le demandez, l’Ajax est invincible si nous jouons ensemble en pointe. Nous pouvons affronter n’importe quel duo défensif central. Nous sommes complémentaires, comme Ronaldo et Vieri à l’Inter. Je ne veux pas nous comparer à eux mais nous sommes du même style. Je ressemble à Vieri: puissant, gaucher, bon de la tête et fort dans le rectangle. Zlatan a un superbe tir et dribble bien, comme Ronaldo. Quand nous jouons ensemble à l’entraînement, c’est du show. Nul ne peut nous arrêter.

Mais vous voilà sur le banc. Qu’est-ce que ça vous fait?

C’est dramatique pour ma confiance. Le pire qu’on puisse infliger à un joueur est de le remplacer sans motif. Soit, la prochaine fois, je devrai rester calme. En Egypte, on dit: a hard time makes the man. Je l’ai compris. Je ne suis pas un garçon difficile.

En Belgique, on n’en est pas convaincu.

Parce que j’ai refusé l’offre d’Anderlecht. Michel Verschueren est devenu fou. Il avait déjà vendu Koller et pensait tenir son successeur. Anderlecht est un bon club mais l’Ajax est d’un autre niveau. C’est une Ferrari alors qu’Anderlecht est une Alfa Romeo.

En achetant une Ferrari, vous avez suscité l’émoi.

C’est épouvantable: tout le monde en parle. On m’avait déconseillé cet achat. Je n’ai quand même pas acquis de la drogue? J’en ai les moyens et je rêvais d’une pareille auto. On m’a même traité de sorteur parce que j’avais acheté cette bagnole. Je vous le jure: en un an et demi, je ne suis sorti que trois fois. Pas plus.Des amis riches capables de racheter l’Ajax

Votre famille avait-elle une Ferrari, avant?

Non, mon père avait toujours une belle voiture mais nous n’étions pas riches à ce point. Nous avons une belle maison et j’ai eu une enfance agréable. Je n’ai manqué de rien. Nous faisons partie de la classe moyenne, un groupe qui ne cesse de se restreindre. Maintenant, il y a une poignée de gens très riches et énormément de pauvres. Certains de mes amis sont tellement riches qu’ils pourraient racheter l’Ajax.

Avez-vous aussi des amis d’une classe sociale inférieure?

Evidemment. J’essaie de les aider, pas financièrement mais en leur trouvant du travail. J’en ai procuré à trois amis pauvres, dans l’entreprise d’un copain qui est riche, et j’en suis fier.

Vous êtes le premier Egyptien sacré champion à l’étranger. L’Egypte est folle de foot. Parvenez-vous à vous balader en rue?

Les adultes se contiennent mais quand un groupe d’enfants me découvre, gare! (il rit). Si l’Ajax joue en Egypte, 130.000 personnes scanderont mon nom.

N’êtes-vous pas surpris du chemin parcouru depuis votre départ?

Non. Je n’ai encore rien fait. J’ai 19 ans, je joue à l’Ajax, j’ai une Ferrari et je suis un roi dans mon pays mais qu’est-ce que ça représente? Ma vie a beaucoup changé en peu de temps. A Gand, je me rendais à l’entraînement en tram. J’avais le plus mauvais contrat de tout le noyau. Deux mois plus tard, j’avais le meilleur et quelques mois plus tard, j’ai signé à l’Ajax. Je peux beaucoup mieux. Je m’entraîne et je joue en restant conscient de ça. Il est simplement dommage que mes qualités de footballeur ne se reflètent pas, actuellement, dans ma situation à l’Ajax.

Vous avez au moins le soutien de votre femme, puisque vous vous êtes marié l’été dernier.

En Egypte, on se marie quand on rencontre la femme avec laquelle on souhaite partager sa vie. Je n’ai jamais touché ma femme avant notre mariage. Beaucoup de joueurs ont été surpris mais je la connaissais depuis longtemps. Chaque fois que je revenais en Egypte, je la voyais. Mon père est un ami du sien.

Votre femme est souvent seule. N’est-ce pas pénible pour elle?

Très. Quand je séjourne à l’étranger, je l’emmène à l’hôtel car elle a peur de rester seule à la maison. Mais parfois je ne peux faire autrement que de l’abandonner. J’y suis obligé. Elle le comprend. Nous ne voulons pas encore d’enfants. Ils compliqueraient notre vie. Maintenant, nous pouvons aller nous promener, dîner à l’extérieur. Nous attendrons jusqu’à ce que j’aie 25 ans. J’ai encore tant de choses à faire dans ma vie.

Comme disputer un Mondial avec l’Egypte.

Oui. Les quatre premiers de la Coupe d’Afrique sont qualifiés pour l’Allemagne en 2006. Le tournoi aura très certainement lieu en terre égyptienne. C’est mon rêve.

Martijn Krabbendam et Thijs Slegers, ESM

« L’Ajax est une Ferrari, Anderlecht une Alfa Romeo »

« Koeman a un tel palmarès que l’on croit tout ce qu’il dit »

« Certains de mes amis sont tellement riches qu’ils pourraient racheter l’Ajax »

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