Mesures de crise

Le terme  » crise  » est souvent utilisé à tort et à travers pour Anderlecht. Comment gère-t-on cette situation dans cette petite entreprise qu’est le Sporting ?

Le manager anderlechtois HermanVanHolsbeeck a fait plusieurs apparitions à Studio 1, cette saison. A chaque fois, c’était pour faire face aux critiques après une période difficile, souvent qualifiée de  » crise  » par la presse. On ne peut pas lui reprocher de fuir ses responsabilités, au contraire : il se présente rarement quand tout va bien. Face aux critiques, et sans doute pour protéger le groupe, il fait office de bouclier.  » Lorsque cela tire de tous les côtés, il convient surtout de calmer le jeu « , précise-t-il.

Trois vraies crises

Le Sporting a connu plusieurs crises cette saison, au point de donner l’impression que le malaise a été permanent.  » Nous n’avons pourtant concédé que quatre défaites en championnat « , constate le responsable de la communication, DavidSteegen.  » Ce n’est pas énorme. Malheureusement, elles ont été couplées, et pour le Sporting, deux défaites d’affilée, c’est trop.  »

A côté de cela, il y a eu des déceptions européennes, une élimination précoce en Coupe de Belgique et un style de jeu qui n’a pas toujours été très enthousiasmant.  » C’est vrai « , reconnaît Steegen.  » En ce qui me concerne, j’identifie trois vraies crises cette saison. Il y a d’abord eu l’élimination de la Ligue des Champions par le Partizan Belgrade. Puis, la défaite 5-1 encaissée au Standard suivie de celle, sur le score de 1-0, au Cercle Bruges. Enfin, le départ raté dans les PO1, avec cette défaite à domicile contre le Standard suivie d’une autre, sur un sec 3-0, au Club Bruges. Saint-Pétersbourg, Westerlo, l’Ajax Amsterdam et le traumatisme lié au départ de MbarkBoussoufa ont été autant de moments difficiles, mais que je ne qualifierai pas de crises.  »

Sportivement, ArielJacobs a dû relancer à plusieurs reprises une machine qui s’était enrayée. Comment s’y prend-il, dans ces cas-là ?  » Le contexte est différent à chaque fois « , précise-t-il.  » Il n’y a pas de recette miracle qui marche à tous les coups.  »

Après la dernière crise en date, qui a éclaté suite à un 0 sur 6 dans les PO1, la retouche la plus visible s’est située au niveau d’un réajustement tactique : l’adoption d’un 4-4-2, avec l’introduction de DaliborVeselinovic aux côtés de RomeluLukaku, et titularisations de SachaKljestan et de Kanu dans l’entrejeu.  » Veselinovic, c’est un pari que j’ai pris, en fonction évidemment de l’évolution du joueur constatée à l’entraînement, mais sans être certain que cela peut réussir « , explique Jacobs.  » Contre le Standard, j’avais pris un autre pari en alignant le jeune AblayeSeck en défense centrale. Lorsqu’on tente quelque chose, parfois on reçoit des fleurs, parfois on reçoit le pot…  »

Ces innovations ont sans doute été testées lors des entraînements à huis clos, qui ont été plus nombreux qu’à l’habitude ces dernières semaines. Mais un travail psychologique a sans doute été effectué également, sous forme d’entretiens collectifs et individuels, pour rétablir une confiance qui avait été ébranlée.  » Ce qui s’est dit doit rester entre le groupe et moi « , précise Jacobs.  » Mais, pour rétablir la confiance, il ne suffit pas de pousser sur un bouton, ce serait trop facile. Vous trouvez qu’on sentait une rage de vaincre plus prononcée au coup d’envoi du match contre Genk ? Cela peut paraître paradoxal, mais je trouve qu’elle était tout aussi présente, si pas plus, au coup d’envoi du match à Bruges. Seulement, au stade Jan Breydel, un ballon a changé toute la physionomie du match et nous a obligés à courir une nouvelle fois derrière le score, alors que face aux Limbourgeois, on a ouvert la marque et les joueurs se sont libérés. « 

GuillaumeGillet confirme :  » Face à Genk, on a marqué après trois minutes et tout est devenu plus facile. Malheureusement, cinq jours plus tard à Gand, on a de nouveau dû courir après le score. On a eu le mérite de réagir, même si l’on n’a égalisé que sur une phase arrêtée, mais on aurait pu – que dis-je ? On aurait – repartir avec les trois points.  »

L’impact du mental

Difficile de chiffrer l’impact du mental dans les échecs ou les réussites d’une équipe, mais il est énorme. Car, oui, l’Anderlecht qui a entamé la saison 2010-2011 était quasiment le même que celui qui avait survolé le championnat précédent, à l’exception de JelleVanDamme dont l’importance ne peut toutefois être négligée au niveau de l’équilibre de l’équipe. Mais les joueurs ont reçu tellement de coups sur la tête qu’ils sont restés longtemps groggy, ce qui les a empêchés de développer leur jeu habituel.

Si l’on en croit Jacobs, la division des points par deux après les 30 premiers matches aurait aussi eu un impact psychologique sur le groupe.  » Je ne cherche pas d’excuses « , précise-t-il tout de suite.  » Ce n’est pas la raison pour laquelle on était aussi timoré face au Standard. Mais il faut aussi se mettre à notre place : on a travaillé dur toute la saison pour terminer premier, se forger un avantage sur les concurrents, et d’un seul coup, on ressent le souffle du Standard dans notre dos alors que les Rouches furent un moment relégués à 21 points. C’est frustrant et cela crispe. « 

Anderlecht a-t-il retrouvé la confiance après un 7 sur 9 ?  » On semble en tout cas avoir retrouvé un collectif. Mais la confiance, c’est une drôle de bête qui apparaît et disparaît de façon inattendue. « 

Le Sporting avait déjà livré de mauvaises prestations avec Boussoufa, mais le départ du petit Marocain n’a forcément rien arrangé.  » Je ne reproche rien à la direction « , souligne Jacobs.  » D’un point de vue financier, il était impossible de résister à une telle offre, tout comme il aurait sans doute été malvenu de conserver un joueur contre son gré. Lorsqu’un départ intervient pendant le mercato, on a le temps de se retourner : en transférant quelqu’un d’autre, mais aussi en organisant éventuellement des matches amicaux pour tester d’autres systèmes de jeu, qui tiennent compte de ce départ. Dans le cas qui nous occupe, j’ai dû tester d’autres dispositifs dans des matches officiels, avec les pertes de points qui s’en sont suivies. On n’a pas eu le temps de se rôder. « 

Parmi les mesures qui peuvent être prises en temps de crise pour réinstaurer la sérénité dans le groupe, il y a les mises au vert.  » En temps normal, je n’en suis pas nécessairement partisan « , reconnaît Jacobs,  » mais lorsque la période est un peu agitée, il faut parfois pouvoir s’isoler. Il faut trouver un juste milieu entre le respect de la vie familiale à laquelle tout joueur a droit et la nécessité de pouvoir se concentrer. Pour juger de l’utilité d’une mise au vert, je tiens compte de l’importance et de la difficulté du match, mais aussi de l’espacement des confrontations. Lorsque les rendez-vous importants se succèdent, il est utile d’avoir les joueurs sous contrôle. On peut plus facilement contrôler leur récupération ou leur alimentation, autant de données essentielles. Car j’ai l’impression qu’au-delà de la qualité intrinsèque de l’effectif, c’est l’équipe qui restera la plus fraîche, physiquement et mentalement, qui émergera au terme de ces play-offs. « 

Silenzio stampa

Au niveau de la communication, Anderlecht a décidé que joueurs, staff et direction ne pouvaient plus accorder d’interviews individuelles, en principe jusqu’à la fin des play-offs.  » Une décision qui a été prise en concertation avec l’entraîneur et le manager « , précise Steegen.  » Elle doit surtout permettre à tout le monde de se concentrer sur l’essentiel, à savoir la préparation des matches.  » Une manière, aussi, d’éviter de jeter de l’huile sur le feu avant des matches importants, ou de se prémunir contre tout dérapage verbal comme ce fut le cas avec KarelGeraerts à Bruges ou ElimaneCoulibaly à Gand ?  » Personne n’est à l’abri d’un dérapage. Cela peut arriver à Anderlecht comme ailleurs. Le football c’est de l’émotion et on ne contrôle pas toujours ses émotions. Autant prendre ses précautions.  »

Selon Steegen, Anderlecht n’agit pas différemment en temps de crise qu’à d’autres périodes, en matière de communication.  » En fait, je dois un peu sentir ce qu’il se passe réellement « , explique-t-il.  » Il arrive qu’une crise soit créée artificiellement de l’extérieur, alors qu’il ne se passe rien d’anormal au sein du club. Il arrive aussi, bien sûr, qu’un réel malaise soit perceptible de l’intérieur. Généralement, lorsque cela va mal, il y a trois porte-parole possibles : le président, le manager et l’entraîneur. On ne doit pas réagir à tout ce qu’il se dit ou s’écrit. On n’empêche pas les journalistes d’effectuer leur travail, puisqu’on continue à organiser des conférences de presse. D’ailleurs, si on ne le faisait pas, ils se perdraient en spéculation puisqu’ils ont de toute façon un quota de pages à remplir. Certains assimilent les mesures que l’on prend en temps de crise à de la censure. Je réfute cette accusation. Les journalistes peuvent toujours poser les questions qu’ils souhaitent, et nous n’empêchons aucun joueur de s’exprimer, même s’il y a un risque que des propos négatifs soient tenus. Ainsi, nous n’avons pas hésité à proposer MatíasSuarez ou Kanu en conférence de presse, à une période où ils jouaient peu et où ils auraient pu exprimer leur ranc£ur. Nous n’avons pas davantage bridé LucasBiglia en plein mercato, alors qu’on savait qu’il aspirait à un transfert. Il arrive que des joueurs eux-mêmes refusent de s’exprimer face à la presse, et nous en tenons compte évidemment. Nous n’obligeons personne à s’exprimer contre son gré. Les motifs invoqués pour refuser les rencontres avec les journalistes sont divers. Cela peut aller de la période de méforme au simple fait que le joueur avait… promis à son épouse d’aller faire les courses avec elle ce jour-là. Dans ce cas, ce n’est généralement que partie remise : le joueur se pliera à ses obligations la fois suivante. Nous acceptons la critique. En revanche, nous essayons de nous montrer le plus discret possible sur les joueurs que nous suivons dans la perspective d’un transfert. Car, en parler, c’est la meilleure manière de faire capoter un transfert. Ou, accessoirement, de faire monter les prix.  »

Steegen sait que le contrôle qu’il exerce sur la communication est parfois mal perçu.  » Mais les critiques sont parfois injustes « , estime-t-il.  » Beaucoup de vos confrères m’en ont voulu parce que j’avais envoyé Veselinovic en conférence de presse pour la présentation du match contre Genk. C’était, à leurs yeux, un second couteau dont les propos n’intéressaient personne. Deux jours plus tard, les demandes d’interviews ont afflué pour le Serbe… « 

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Lorsqu’on tente quelque chose, parfois on reçoit des fleurs, parfois on reçoit le pot…  » (Ariel Jacobs)  » Certains assimilent les mesures prises à de la censure. Je réfute cette accusation.  » (David Steegen)

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