« Mieux vaut gagner 4-2 que 2-0! »

Le bilan des Rouches après trois mois avec leur nouveau directeur technique-entraîneur.

Il y a trois mois, jour pour jour, Michel Preud’homme entamait son travail au Standard. Le nom du nouvel entraîneur avait suscité une unanimité pratiquement jamais vue à Sclessin. Trois mois plus tard, la victoire sur Beveren permet à Preud’homme de présenter un premier bilan satisfaisant puisque le Standard est toujours européen et qu’il a inscrit beaucoup de buts.

« J’espère que ce match, qui ne fut pas facile à gagner, provoquera un déclic au niveau de la confiance parce que, quand les résultats ne sont pas ceux que l’on escomptait au départ, le doute s’installe toujours », dit Preud’homme. « L’idéal serait de pouvoir s’imposer deux ou trois fois d’affilée. Pourtant, jusqu’ici, mes joueurs ne m’ont réellement déçu qu’une seule fois: à Alost, où nous avions égalisé à la dernière seconde et où nous ne méritions pas mieux. Pour le reste, au niveau du nombre d’occasions, j’estime que nous pourrions prétendre à quatre points de plus. A Westerlo, nous avons dominé pratiquement tout le match et nous nous sommes fait rejoindre de manière un peu stupide sur une phase arrêtée. Et contre St-Trond, même si l’adversaire s’est montré impressionnant en contre, nous pouvions prétendre à la victoire pour notre deuxième mi-temps, d’autant qu’on nous a refusé un penalty flagrant. En football, il y a toujours une part sur laquelle on n’a guère d’emprise. C’est le cas de l’arbitrage: je constate qu’en Belgique, on ne siffle pas de la même manière pour tout le monde. Je ne dis pas que c’est volontaire mais je ne m’étonne pas qu’une équipe compte alors quinze points de plus qu’une autre ».

Quelques mois avant de quitter Benfica, Preud’homme ne se voyait guère dans une fonction d’entraîneur. Il apprend donc son métier sur le tas, avec tout ce que cela implique comme expérimentations: on a vu le Standard évoluer tantôt avec quatre arrières, tantôt avec trois. On a également pu constater que, lorsqu’il hésite entre deux joueurs, Preud’homme opte souvent pour le plus offensif, quitte à lui confier un poste dans l’entrejeu. Mais Preud’homme doit aussi composer avec l’héritage de Tomislav Ivic, qui demandait à ses joueurs de ne pas trop quitter leurs positions. On a parfois constaté des embouteillages en zone de conclusion ou un manque d’appels du ballon avec, pour conséquence, un ralentissement du jeu. « Une des vérités du football veut que ce n’est pas parce qu’on aligne plus d’attaquants qu’on est plus offensif ou qu’on se crée plus d’occasions », dit Preud’homme. « Mais je possède beaucoup d’avants et je dois parfois leur demander de reculer un peu. Ce n’est pas moi qui les ai choisis mais je suis le premier à dire qu’il s’agit de bons joueurs. Trond Sollied semble d’ailleurs d’accord avec moi puisqu’il affirme que, vu son potentiel, le Standard déçoit. Et, à l’inverse, Raymond Goethals trouve que nous manquons de talent. Je suppose que chacun trouve son intérêt dans ce genre de déclarations… Pour ma part, j’essaye de participer à la progression du football belge en pratiquant un jeu le plus offensif possible. Certains estiment que le Standard laisse trop de champ libre à l’adversaire et c’est vrai que, si nous voulons progresser, il y a des corrections à apporter à ce niveau. Mais quand on joue offensivement, on s’expose. Si je le voulais, je pourrais également fermer la porte. Seulement, je préfère toujours gagner 4-2 que 2-0″.

« La présence de managers dans les tribunes ne m’influence pas »

Autant le Standard d’Ivic agaçait parfois par son football-robot, autant on a l’impression que l’équipe version Preud’homme se montre très généreuse… y compris envers l’adversaire. On a fustigé la lenteur de l’axe central défensif ou le mauvais placement de Yobo. Pourtant, c’est dans ce secteur que Preud’homme a apporté le moins de changements. Des joueurs comme Brocken, Ciobotariu ou Vlcek rongent leur frein sur le banc. Manifestement, Preud’homme n’est pas un adepte de l’alternance. Un mot qui doit lui rappeler de mauvais souvenirs de sa dernière année comme joueur à Sclessin, lorsque Michel Pavic, ne parvenant pas à choisir entre Bodart et lui, avait « inventé » un système aujourd’hui appliqué dans les grandes équipes européennes qui, il faut le dire, disputent bien plus de matches que le Standard.

« Si des joueurs me donnent satisfaction pendant quatre ou cinq matches, je ne vois pas pourquoi je devrais les sacrifier après une mi-temps de moins bonne facture », dit-il. « Seule une certaine continuité permet d’avoir des bases et des automatismes, même si certains travaillent très bien à l’entraînement et ne jouent pas uniquement parce que je ne peux aligner qu’onze joueurs à la fois. Mais celui qui ne dispute que trois matches très correctement doit savoir qu’à mes yeux, il a autant d’importance que celui qui en dispute trente parce que nous pratiquons un sport collectif ».

Preud’homme peut parler de la sorte avec beaucoup plus de franchise qu’un simple entraîneur car il est également le directeur technique du Standard. Dans quelles proportions? Sa composition d’équipe du week-end est-elle influencée par la présence de managers dans les tribunes ou par l’idée qu’il a en tête en fonction de la saison prochaine?

« Non. Notre seul objectif actuel est d’engranger un maximum de points pour être européens en fin de saison. Je ne porte ma casquette de directeur technique qu’une fois de temps en temps, à l’occasion d’une réunion avec Monsieur Costantin ou d’un souper avec Luciano D’Onofrio. Mais le fait de pouvoir travailler dès maintenant en connaissant les propriétés du groupe actuel constitue une richesse. La présence de managers dans les tribunes ne m’influence pas non plus. J’essaye simplement que personne ne joue deux semaines de suite en Réserves. A Westerlo, Marseille s’était déplacé pour Aarst, mais il était sur le banc. Et la semaine dernière, un club qui voulait voir Vlcek a dû se rendre au match de Réserves à Beveren ».

Il affirme d’ailleurs que, si des noms de renforts ou de partants potentiels ont été cités (on évoque l’arrivée de Kristinsson et le départ de Mornar ou d’Aarst à Marseille), aucune décision n’a encore été prise officiellement. « De toute façon, s’il y a du changement, ce sera très chirurgical car la base est là. Un échec dans l’optique d’une qualification européenne ne changerait rien parce qu’il serait stupide de tout jeter à l’eau pour un ou deux points ».

Jean Nicolay: « On parle wallon dans le vestiaire »

C’est donc en rigolant que Preud’homme a lancé, la semaine dernière, qu’en cas d’échec, tous les joueurs seraient virés. Il répondait ainsi à une réflexion d’un de ses adjoints, Mario Innauratto, qui avait fait remarquer qu’à Milan, tout le staff avait été limogé après l’élimination en Ligue des Champions.

« Il rigolait mais il l’a dit quand même et je suis certain que ça va en faire réfléchir plus d’un », constate Jean Nicolay. Au Standard, l’entraîneur des gardiens est sans doute celui qui connaît le mieux Michel Preud’homme, qui fut son élève avant de devenir son supérieur hiérarchique. « Pour lui, l’amitié passe avant tout et ce n’est pas le genre d’homme à se pousser du col. Il est très respectueux des gens qui l’entourent ».

Pour Jean Nicolay, Preud’homme est aussi perfectionniste que lorsqu’il était joueur. « Il ne néglige aucun détail et veut être au courant de tout. Il a également conservé toutes ses facultés de concentration et c’est sans doute pour cela qu’il ne gesticule pas sur la ligne de touche ».

S’il défend toujours son groupe de joueurs en public, même devant certaines évidences, Preud’homme peut être terriblement sévère lorsqu’il se retrouve devant ses joueurs. « Qui vous a dit cela? Michel ne va pas apprécier parce que c’est le genre de choses qu’il n’aime pas voir sortir du vestiaire. Il dit effectivement toujours ce qu’il pense. Il est parfois gentil, parfois méchant, mais toujours serein. Il est bien perçu par le groupe parce qu’il ne parle jamais à chaud et que cela lui évite d’aller trop loin. Ça ne l’empêche cependant pas de prendre l’un ou l’autre joueur à part. Que se disent-ils alors? Personne ne le sait. Quand on connaît bien Michel, un regard devrait suffire. Mais certains ne le comprennent pas ».

Jean Nicolay se sent bien plus à l’aise dans un staff désormais liégeois à 100%. « Michel est plus calme que Monsieur Ivic. Il a vécu le football moderne et la barrière de la langue est tombée. Il nous arrive même de parler wallon dans le vestiaire. Monsieur Ivic ne saisissait pas toutes les nuances du français. Lorsqu’il parlait italien avec Dominique D’Onofrio ou croate avec Mijac, nous nous sentions un peu mis à l’écart. Je ne crois pas qu’il y avait matière à suspicion mais cela ne favorisait pas le bon contact. Désormais, tout le monde arrive et repart avec le sourire. Michel comprend également qu’il n’y a pas que le football dans la vie, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas perfectionniste. Mais Ivic était obsédé, jouer au golf le dérangeait ».

Didier Ernst: « Longtemps qu’on n’avait plus vu quelqu’un d’aussi calme »

Des entraîneurs, Didier Ernst en a vu défiler beaucoup. Le capitaine du Standard ne se souvient toutefois pas d’un mentor aussi calme que Preud’homme. « Il est très proche du groupe et, comme il n’y a que deux ans qu’il a arrêté, il connaît les petites manies des joueurs. Quand il a quelque chose à dire, il n’attend pas cinq ou six jours: il préfère crever directement l’abcès. C’est arrivé une fois ou l’autre et tout le monde doit avoir compris qu’il n’a pas intérêt à faire un pas de travers. Mais il est bien accepté par le groupe parce qu’il ne fait pas de différence entre Prosinecki et le troisième gardien, par exemple ».

Luciano d’Onofrio: « Un homme de bon sens »

Luciano d’Onofrio avait souvent répété à Michel Preud’homme qu’il était fait pour le métier d’entraîneur. « C’est un homme de bon sens, équilibré, honnête vis-à-vis de lui-même et des autres. Il a également toujours essayé de suivre l’évolution tactique du jeu. Avouez que c’était une bonne base de départ. Je suis très satisfait de la façon dont il a abordé son nouveau job, même si on sait qu’en football, de nombreux facteurs jouent un rôle et que cela a sans doute coûté quelques points au club ».

D’Onofrio constate que Preud’homme est terriblement engagé dans tout ce qu’il fait, au point d’en oublier, parfois, de relâcher la pression interne. « C’est une question de caractère », dit-il. « Ivic aussi aimerait bien être plus calme, mais chassez le naturel, il revient au galop ».

Preud’homme effectuera-t-il aux côtés de D’Onofrio un chemin aussi long que celui de son prédécesseur? « En matière de football, le respect est réciproque et, sur le plan humain, des liens d’amitié se sont établis », répond d’Onofrio. « Comme Ivic, Preud’homme fait partie des gens que j’apprécie pour leur honnêteté, leur discipline et leur force de travail ».

Pour lui, les postes de directeur technique et d’entraîneur sont-ils indissociables? « Pas nécessairement mais Michel a les caractéristiques pour mener à bien ces deux missions »

Les supporters: esprit rouge et blanc

L’ensemble de ces qualités tend à prouver que le Standard voyait en Michel Preud’homme bien plus qu’un « coup de pub », qu’un moyen de calmer des supporters qui craignaient de voir l’Europe leur échapper pour la troisième fois d’affilée.

Pour eux, ce qui compte avant tout, c’est que Michel Preud’homme ait réussi à cimenter l’esprit rouge et blanc et à faire travailler ses hommes dans la sérénité, même si les résultats et le spectacle offerts pourraient être meilleurs. Ils notent toutefois que le Standard ne ménage pas ses efforts pour pratiquer un jeu positif, ce qui, à leurs yeux, doit constituer un premier pas vers un avenir plus rose.

Patrice Sintzen

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