Metz noir

Wally sort d’une saison de prêt catastrophique et veut rebondir. A Sclessin, si possible. Deuxième choix : Mons…

Ouf ! Enfin fini ! Les Lorrains font la fête mais leur Borain fait la tête. Metz a dominé le championnat de Ligue 2 et remonte après une seule année dans l’ombre. L’ultime match de la saison, le week-end passé à domicile contre Gueugnon, a surtout servi à célébrer une nouvelle fois le titre dans un stade déchaîné. Quelques heures plus tard, Jonathan Walasiak (24 ans) a vidé son casier (de vestiaire) et tourné le dos à ce club dont il gardera un sale souvenir. Le Standard l’y avait prêté l’été dernier, pour un an, et ce fut le crash : un match entamé (en championnat à Reims, défaite 2-0, sorti après 63 minutes) et une rencontre durant laquelle il est monté (au premier tour de la Coupe de la Ligue contre Créteil, défaite 0-1, 7 minutes sur la pelouse). Soit 70 minutes de jeu sur l’ensemble de la saison et plus une seule apparition en équipe Première depuis le 22 août 2006. Et alors, Wally ?

Votre bilan personnel à Metz ?

Jonathan Walasiak : Une année noire, évidemment. J’ai souffert de plusieurs blessures et je n’entrais pas dans les plans de l’entraîneur, Francis De Taddeo. Dès le deuxième jour d’entraînement, j’ai commencé à souffrir de la cheville. J’ai mordu sur ma chique, mais en octobre, on a pris la décision de m’opérer. Je suis revenu dans le groupe juste avant la trêve. Et fin janvier, j’ai eu un problème de dos. Encore un mois et demi sans m’entraîner. Rien que ces blessures ont méchamment compliqué ma situation.

Pourquoi l’entraîneur n’a-t-il jamais cru en vous ?

Chaque fois que je lui ai parlé de mon cas, il m’a répondu : -Choix tactiques. Difficile à accepter, mais en même temps, son raisonnement était implacable vu que les résultats lui donnaient raison. De Taddeo a crevé l’écran pour ses débuts d’entraîneur d’une équipe pro. Après avoir dirigé le centre de formation de Metz pendant 10 ans, il a repris l’équipe l’été dernier. Il vient de faire remonter le club, Metz a fini le championnat avec la meilleure défense en encaissant 10 buts de moins que la deuxième ligne arrière et les médias ont élu De Taddeo meilleur entraîneur de Ligue 2. Qui suis-je pour lui reprocher quoi que ce soit ?

Vous n’étiez vraiment pas capable de jouer dans son système ?

Il a commencé avec un 5-3-2 ultra défensif. C’est cohérent parce qu’il avait les joueurs pour pratiquer ce système. L’équipe a réussi son départ alors que j’étais blessé. Et de toute façon, il estimait que je ne pouvais pas être efficace dans son 5-3-2. Il n’a pratiquement rien modifié en cours de saison. Je n’ai pas compté le nombre de matches que Metz a gagnés sur le score de 1-0 ou 2-1, mais c’est impressionnant. On misait à fond sur la contre-attaque. En fin de championnat, quand le titre était en poche, le coach a essayé d’autres choses, en vue de la saison prochaine : 4-4-2, 4-3-3. Mais ça a foiré : les défaites se sont enchaînées. Il a presque toujours fait jouer les mêmes gars jusqu’au jour du titre. Il connaissait parfaitement ses titulaires, ce sont presque tous des joueurs qu’il a formés. L’équipe championne est vraiment une équipe du cru et ça amplifie encore le bonheur des supporters, évidemment.

 » Si j’avais su, je serais resté en Belgique  »

Sur le site Internet du club, on trouve près de 35 joueurs dans le noyau A !

Et pourtant, c’est comme ça. Il y a environ 20 pros, les autres sont les joueurs de CFA mais ils travaillaient avec nous et il était fréquent qu’il y ait une bonne trentaine de gars à l’entraînement. Ça faisait beaucoup de monde et beaucoup de mécontents, beaucoup de joueurs qui râlaient d’être tenus à l’écart de la grande fête du week-end.

Une mauvaise ambiance, alors ?

Une ambiance faite de beaucoup de déception, mais jamais d’animosité. Surtout parce que presque tous les joueurs avaient fait leurs classes ensemble et n’avaient pas envie de se tirer dans les pattes. Si Metz a dominé le championnat, c’est aussi parce que le noyau a toujours tiré sur la même corde. J’ai directement trouvé ma place dans le groupe, je ne me suis jamais senti isolé. Simplement, le sportif n’a pas suivi.

Ce n’était pas l’entraîneur qui avait souhaité votre transfert ?

J’avais été contacté par Joël Muller, le directeur technique. Je suis allé discuter avec De Taddeo. Il m’a demandé à quels postes j’aimerais jouer. Je lui ai expliqué ce que je voulais et il m’a répondu que j’avais vraiment le profil qu’il recherchait. J’étais chaud, bien décidé à me relancer après mes problèmes au Standard, où je ne jouais plus beaucoup. J’avais envie de relever un nouveau défi dans un contexte où personne ne me connaissait, j’estimais que j’avais plus de chances de renaître s’il n’y avait pas de pression autour de moi. Mais bon, si j’avais su, je serais resté sagement en Belgique.

Pourquoi recherchiez-vous un environnement où on ne vous connaissait pas ? Cela peut être un handicap !

Je voulais prendre un nouveau départ. Dans un premier temps, je visais un club belge moins prestigieux que le Standard. J’ai été contacté par St-Trond, le Brussels, Mons, Lokeren. C’était du concret. Mais quand Metz m’a appelé, je me suis dit qu’il était préférable de tenter ma chance dans un environnement où on ne me démolirait pas après deux mauvais matches, où on ne ferait pas directement des comparaisons avec le Walasiak qui avait éclaté au Standard et intégré l’équipe nationale.

A la trêve, on vous a de nouveau cité dans plusieurs clubs belges.

De Taddeo a parlé avec tous les réservistes et leur a dit qu’ils devaient se battre, qu’ils auraient peut-être leur chance. Moi, il m’a expliqué qu’il ne me mettrait pas de bâtons dans les roues si je voulais partir. J’ai compris que j’avais vraiment intérêt à aller voir ailleurs. Mais personne ne s’est intéressé à moi et j’ai su que j’allais connaître un deuxième tour vraiment triste.

Tout le club est en fête alors que vous venez de connaître la saison la plus noire de votre carrière : quel contraste !

Je ne peux pas être heureux à partir du moment où je n’ai pas du tout contribué au titre. Ces lauriers ne sont pas les miens.

 » Je ne me sentais pas invincible, mais presque  »

Vous n’avez pas peur qu’on vous ait complètement oublié, rayé en Belgique ?

Il me reste un an de contrat au Standard, j’attends de savoir ce qu’il compte faire de moi.

Si vous avez le choix de votre avenir ?

Je tente à fond ma chance au Standard.

Etes-vous prêt, mentalement et physiquement ?

Sans problème. Je sors d’une galère sur le plan sportif mais j’ai progressé. J’ai appris à me prendre en charge tout seul et j’ai bien travaillé. A Metz, les entraînements duraient minimum 1 h 45. En Belgique, c’est le maximum. Je suis affûté et j’ai la rage.

Où en êtes-vous par rapport au Walasiak qui a joué plus de 100 matches et marqué près de 20 buts pour le Standard ?

Je suis plus mature dans ma tête et je n’ai aucun souci physique.

C’est Sergio Conceiçao qui a complètement bouché votre horizon au Standard : l’avez-vous compris dès qu’il est arrivé, pendant l’été 2004 ?

Pas du tout. Je sortais d’une saison de fou : 31 matches joués en championnat, 10 buts, 10 assists. Mais j’ai connu un creux dans le championnat suivant, pendant que Conceiçao s’imposait dans l’équipe. Puis, il est devenu ce qu’il est devenu… Je voulais jouer, j’ai posé des questions à la direction du Standard, on m’a dit qu’il était hors de question de me vendre, qu’on pouvait seulement envisager un prêt. Cela m’a rassuré. Mais j’ai commis des erreurs. Je ne me suis pas accroché comme j’aurais dû le faire. Si j’avais eu plus de maturité, j’aurais mieux géré la pression, la concurrence. J’ai eu le tort de penser qu’il ne pourrait rien m’arriver de grave, ensuite j’ai cru que j’allais vite retrouver ma place dans l’équipe. J’étais arrivé très haut, très vite, sans être préparé à cette ascension et encore moins à la chute. La Réserve du Standard, l’équipe Première, une place de titulaire, les Diables Rouges : tout ça s’est enchaîné à la vitesse grand V. Les problèmes me sont tombés dessus sans que je les voie arriver et je n’ai pas trouvé la force de réagir en adulte. Mon père m’avait pourtant prévenu que je n’étais pas à l’abri d’un retour de flamme. Je lui avais répondu que j’en étais conscient mais je n’y croyais pas du tout. Je ne me sentais pas invincible, mais presque. Quand les problèmes sont arrivés, j’aurais dû me battre avec la conviction que la concurrence d’un gars comme Conceiçao n’était pas un obstacle insurmontable. Aujourd’hui, je pourrais le faire.

N’est-ce pas aussi le rôle d’un club d’accompagner ses joueurs qui tombent dans le trou ?

Le Standard est un grand club, et dans les grands clubs, on n’a pas trop de temps pour ça. S’ils doivent se préoccuper de tous les gars qui ne jouent plus, ils n’en sortiront pas. Ils ont autre chose à faire. Le Standard a continué à tourner sans moi, c’était la vie.

Dans une autre vie…

Conceiçao vous a anesthésié avec sa classe, son palmarès, son charisme ?

J’ai sûrement eu trop de respect pour lui. Mais c’est compréhensible aussi. Quand vous êtes jeune et que vous voyez débarquer un type pareil dans votre vestiaire, vous vous faites tout petit. Comme un gosse de 10 ans qui rencontre son idole.

Le Standard a ramé en début de saison, quand Conceiçao était suspendu. Vous ne vous êtes pas fait la réflexion que vous auriez pu y être utile ?

Bien sûr. Et pas mal de personnes se sont chargées de me le faire remarquer…

Il est loin, le temps où votre agent déclarait qu’à part Bruges et Anderlecht, tous les clubs belges vous voulaient…

(Il soupire). Oui, c’était dans une autre vie… Mais c’est aussi ça qui me pousse à avancer, à encore y croire. Si je suis arrivé aussi haut hier, je dois pouvoir le refaire demain. Je n’ai pas encore 25 ans. Michel Preud’homme, Robert Waseige, Dominique D’Onofrio et Aimé Anthuenis ont tous dit un jour que j’avais plein de qualités : quand le discours vient de personnalités pareilles, ce n’est pas un jugement dans le vide. Mes atouts ne peuvent que revenir. Dans la vie, on prend des coups. C’est la façon dont on y réagit qui détermine la suite des événements.

Quel a été votre pire moment de déprime au Standard ?

Le stage d’hiver de la saison passée, au Portugal. Nous avons joué un match amical. Dominique D’Onofrio m’a mis dans l’axe de l’entrejeu parce que le blessé que je devais remplacer à droite avait subitement retrouvé la santé. Après cinq minutes, D’Onofrio m’a déplacé au back droit. Je me suis demandé ce que je faisais là. Et très vite, Serhiy Kovalenko est devenu le remplaçant attitré de Conceiçao au milieu droit.

Quand vous étiez dans le trou au Standard, on a beaucoup parlé du suicide d’un de vos cousins de 14 ans. Ce drame vous avait anéanti !

Je n’ai jamais voulu me cacher derrière cet événement-là pour excuser mon passage à vide mais je pense que la mort de mon cousin et ma baisse de régime étaient quand même liés. Voir un jeune qui décide d’en finir tellement son mal de vivre est profond, c’est terrible.

Quand saurez-vous si vous retournez ou non au Standard pour la saison prochaine ?

J’attends qu’on m’appelle pour discuter. S’il le faut, je suis prêt à patienter jusqu’à la reprise des entraînements. Je n’ai pas encore eu d’autres contacts, et de toute façon, je n’ai pas envie d’en avoir. Le Standard a vraiment ma priorité.

Conceiçao a déjà dit qu’il n’était pas sûr de rester…

Il lui reste un an de contrat et je ne pense pas que le Standard le laissera partir.

Son départ changerait la donne pour vous !

Ce serait un petit plus car il y aurait une place précise à prendre. Mais qu’il reste ou qu’il parte, je suis prêt pour le défi. Et je sais que ça ne pourrait que fonctionner avec lui et moi dans l’équipe.

Avec vous dans quel rôle, alors ?

J’ai déjà joué comme numéro 10 et à gauche dans l’entrejeu. Je rappelle aussi que j’ai été formé comme attaquant. C’est Michel Preud’homme qui avait eu l’idée de me faire reculer quand il avait plein de richesses offensives avec Ole-Martin Aarst, Jurgen Cavens, Ali Lukunku et Michaël Goossens notamment. A ce moment-là, il y avait un trou sur le flanc droit. Dès que Robert Waseige est arrivé, il m’a confirmé comme médian, puis Dominique D’Onofrio n’a rien changé.

La Coupe, grand plaisir et grosse douleur

Si vous quittez définitivement le Standard cet été, quel souvenir en garderez-vous ?

J’ai passé 11 années là-bas. Donc, ce sera forcément un souvenir très fort. J’adore le club, la ville. En fait, j’adore tout à Liège. Quoi qu’il arrive d’ici l’été, ces images-là ne disparaîtront jamais.

Votre meilleur souvenir ?

La victoire 1-4 à Anderlecht, puis la qualification européenne en fin de saison et tous les joueurs au balcon du stade devant un public hystérique. Je retiens aussi une raclée infligée à Genk, chez lui : c’était ma troisième titularisation et j’avais marqué mon premier but en D1.

Votre pire souvenir ?

Le double test-match perdu contre Genk et la saison où Bruges nous a rattrapés et grillés sur le fil pour la Ligue des Champions alors que nous avions eu plus de 10 points d’avance sur cette équipe.

La plus forte personnalité que vous avez côtoyée au Standard ?

Vedran Runje, Sergio Conceiçao, mais encore plus Ivica Dragutinovic : un vrai capitaine avec un charisme extraordinaire.

Le Standard en finale de la Coupe, ça vous a fait surtout plaisir ou surtout mal ?

Un grand plaisir, mais ça fait très mal aussi…

Un club comme Mons ne serait-il pas une priorité si le Standard ne vous conservait pas ?

Certainement. J’y ai passé six ans de ma formation, je suis originaire de la région, toute ma famille vit encore ici. Je connais aussi José Riga, que j’ai côtoyé comme adjoint au Standard. Et c’est Geo Vanpyperzeele qui était venu me chercher à Tertre, mon tout premier club. Mons m’avait contacté l’année dernière mais c’était au moment où j’avais déjà décidé de m’exiler pour prendre un nouveau départ. Aujourd’hui, il n’est plus question de sortir du championnat de Belgique.

On parle d’un départ de Wilfried Dalmat. Le médian droit de Mons…

(Il frappe dans les mains et sourit)…

On vous voit rarement sourire. En fait, vous avez toujours l’air de porter tous les malheurs du monde sur vos épaules !

Je sais, je ne suis pas un extraverti. Je devrais peut-être essayer de plus m’extérioriser.

On a aussi dit plus d’une fois que vous n’aviez pas de force mentale !

Les journaux l’ont écrit, oui. Mais j’ai du caractère et je vais le prouver. Le seul truc qu’on peut me reprocher, c’est de ne jamais gueuler sur le terrain. Je suis comme ça.

Vous avez dit un jour que vous étiez un romantique : vous pensez qu’il y a de la place pour les romantiques dans le foot ?

Je le suis dans la vie, pas dans le foot. Et si je suis arrivé au niveau où j’étais lors de mes meilleures années au Standard, c’est la preuve qu’il y a aussi de la place pour les footballeurs qui ne parlent pas n’importe où, n’importe quand et n’importe comment. S’exprimer dans les journaux, tout le monde en est capable. Le faire sur le terrain, ce n’est pas donné à n’importe qui. Moi, j’ai déjà démontré que j’en avais les moyens.

par pierre danvoye – photos : reporters/gouverneur

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire