Messi, gaucher de droite, fait des petits

Vus ce week-end : Lionel Messi brillant à Valladolid , Arjan Robben décisif à Brême. Points communs : joueurs du top, gauchers d’attaque, fréquemment positionnés sur le flanc droit offensif dans le dispositif de départ. Quand j’étais gamin, pareille option eût été insulte au bon sens tactique. Il arrivait certes qu’un effectif manque de gauchers, qu’un droitier se retrouve à jouer extérieur gauche, et qu’il s’y adapte : mais disposer par exemple d’un Wilfried Puis pour l’exiler à droite en même temps qu’on aurait invité un Léon Semmeling à arpenter le flanc gauche, c’eût été proprement ahurissant !

Le coup du gaucher à droite est resté rarissime jusqu’à tout récemment ; deux bonshommes d’anthologie seulement faisant exception dans ma mémoire qui vaut ce qu’elle vaut :

Bruno Conti illumina le jeu de la Squadra victorieuse du Mondial 82 ;

– un peu plus tard à l’OM, Chris Waddle fut le magicien de droite d’un trio d’attaque inoubliable avec Jean-Pierre Papin et Abedi Pelé.

Aujourd’hui au top, l’option semble de plus en plus fréquente : nombre d’attaquants de flanc, ou de médians de flanc offensifs, prestent sur leur mauvais pied. D’une part, si l’offensif qui décale à gauche est droitier, ça ne tracasse plus les coaches : Franck Ribery aime ça, Cristiano Ronaldo et Ronadinho aussi, Thierry Henry s’y colle, on peut ajouter plus près de chez nous Eden Hazard ou Mbark Boussoufa. J’dis ça, j’dis rien, mais le nombre d’équipes du top où les quatre éléments les plus hauts dans le jeu sont tous droitiers me paraît en augmentation : comme si disposer là d’au minimum une gauche patte était devenu très facultatif.

Et d’autre part, même quand gaucher il y a, les coaches commencent à raffoler le décaler à droite, quitte à ne plus en disposer à gauche pour mieux ouvrir le jeu, comme on disait : outre Messi et Robben, je pense à Robin van Persie, à Michel Bastos le Lyonnais qui fit tourner les Mauves, parfois à Hatem Ben Arfa quand l’OM l’aligne, parfois aussi à Mehdi Carcela chez nous. La tendance pourrait d’ailleurs gagner les Diables. Contre la Turquie et en Estonie, Dick Advocaat confia l’animation du flanc droit au gaucher Roland Lamah, et celle du flanc gauche au droitier Kevin Mirallas.

C’est ici que vous me demandez la raison de cette évolution si c’en est une. Réponse : le football n’est pas une science exacte, j’ai seulement trois hypothèses qui ne s’excluent pas.

Primo, l’effet de mode, dans la foulée de la Messimania : ça fonctionne du tonnerre avec le p’ti Lio, tout le monde tente de copier le principe.

Deuzio, on n’arrête pas le progrès, le mauvais pied n’est plus ce qu’il était, il est devenu fortiche autant que l’autre. Là, j’ai mes doutes : si les ailiers étaient bipèdes parfaits, on ne parlerait plus à leur sujet de gauchers et droitiers.

Tertio, les attaquants de flanc ont cessé d’être des machines à déborder le long d’une touche avant de centrer en retrait. Ils tentent de s’enfoncer balle au pied, de percuter, et de rentrer dans le jeu, sur leur bon pied de préférence. S’ils n’y arrivent pas, ils freinent leur course et, presque à l’arrêt, balancent long devant, dans le paquet du point de peno : pour ce faire, qu’importe le pied pourvu que le botté soit potable.

Ah bon ? Alors, le foot n’a plus recours aux appels en profondeur, ponctués de centres millimétrés en pleine course et en retrait, juste avant la ligne de but ? Si. Mais de plus en plus, ces centres sont réalisés par les arrières latéraux qui multiplient les appels, plongeant devant leur pote percuteur un instant freiné. Et ces latéraux, eux, sont bien plus qu’hier sur leur bon pied : elle est en voie de disparition, l’époque où le poste d’arrière gauche accueillait un droitier qui s’y démerdait sans gros problèmes ! Aujourd’hui, un Ashley Cole, un Patrice Evra, un Fabio Grosso, un John Arne Riise, bien que défenseurs et positionnés bas sur leur côté gauche, assument le rôle de centreur au millimètre en course. l

par bernard jeunejean

Résultat de la Messimania, nombre d’attaquants de flanc ou de médians de flanc offensifs, prestent sur leur mauvais pied.

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