MICHEL PREUD’HOMME ET NUNO GOMES

Le Kamikaze liégeois a coupé en deux l’attaquant du Boavista.

Michel Preud’homme :  » De Marco van Basten à Jürgen Klinsmann, en passant par Gary Lineker et Jean-Pierre Papin, j’ai été amené en ma qualité de gardien à croiser bon nombre d’attaquants d’envergure en près de vingt années de carrière au sommet. Aussi bizarre qu’il n’y paraisse peut-être, je n’ai pas troqué très souvent mon maillot avec des puncheurs adverses. La plupart du temps, ceux-ci procédaient à un échange avec celui qui, au sein de la défense que je commandais, les muselait. Sur le terrain, les trocs concernaient quasi toujours des joueurs qui s’étaient affrontés en cours de partie, ou qui s’étaient retrouvés dans les parages immédiats les uns des autres. Les portiers faisaient en quelque sorte figure d’exception et restaient très régulièrement sur le carreau. Certains diront que rien n’empêche les gardiens d’imiter leurs collègues du champ. Mais c’est moins évident. Tout d’abord parce que, contrairement à leurs coéquipiers, les keepers ne possèdent pas 36.000 vareuses au moment d’aborder une nouvelle saison. Et, chez eux, une part de superstition joue aussi. Ce qui explique pourquoi ils ne se séparent pas volontiers de leur tenue.

Au moment de quitter le Standard à destination du FC Malines, je me souviens que j’avais ressenti un petit pincement au c£ur à l’idée de ne plus revêtir la tunique bleue avec laquelle j’avais recueilli tant de succès chez les Rouches. En guise de porte-bonheur, j’ai d’abord songé à l’emmener partout avec moi, dans mon sac, avant de changer d’avis et de l’enfiler sous la vareuse que je portais au FC Malines. Comme je m’étais bien sorti d’affaire à l’occasion de cette première, j’ai tout simplement persévéré tout au long des huit saisons passées chez les Sang et Or. A raison, sans doute, puisque avec cette équipe j’ai remporté tour à tour la Coupe de Belgique, la Coupe des Coupes et le championnat. Au moment de passer dans les rangs de Benfica, après la Coupe du Monde aux Etats-Unis, j’ai encore porté, au début, ce maillot symbolique pour moi. Jusqu’au jour où, en raison de la chaleur sévissant au Portugal, j’ai décidé d’adopter un équipement plus léger. Il n’empêche que cette tenue du Standard n’a jamais été très loin de moi. Aujourd’hui encore, je la conserve comme une précieuse relique à mon domicile, alors qu’elle est pour ainsi dire réduite à l’état de lambeaux. Mais j’y tiens d’autant plus que c’est la seule trace qu’il me reste de mon passage au Standard comme joueur.

Tous mes autres maillots, qu’ils concernent mes périodes liégeoise, malinoise ou benfiquiste, j’en ai fait cadeau à des supporters ou encore à des £uvres. De tous les maillots que j’ai reçus, un me tient plus spécialement à c£ur : celui de NunoGomes. Avant de devenir mon partenaire à Benfica, je m’étais mesuré à lui lorsqu’il portait les couleurs de Boavista Porto. Dans le couloir menant au terrain, il m’avait demandé de pouvoir hériter de mon maillot à la fin du match. Il va sans dire que je ne pouvais le lui refuser. Ce que je ne savais pas, c’est qu’il allait verser des larmes pour l’obtenir. A une minute de la fin du match, alors que le score était d’un but partout, le jeune attaquant s’était présenté seul devant moi et avait le goal de la victoire au bout du pied. J’étais sorti comme un kamikaze, en emportant tout sur mon passage : le ballon d’abord, puis les jambes du joueur. Le pauvre Nuno était coupé en deux (il rit). Il a versé toutes les larmes de son c£ur, dans la foulée, déçu de ne pas avoir contribué à l’exploit du jour. Pour le consoler, mon maillot aura quand même fait l’affaire « .n

par Bruno Govers

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