Mi-Espoir, mi-aubaine

Technique, endurant, vif et altruiste, les qualificatifs pleuvent sur cet international Espoirs français qui a joué toute la saison avec Caen.

Certains transferts sentent meilleur que d’autres. Et celui de Frédéric Bulot, inconnu sous nos latitudes mais international Espoirs dans l’Hexagone voisin, fait partie de la catégorie des prometteurs. Le Standard a eu le nez fin en allant piocher dans le vivier du Stade Malherbe de Caen, relégué malgré une équipe séduisante. Si Caen est descendu, il le doit davantage à la malchance d’une fin de championnat bâclée qu’à un manque criant de talent. Caen n’a occupé la place de relégable qu’au soir de la 38e et dernière journée de championnat…

Et quand on étudie l’effectif des Normands, ce n’est pas bête du tout d’aller draguer les éléments qui ne veulent pas jouer en Ligue 2. A ce jeu-là, un international Espoirs, âgé de seulement 22 ans et aux statistiques flatteuses (4 buts et 7 assists en championnat) ne devait pas échapper aux équipes françaises. Pourtant, le Standard a réussi à coiffer tout ce beau monde sur le fil, charmé par son potentiel technique et sa polyvalence.  » Cela m’a surpris qu’il parte en Belgique « , explique l’entraîneur emblématique de Caen, Franck Dumas, en poste la saison dernière.  » Cela reflète le manque d’intérêt des clubs français.  »

 » Malgré une carte de visite intéressante, personne n’était prêt à mettre, en France, 2 millions d’euros sur ce joueur, à un moment où le marché français est loin d’être florissant. Or, Caen demandait ce prix-là pour le laisser partir « , explique Julien Hippocrate, journaliste à Ouest-France.  » Finalement, le directeur sportif, Alain Caveglia ne pensait pas le vendre. Il n’avait pas prévu de remplaçant à gauche et a été surpris de recevoir l’offre du Standard. On ne sait pas à combien le deal s’est conclu mais Caveglia a affirmé qu’il s’agissait d’une offre que le club ne pouvait pas refuser. Surtout à l’heure actuelle et alors que le budget a été divisé par deux suite à la relégation. Attention, je n’ai pas dit qu’il ne vaut pas ce prix ! Bulot fait clairement partie des quatre-cinq joueurs qui avaient une valeur marchande à Caen et qui ont leur place en L1 ! »

Et voilà comment un joueur prometteur est voué à l’exil, un an seulement après son arrivée en Normandie. Si Bulot a décidé de quitter la L1, c’est aussi sans doute parce qu’il en a marre de jouer les chats noirs. En deux ans, ce Franco-Gabonais a en effet déjà connu deux descentes. A peine lancé dans le monde pro, Bulot, qui a passé sa formation à Tours et Châteauroux, deux centres assez renommés, a connu des débuts sportifs délicats avec son premier club pro, Monaco, qu’il avait rejoint en 2008. Huit petits matches et déjà condamné à la Ligue 2.

Caen le sauve et lui propose à l’été 2011 un contrat. Sous l’égide de Dumas, Bulot explose.  » J’ai tout de suite pensé qu’il pouvait nous apporter quelque chose « , explique le coach.  » Il possède des qualités de débordements et de centres. Il sait changer son jeu, passer dans l’entrejeu pour apporter le surnombre ou rester sur son flanc. Cela m’a intéressé. Il a de la vista et cela m’a permis d’équilibrer quelque peu mon équipe car à droite, je possédais un phénomène en la personne de Romain Hamouma.  »

 » Il fait passer le collectif avant lui  » (Franck Dumas)

Pour sa première saison complète en L1, Bulot va se montrer. Beaucoup. Peut-être trop. Au total, matches de Coupes et de l’équipe de France Espoirs compris, il a disputé 46 rencontres ! A Caen, quand on aime, on ne lésine pas. Bulot est aligné lors des 38 rencontres de championnat. De quoi lui ouvrir donc les portes des Bleuets, lui qui a déjà décliné une sélection avec l’équipe A du Gabon.  » Il s’inscrit dans le cadre d’un projet global « , explique le sélectionneur des Espoirs, Erik Mombaerts.  » A savoir qu’il a reçu une préformation de la Fédération et qu’il est donc très habile techniquement. Cela fait de lui un joueur très créatif, gaucher mais capable de jouer à beaucoup de positions. Comme il dispose d’une bonne qualité de première touche de balle, on peut le placer entre les lignes, derrière l’attaquant. Mais dans un 4-2-3-1 comme on le pratique chez les Espoirs, je l’ai déjà aligné à droite contre la Lettonie et il a réalisé une très bonne partie.  »

Lors de sa conférence de presse de présentation, Bulot a affirmé que chez les Espoirs, on lui a dit que son style ressemble à celui de Mesut Özil. Mombaerts confirme :  » C’est vrai que je l’ai déjà comparé au joueur allemand. Ils ont le même profil physique et comme je le disais, Bulot peut rester entre deux lignes, comme Özil. Il a une grosse capacité de déplacement et une très bonne intelligence de jeu sans ballon.  »

Derrière la technique toute française, il y a surtout cette capacité à multiplier les efforts.  » Il a un énorme volume de jeu « , explique Dumas,  » Il court énormément et est toujours en rupture. C’est un marathonien mais aussi un joueur rapide. Il est adroit dans ses dribbles et, en pleine foulée, capable d’éliminer son adversaire sur sa vitesse pure. « . Ce gros moteur est donc une aubaine pour un entraîneur.

 » C’est avant tout quelqu’un d’altruiste qui s’inscrit très facilement dans un collectif « , confirme Mombaerts.  » C’est un travailleur qui passe son temps à venir prêter main forte en défense « , ajoute Hippocrate. A tel point que son agent, Roger Henrotay, a longtemps insisté pour qu’il soit parfois plus individualiste.  » J’ai entendu cette histoire « , rigole Dumas,  » et je me félicite que Bulot ne l’ait pas trop appliqué car c’est une aubaine d’avoir dans son groupe un joueur capable de faire passer le collectif avant son cas individuel. Cependant, pour un joueur offensif, je trouve qu’il devrait aller plus souvent vers le but. Il ne doit pas se contenter de ses passes décisives.  »

Direction Normandie pour connaître ses limites.  » Il a certainement réalisé une saison intéressante mais il ne faut pas non plus en faire un talent exceptionnel « , pondère Hippocrate.  » Cela lui est arrivé de traverser certaines rencontres en toute discrétion. Il ne flambe pas toujours et n’a pas tranché avec l’effectif. A Caen, on attendait davantage un exploit du côté droit où évoluait Hamouma que du côté gauche. Ce n’est pas lui qui fait basculer une rencontre. Dans un groupe, il est très discret. Il ne roule pas des mécaniques mais ne prend pas beaucoup de cartons et n’est jamais blessé.  » Dans le foot actuel, un joueur rare, donc !

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTO: IMAGEGLOBE

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