« Mido est mon exemple »

L’Egyptien du Standard rêve de marcher sur les traces de son ancien compagnon de route, Ahmed Hossam.

A l’heure où vous lirez ces lignes, Mohamed El Yamani sera partie prenante avec la formation représentative égyptienne des moins de 20 ans au Championnat du Monde de ladite catégorie d’âge en Argentine. Une compétition qui a pris son envol le 17 juin et qui se terminera le 7 juillet. Soit au moment où son club, le Standard, aura déjà entamé, depuis une dizaine de jours, sa préparation en vue de la nouvelle saison.

Une fois encore, « Momo » fera donc faux bond dans le noyau des Rouches à une période cruciale de la saison. C’est qu’il n’en est pas à son coup d’essai. Depuis son arrivée à Sclessin, à la fin de l’année 1999, le jeune attaquant (19 ans depuis le 1er janvier) a multiplié les retours dans son pays d’origine où il était appelé à se mettre à la disposition tantôt de l’équipe olympique, tantôt des Espoirs ou tantôt encore des Pharaons eux-mêmes. Autant d’obligations qui auront fait grincer des dents les responsables du club liégeois.

A l’avenir, ces navettes sempiternelles entre la Belgique et l’Egypte seront limitées à leur plus simple expression. Car c’est promis juré, Mohamed El Yamani participera en Amérique du Sud à sa toute dernière compétition avec les jeunes de sa nation. Il s’est fait fort aussi de ne plus répondre favorablement à l’appel des B. La seule porte qu’il laisse ouverte, c’est celle des Pharaons pour lesquels, au demeurant, la saison 2001-2002 ne sera pas de tout repos. Le 15 juillet déjà, en effet, ceux-ci seront appelés à donner la réplique à la Namibie dans le cadre des éliminatoires pour la Coupe du Monde 2002, et le 27 de ce même mois, ils remettront le couvert, dans la même épreuve, face à la redoutable Algérie. Sans « Momo », les meilleurs représentants égyptiens avaient déjà mené à bien un tout premier objectif le 3 juin passé : en battant le Soudan, ils s’étaient assuré leur passe-droit pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations au Mali, du 19 janvier au 10 février prochain.

« Il va de soi que j’aimerais honorer ces deux rendez-vous », observe Mohamed El Yamani, que nous avons rencontré au Caire récemment. « J’ai bien peur, toutefois, que la tâche des A soit très ardue à la faveur des trois rencontres qu’il leur reste à livrer sur la route du Japon et de la Corée. A commencer par ce match à Casablanca, face au Maroc, le 30 juin. Pour avoir joué avec son bonheur face au petit poucet du groupe, la Namibie, l’Egypte est obligée d’engranger sept points sur neuf à l’occasion de ses trois derniers matches. Si des succès contre les joueurs de l’Afrique australe et des Fennecs algériens, sur nos terres, s’inscrivent dans une certaine logique, la tâche des Pharaons sera autrement plus rude contre les Lions de l’Atlas. Or, il convient à tout prix de prendre un point contre eux pour préserver toutes nos chances. Je compte évidemment sur mes partenaires pour aller au bout de leurs ambitions. Je suis même prêt à leur apporter mon propre écot au retour de Buenos Aires. C’est d’ailleurs pour cette raison que je tiens absolument à me sublimer là-bas. J’ai effectivement livré bon nombre de joutes éliminatoires, ces derniers mois, tant dans le cadre de la CAN que du Mondial. Tout porte à croire que je serais avec eux, pour l’instant, si un certain Ahmed Hossam, qui fut très longtemps ma propre doublure chez le blé en herbe égyptien, n’avait pas défrayé la chronique avec La Gantoise d’abord, puis avec l’équipe nationale, au point de m’y supplanter. Je ne cache pas que j’aimerais imiter son exemple en perçant à mon tour en cours de saison prochaine. Car il y a une place à prendre chez les Pharaons à côté de « Mido », entendu que le titulaire habituel, Hossam Hassan, est blessé et que son substitut Ahmed Salah Hosny n’a pas rang d’incontournable. Je brigue dès lors ce poste mais, pour ce faire, il faut évidemment que je joue. Et je n’ai guère eu l’opportunité de prouver beaucoup, jusqu’à présent, au Standard ».

Un petit coup d’oeil sur les statistiques nous apprend que Mohamed El Yamani n’a été impliqué que dans neuf rencontres de championnat avec les Rouches, la saison passée. En un peu plus d’une heure de présence effective, Momo a même inscrit un goal. Il était arrivé à un résultat identique lors de la campagne d’avant-saison, paraphant le troisième but des siens face au SV Salzbourg en Coupe Intertoto. Une prestation suivie d’une autre, tout aussi sémillante, contre le VfB Stuttgart en demi-finales de l’épreuve.

« Après cette double confrontation, soldée malheureusement par l’élimination du Standard, l’entraîneur, TomislavIvic, avait été dithyrambique à mon égard », se souvient le joueur. « A ses yeux, j’étais ni plus ni moins la révélation du début de saison. Le technicien croate clamait à qui voulait l’entendre que j’étais sur le point d’éclater et que la campagne 2000-2001 allait être la mienne. Sur l’instant, j’en étais d’ailleurs intimement convaincu moi-même. Car durant les mois précédents, je n’avais pas démérité, aussi bien chez les promesses qu’en Réserves, deux catégories pour lesquelles j’avais quand même scoré à près de trente reprises. Aussi étais-je pleinement confiant en la suite des événements. Malheureusement, j’ai dû très vite déchanter. Non seulement, les résultats ne répondaient pas à l’attente en début de saison mais, de surcroît, je ne faisais manifestement pas partie, non plus, des plans de bataille du coach. Dès lors, en lieu et place de ronger mon frein sur le banc ou avec les doublures, j’ai préféré répondre présent plus souvent qu’à mon tour à l’appel du pays. Beaucoup ne l’ont pas vu d’un bon oeil mais qu’est-ce qui était préférable, finalement? Perdre mon temps à Liège ou participer à des luttes âpres avec l’une ou l’autre des sélections représentatives égyptiennes? Poser la question, c’est y répondre ».

Mohamed El Yamani a été repéré par Edouard Innocenti, l’un des collaborateurs du manager liégeois Roger Henrotay, lors d’un tournoi des moins de 17 ans au Maroc en 1998. Il faisait partie d’une génération exceptionnelle, où émargeaient quelques autres noms qui ont accédé à une certaine notoriété aujourd’hui, tels que Ahmed Hossam ou encore Shehata Reda, le teenager de Mansoura qu’Anderlecht a toujours dans le collimateur aujourd’hui. Entre ce premier repérage et la finalisation du transfert, en décembre 99, plus d’une année se sera écoulée.

« Eddy a d’abord dû faire rapport à son supérieur, après quoi j’ai encore été visionné par celui-ci à l’une ou l’autre reprises », confie Momo. « Le problème, c’est que je n’avais pas dix-huit ans et que je ne pouvais donc pas parapher un contrat de professionnel. En définitive, il s’est passé avec moi exactement la même chose qu’en ce qui concerne Ahmed Hossam, à savoir que mon père a été mêlé dans la transaction. Pour Mido, il n’y avait strictement rien d’étonnant à ça, en ce sens que son paternel avait toujours suivi sa carrière de très près. Chez moi, en revanche, c’était complètement différent. Mon père avait certes joué au football aussi, à l’instar de celui de Mido. Non pas à Zamalek, comme lui, mais à Ismaïli, le club où j’ai moi-même fait toutes mes classes. A l’aube des années 80, il a cependant eu la possibilité d’aller travailler en Italie. En principe, il n’aurait dû rester qu’un minimum de temps là-bas. Mais l’aventure lui a plu à un tel point qu’il aura passé près de vingt ans à Rome, où il était employé dans une pizzeria. Pendant tout ce temps, je ne l’ai jamais vu qu’une ou deux fois par an. Je l’ai donc vraiment découvert lors de mon passage au Standard puisque pour la première fois de ma vie, nous avons vécu tous deux sous le même toit ».

A l’occasion de ses retours au pays, Hassan El Yamani n’omettait jamais d’inculquer quelques petits mots d’italien à son épouse et à ses enfants. C’est la raison pour laquelle Momo a une connaissance passive de cette langue. Par contre, sa maîtrise du français est excellente pour quelqu’un qui vit en Belgique depuis dix-huit mois à peine.

« Je n’ai pas grand mérite », dit Mohamed El Yamani. « En réalité, Ismaïlia, la ville dont je suis originaire est, avec Alexandrie, l’un des endroits d’Egypte où le français a toujours la cote. C’est un héritage du passé, en ce sens qu’Ismaïlia, située le long du canal de Suez, a abrité la plupart des ingénieurs qui réalisèrent cet ouvrage. Et notamment son promoteur, Ferdinand De Lesseps. Notre maison n’est d’ailleurs pas située bien loin de celle où il a vécu, au sein du quartier français. Une autre figure connue dans l’Hexagone est d’ailleurs originaire d’Ismaïlia et non d’Alexandrie comme l’une de ses chansons pourrait le faire croire: Claude François. Après ma carrière, il est sûr que je retournerai là-bas. Car c’est une magnifique cité-jardin, propre et tranquille, à cent lieues de l’atmosphère enfiévrée du Caire. Chacun y respecte le code de la route et personne n’y klaxonne sans raison, comme dans la capitale. Je sais de quoi il retourne puisque j’ai passé six ans de ma vie dans la mégapole égyptienne ».

Mohamed El Yamani avait tout juste onze ans, en effet, quand il fut repéré par les scouts de la fédération dans son club d’Ismaïli. Dès cet instant, il quitta l’habitation familiale pour rallier la section foot-études nationale à Nasr City, au Caire. Une école où l’un de ses compagnons de classe n’allait être autre qu’Ahmed Hossam.

« Bon nombre de jeunes appartenaient aux deux grands clubs cairotes, le Zamalek et Al Ahli », observe Momo. « Mais Ismaïli, le club d’Ismaïlia, était bien représenté aussi puisque, outre moi-même, trois autres jeunes joueurs avaient été incorporés là-bas: Mohamed Mohsen, titulaire chez les moins de 20 ans comme moi, ainsi que deux garçons légèrement plus âgés: Ahmed Mohamady et Aly El Basarati. Ismaïli a toujours eu de bons jeunes, au même titre que Mansoura. C’est un club qui suscite beaucoup de sympathie, en Egypte, dans la mesure où il fut le tout premier à remporter la Coupe d’Afrique des Clubs Champions, en 1969. Même si le Zamalek et Al Ahli ont trusté beaucoup plus de titres à l’échelon continental, Ismaïli aura été le pionnier en la matière. Hormis Tarsana, Kubra ainsi que les Arab Contractors, c’est le seul club qui, en quatre-vingts années de championnat, est arrivé à battre en brèche l’hégémonie des deux monstres sacrés du pays. Aussi a-t-il toujours eu la cote ».

Malgré six années passées dans la capitale, Mohamed El Yamani n’avait guère sacrifié au tourisme avant de nous emmener, le photographe Michel Gouverneur et votre fidèle serviteur, aux pyramides. Ce fut le moment ou jamais, pour lui, de se livrer à sa deuxième passion: l’équitation.

« Si mon père n’avait pas été footballeur lui-même, je me demande dans quelle mesure je n’aurais pas opté d’être cavalier. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours été attiré par les chevaux. J’ai d’ailleurs enfourché ma première monture dès l’âge de sept ans. Pour moi, les purs-sangs arabes sont les plus beaux au monde. Il me plairait d’ailleurs d’assurer ma reconversion dans ce secteur. Je me verrais en tout cas bien, un jour, exploiter un manège en Egypte. D’ici là, j’entends cependant me distinguer en premier lieu sur les terrains. Dégagé de toute implication avec les jeunes de mon pays, je veux faire mon trou au Standard au cours de la saison à venir. L’année passée, je n’ai guère eu voix au chapitre en raison de mes obligations nationales, mais aussi de la concurrence sévère à la pointe de l’attaque liégeoise avec Ivica Mornar, Michaël Goossens, Ali Lukunku et Ole-Martin Aarst. Avant mon départ, j’ai cru comprendre que ce quatuor allait être dissocié et que j’obtiendrais ma chance. Je ne demande qu’à le croire, bien sûr, mais il y a un an à peine, j’avais vécu d’espoirs également avant de devoir composer avec une tout autre réalité. A présent, j’ai davantage confiance en des lendemains heureux. Car contrairement au quatuor précité, qui ne sait trop de quoi son avenir sportif sera fait, je sais bien que l’on compte sur moi à Sclessin. Et je veux me montrer digne de cette confiance ».

Quand il reviendra d’Argentine, Momo se retrouvera seul à Liège. Après avoir secondé son fils pendant une année et demie, Hassan El Yamani a effectivement estimé le temps venu de réintégrer la cellule familiale à Ismaïlia. « A un moment donné, il fut question que tous mes proches me rejoignent à Liège », observe Mohamed. « En cas de coup dur, j’aurais bénéficié du réconfort idéal. Mais je me demande si cette situation aurait été heureuse. Peut-être ai-je quelquefois baissé trop facilement les bras, par le passé. Et la présence de mon père ne m’incitait probablement pas à me sublimer. Cette fois, par contre, je devrai me débrouiller tout seul. Je n’aurai plus un être compréhensif à côté de moi. Ma tâche sera sans doute beaucoup plus dure, au début. Mais, à l’arrivée, je suis persuadé que j’en sortirai grandi ».

Bruno Govers, envoyé spécial en Egypte

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