MESURE DE CROISSANCE

Disparu de la scène européenne, Gand doit recharger ses accus avant les PO1. Sa confrontation avec ses limites ne peut qu’être bénéfique à son apprentissage.

La veille du match de Gand à Wolfsburg, le champion organise le traditionnel dîner de presse, dans un cadre adapté : l’Aqua-restaurant, juste en face de la Volkswagen-Arena, au milieu des usines du fabricant qui dominent la ville. Le restaurant, annexe du 5 étoiles Ritz-Carlton, est normalement fermé le lundi soir mais la direction de Gand l’a loué, sachant que ça en valait la peine. Aqua a trois étoiles au guide Michelin et est, à la 33e place, le seul restaurant allemand à figurer dans le top cent mondial. C’est que Gand aime à recevoir la presse avec classe. C’était déjà le cas lors des déplacements à Lyon et à Valence.

C’est un indice de la croissance du club. Gand veut être le meilleur en tout. Sur le terrain comme en dehors. Le plus beau stade, la plus belle et vaste salle de presse, où on est reçu avec chaleur, et des festins gastronomiques lors des déplacements européens, le tout dans une ambiance décontractée. C’est presque une réunion amicale. Sans énervement, caprices ni remarques critiques, sans déclarations excessives ni surestimation de soi. Gand s’abreuve à la source du réalisme.

Pendant le dîner de presse, entre deux bouchées, le président Ivan De Witte fait remarquer que Gand n’a pas dépareillé pendant le premier tour de la Ligue des Champions. Surtout parce que ses adversaires étaient en moindre forme. Il semble déjà peu enclin à croire à la qualification, comme le manager Michel Louwagie, qui clame que le match à Charleroi est plus important. Ensuite, ajoute-t-il, il s’agira de retrouver plus de fraîcheur mentale et de poursuivre l’agrandissement du club, notamment au niveau des jeunes. Les managers comme Michel Louwagie ont un problème : la semaine ne compte que sept jours. Ça ne l’empêche pas de savourer les délicieux plats servis. A l’issue du repas, quand le chef Sven Elverfeld s’enquiert auprès d’Ivan De Witte de sa satisfaction, il est applaudi par l’assemblée. Gand séjourne dans les hautes sphères.

TRÈS VITE, TROP VITE

Le lendemain, les joueurs de Gand entendent l’hymne de la Ligue des Champions pour la huitième fois. 23.500 spectateurs sont présents dans le stade, un record négatif selon les normes allemandes. Le VfL Wolfsburg reste un club artificiel. Il réagit avec un froid professionnalisme à sa qualification, comme si elle n’était qu’une parenthèse dans l’histoire du club.

Après sa double confrontation avec le VfL Wolfsburg, Gand sait où il se situe en Europe. A l’aller déjà, les Buffalos avaient été régulièrement désorganisés par la tactique de Wolfsburg, qui plaçait immédiatement la pression vers l’avant en perte de balle, procédant avec des lignes resserrées, de joueurs couvrant leur position sans courir derrière leur homme. L’époque d’un football allemand conservateur, avec un marquage strict, est révolue depuis longtemps.

Au retour, Wolfsburg pouvait se contenter de contrôler le match. Il l’a fait, calmement, avec maîtrise. Et avec une accélération qui a abouti à un but. En 90 minutes, Gand n’a placé qu’un tir cadré mais il n’a pas posé de problème à Koen Casteels. A aucun moment les Buffalos n’ont été en mesure de développer le football dominateur qui leur a valu tant de succès. Ça les a frustrés. Les clubs qui grandissent vite ont tendance à vouloir précipiter les choses et ils oublient la réalité. Or, tout est allé très vite pour Gand. Il y a exactement un an, quand HeinVanhaezebrouck était l’invité de notre magazine, il avait souri ironiquement quand nous l’avions sondé sur ses chances de titre.

Gand a quitté la scène européenne avec 25 millions d’euros. L’équipe avait fait impression dans les matches précédents, surtout à Valence, où elle avait étonnamment bien réagi au rythme rapide dicté par le club espagnol. Il s’en était suivi une volée de superlatifs. C’est tout juste si Hein Vanhaezebrouck n’avait pas été béatifié. Il avait mué l’équipe en machine bien huilée, portée par un formidable esprit de groupe et fondue dans un système que nul ne semblait parvenir à démanteler.

FATIGUE MENTALE

Il est difficile pour un entraîneur d’être confronté aux limites de son équipe. Comme au match aller contre le VfL Wolfsburg. Le laxisme des Allemands a évité à Gand une raclée et à l’issue du match, l’entraîneur gantois s’était inutilement attardé sur la différence d’arbitrage en championnat de Belgique et en Ligue des Champions. Un étrange faux-pas de quelqu’un qui reste toujours rationnel dans le succès et qui n’a fait que détourner la conversation de l’essence du problème alors qu’il n’y a rien de mal à être surclassé : c’est une expérience riche en leçons.

Gand peut désormais se préparer en toute tranquillité à la suite de la compétition. L’équipe est fatiguée. Pas physiquement mais mentalement. Depuis les transferts hivernaux et l’agitation ayant accompagné le retour de Mbark Boussoufa, son jeu a perdu de sa fluidité. Gand est éliminé de la Coupe de Belgique, de la scène européenne et n’a pris que 8 points sur 18 en championnat. La direction gantoise sait qu’elle a mal communiqué dans le dossier Boussoufa et Vanhaezebrouck sait qu’il n’aurait jamais dû se laisser emporter par ses émotions. Un entraîneur, quel que soit son succès, n’est jamais plus grand qu’un club.

L’interruption du championnat tombe à pic pour Gand. Les joueurs vont se vider la tête et puiser une énergie nouvelle pendant leur stage en Espagne. La saison passée, Gand a entamé les PO1 avec 57 unités. Les Buffalos en comptent 60 à présent. Mais, à l’époque, ils avaient placé un sprint fabuleux dans la dernière ligne droite du championnat régulier, gagnant leurs quatre derniers matches. Maintenant, le moteur cale. Dimanche à Charleroi, le champion n’a pas joué brillamment. Mais il a quand même affiché sa force mentale en égalisant. Ça n’a pas empêché Hein Vanhaezebrouck de complimenter son équipe et d’insister sur le fait que compter trois points de plus qu’il y a un an constituait une superbe prestation. Gand entame les PO1 avec le même retard qu’il y a un an. L’entraîneur n’a pas parlé de la différence de niveau. C’est à lui d’y remédier.

PAR JACQUES SYS – PHOTOS BELGAIMAGE

Gand veut être le meilleur en tout.

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