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Mike Trésor Ndayishimiye, le Ziyech droitier

Mike Trésor Ndayishimiye (22 ans) doit offrir plus de possibilités offensives à Genk. Le joueur formé à Anderlecht semble prêt à conquérir son pays natal, après un séjour de trois ans aux Pays-Bas.

Les Pays-Bas ont découvert Mike Trésor Ndayishimiye, alors âgé de vingt ans, le vendredi 6 décembre 2019. Peu avant le repos d’une rencontre contre l’Ajax, Willem II obtient un penalty sur une action amorcée par un crochet de Trésor. Il se place alors derrière le ballon et trompe le gardien André Onana d’un tir sec au milieu de la cage. Willem II défend en bloc et joue le contre. Sous la direction du Belge d’origine burundaise, qui distribue les passes comme Saint-Nicolas les bonbons. Peu avant le terme, il délivre l’assist du second but. 0-2, c’est la première défaite de l’Ajax à domicile en plus de deux ans. Adrie Koster vante alors la lecture du jeu du jeune homme et le raffinement de sa technique. Non sans nuancer ses compliments: « Mike est encore trop frivole par moments. »

Quand il a le ballon dans des espaces très réduits, il parvient à se libérer et il est redoutable quand il entre dans le rectangle. » Remco Oversier, directeur technique de Nec Nimègue

Adaptation éclair

Le talent de Trésor émerge tout d’abord à Anderlecht, qui le transfère de Tubize en 2015. Il fait partie de la génération exceptionnelle de 1999. Alors que Neerpede fournit habituellement deux à trois joueurs pros par an, cette levée délivre une équipe complète. En plus de Trésor, il y a Amuzu, Delcroix et Dewaele (qui sont toujours à Anderlecht), Sambi Lokonga (Arsenal), Saelemaekers (Milan), Bornauw (Wolfsburg), Svilar (Benfica), Foulon (Benevento), Corryn (Warta Poznan) et Antonucci (Feyenoord).

D’après Jean Kindermans, le coordinateur des jeunes, Trésor et Antonucci sont de véritables phénomènes. Mais en Espoirs, le courant ne passe pas entre l’entraîneur, Emilio Ferrera, et Trésor. Ce dernier a l’impression de stagner et veut s’en aller, comme Antonucci l’a fait un an plus tôt. Son nom figure dans le carnet de scouts de nombreux clubs européens, parmi lesquels Liverpool et la Juventus. Trésor visite le centre d’entraînement de Monaco, mais durant l’été 2018, il préfère finalement rejoindre NEC, un club de D2 néerlandaise. Il explique alors ses motivations dans La Dernière Heure : « Dans un tout grand club, je n’aurais été qu’un des nombreux jeunes dotés de potentiel. Je ne voulais pas être un numéro. »

À Nimègue, il se voit offrir du temps de jeu. Le directeur technique Remco Oversier précise: « Le mérite du transfert revient au scout en chef Nick Kersten, maintenant en poste à l’Excelsior. On se concentre sur les grands talents belges et néerlandais qui ont été jugés superflus de justesse. C’est ainsi que nous avons transféré Arnaut Danjuma du PSV. Mike nous convenait parfaitement. On lui a offert un cadre sûr et l’opportunité de jouer. On a d’ailleurs tenté de faire la même chose avec Paolo Sabak, de Genk, mais sans connaître la même réussite. »

Oversier se rappelle de l’arrivée de Trésor. « La première semaine, les supporters se bousculaient autour du terrain d’entraînement. Personne ne le connaissait. L’entraîneur travaillait les passes courtes et la finition. Chaque fois que Mike était en possession du ballon, les gens s’exclamaient. Le public de Nimègue est réputé critique, mais Mike l’a séduit d’emblée. Tout le monde se demandait d’où il venait. »

Pourtant, Trésor doit patienter six mois avant d’être titularisé. L’entraîneur, Jack de Gier, l’aligne en numéro 10 contre Jong Utrecht, début février 2019. Trésor, l’en remercie en marquant un but et Ferdy Druijf, aujourd’hui actif à Malines, se charge des trois autres. Score final: 4-1. « Par expérience, je sais que les joueurs qui viennent d’un autre pays ont besoin de temps », explique Oversier. « Mike s’est toutefois adapté très vite. Il est rapidement devenu titulaire. Ça semble simple, mais peu de joueurs en sont capables. Il est très rapide, avec et sans ballon, extrêmement embêtant, surtout sur de courtes distances par son explosivité. Quand il a le ballon dans des espaces très réduits, il parvient à se libérer et il est redoutable quand il entre dans le rectangle. »

Devant, Trésor s’entend bien avec Druijf et Jonathan Okita, un ancien du Standard. Il marque six buts durant sa première saison, puis repousse une offre du Bayern, qui veut l’embaucher pour son équipe U23. « J’y jouerais en équipe B, en troisième Bundesliga », explique-t-il au Volkskrant. « Je pourrai progresser plus vite en Eredivisie. Et je me connais: quand je ne joue pas ou que je plafonne, je suis malheureux. »

Trajectoires folles

Malgré sa percée, Trésor finit par se retrouver dans le noyau B. Il manque de concentration, selon le club. Willem II, qui évolue en Eredivisie, vient à la rescousse. Il y signe un contrat de location le 31 août 2019. « Un immense soulagement », soupire le joueur, qui peut être placé derrière les attaquants comme sur le flanc. Il se débarrasse de son nom de famille compliqué, Ndayishimiye, et évolue sous le nom de Trésor. Un changement qui semble l’inspirer. Polyvalent, créatif, il donne des ailes à Willem II. Toutes les attaques passent par lui, dans une équipe qui vit de beaux jours sous les ordres d’Adrie Koster. Le club de Tilburg et son noyau formé de gars excédentaires ailleurs ou de joueurs prêtés, bat l’Ajax, l’AZ et le PSV, pour finalement terminer à une surprenante cinquième place.

Mike Trésor, un joueur qui a besoin de confiance et de liberté pour s'épanouir.
Mike Trésor, un joueur qui a besoin de confiance et de liberté pour s’épanouir.© BELGAIMAGE

Son pied droit est particulièrement impressionnant. Rafael van der Vaart qualifie Trésor de Hakim Ziyech droitier, pour sa touche de balle et la manière dont il donne de l’effet au ballon. Début 2020, contre l’AZ, il reçoit le cuir juste en dehors du rectangle. Il le pousse un peu devant lui, puis trompe le gardien d’un tir-banane. Il paraît même que les entraîneurs des jeunes à Neerpede utilisent toujours des vidéos de ses actions pour montrer aux autres comment faire. Son coup franc est également une arme. Il parvient à donner de l’élan au ballon et à le faire retomber exactement quand il le faut. Un peu comme le but de Mikkel Damsgaard contre l’Angleterre à l’EURO. « J’ai vu beaucoup de vidéos de Ronaldo et Juninho sur YouTube et j’ai essayé de reproduire leurs actions à ma manière », raconte Trésor.

Mike sait ce qu’il veut et met tout en oeuvre pour l’obtenir. » Jacky Mathijssen, sélectionneur des Espoirs

« Son tir est énorme », opine Jorn Brondeel. À Willem II, le gardien belge a vécu dans le même vestiaire que Trésor pendant un an. « À l’entraînement, le ballon partait souvent dans tous les sens. Un gardien est sur ses gardes, dans ces conditions. Parfois, la balle donnait l’impression de planer, mais elle retombait au bon moment. C’est surprenant, surtout la première fois. » Après les séances collectives, Brondeel s’est souvent entraîné avec son compatriote. « On se posait des questions et on essayait de s’améliorer l’un l’autre. Style: Si je me place ici, comment envisages-tu la situation, en tant qu’attaquant? Mike essaie souvent de placer le ballon au ras du poteau, mais je lui ai conseillé de frapper au milieu de temps en temps et de laisser ses trajectoires traîtres faire leur oeuvre. »

Willem II se frotte les mains: le club de Tilburg dispose d’une clause d’achat à un demi-million. À l’été 2020, les clubs font la file pour Trésor. Le Standard est prêt à verser 2,5 millions, Genk prope plus du double, mais Willem II réclame sept millions. Une somme qui a finalement découragé les clubs belges, de même que le CSKA Moscou, l’Atalanta, le Hellas Vérone, Leeds United ou Wolverhampton.

Le Real ou Telstar

Entre-temps, Trésor fait ses grands débuts avec les Espoirs belges fin novembre 2019. Il ne joue que dix minutes lors de la victoire sensationnelle 2-3 en Allemagne, mais au match-retour, il joue les premiers rôles en inscrivant deux buts, dont un sur coup franc, et en délivrant deux assists (4-1). Jacky Mathijssen effectue alors ses débuts au poste de sélectionneur. « On joue en fonction de l’équipe A », explique-t-il. « Avec le même système de jeu, afin de préparer les jeunes à un avenir chez les A. Normalement, je comptais poster Jérémy Doku à l’un des postes offensifs derrière l’attaquant, mais quand Roberto Martínez l’a repris, Mike a repris son rôle. »

Trésor ne parvient malheureusement pas à qualifier les Espoirs pour l’EURO. Il sombre avec toute l’équipe face à la Moldavie. Les analystes lui reprochent de manquer de jusqu’au-boutisme. Une critique qui ne surprend pas à Willem II. La deuxième saison de Trésor y est difficile, à l’image de celle du club. Willem II lutte pour son maintien toute la saison. Certains supporters reprochent à Trésor son égoïsme et son manque de travail défensif. Ils le qualifient de footballeur des beaux jours, parfois brillant, mais souvent trop peu motivé. L’entraîneur intérimaire, Zeljko Petrovic, jadis coéquipier de Diego Maradona, devient fou. Dans un match crucial contre ADO La Haye, il place Trésor sur le banc. Et le Monténégrin se confie au Brabants Dagblad: « C’est la perle de Willem II. Mais il doit accomplir ses tâches défensives en perte de balle. Sinon, je ne peux pas me permettre de l’aligner. Trésor peut jouer contre le Real, mais il doit aussi pouvoir affronter Telstar. La balle est dans son camp. »

Oversier, lui, juge la critique injuste. « Ce n’est pas un défenseur, mais un élément offensif. Il réalise beaucoup d’actions spéciales, décisives, il marque et délivre des assists. Et donc il perd parfois le ballon. Mais même quand il rate une action, il continue à essayer. » Brondeel soutient également son ancien coéquipier. « La manière dont il se déplace induit les gens en erreur. Parfois, il baisse la tête mais en fait, il est de bonne volonté. » Brondeel et Trésor s’entendent bien en dehors des terrains aussi. « Il est d’un naturel paisible, très mûr pour son âge. On parle de beaucoup de choses, du racisme, par exemple. Ce n’est pas possible avec tous les footballeurs. Mike est intelligent, ouvert aux autres opinions et il sait comment fonctionne le monde. »

Besoin de confiance

Kindermans le qualifie de « garçon spécial », dans le Volkskrant. Mathijssen rit. « Je comprends ce que Jean veut dire. Mike sait ce qu’il veut et met tout en oeuvre pour l’obtenir, mais c’est positif. Je préfère ça à quelqu’un qui se tait et qui parle dans mon dos. Avec Mike, il est possible de définir des objectifs. » Oversier abonde: « Il a besoin de beaucoup de liberté et de confiance, surtout quand le monde extérieur le place sous pression. Mike est un garçon sensible. Tant qu’on lui fait confiance, il détermine le cours des matches. »

Malgré sa moindre forme, Trésor boucle sa deuxième saison à Willem II avec onze assists. Seuls Dusan Tadic et Steven Berghuis font mieux en Eredivisie. Mais il doit encore marquer plus. « Il doit également apprendre à gérer les contacts dans des espaces restreints », relève Mathijssen. En Espoirs, le sélectionneur a constaté que Trésor souffrait quand il était marqué à la culotte. « Il va être confronté à ce genre de situations en Belgique. » Mathijssen le compare à Leandro Trossard, qui a également progressé en transitant par des petits clubs. « Trossard fuyait aussi les duels, mais il a appris à s’en accommoder depuis. C’est une évolution logique. »

Trésor a-t-il donc un avenir avec les Diables rouges? Oui, selon Mathijssen. « Mais on n’en est pas encore là. Trossard a effectué le pas que Trésor accomplit il y a un certain temps. Il est toutefois dans les temps. Il a un bon passing, il sait ce qu’il se passe autour de lui, il est dangereux dans le rectangle et conserve parfaitement le ballon. Ce n’est pas rien. Maintenant, à Genk, il entre en concurrence avec Théo Bongonda et il devra s’adapter au championnat de Belgique. »

Belgique ou Burundi?

Dans les années ’90, en fuyant le génocide au Rwanda, la mère de Mike Trésor est arrivée à Anvers, où elle a rencontré le futur père du joueur, Fredy Ndayishimiye. Dans le Kirundi, ce nom de famille signifie « Je lui suis reconnaissant ». Après la naissance du frère cadet de Mike, la famille a emménagé à Lembeek, dans le Brabant Flamand, où Mike a touché ses premiers ballons, à l’Avenir Lembeek.

Fredy a joué au football et a même sauvé l’honneur de sa patrie en 1995, au Mondial U20, contre l’Espagne (5-1). « Mon père était encore meilleur technicien que moi, mais il a dû jouer au Burundi », explique Trésor au Volkskrant. « J’y suis allé et je dois dire que je suis très heureux d’avoir pu débuter en Belgique. » Bien que l’équipe nationale du Burundi l’ait déjà approché, Trésor a fait toutes ses classes dans les sélections belges.

Ses parents sont désormais divorcés, mais Trésor, très indépendant, se débrouille bien. Quand il a rejoint les Pays-Bas à 19 ans, il a tout réglé lui-même. La rapidité avec laquelle il a pris l’accent néerlandais en dit long sur ses facultés d’adaptation.

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