Messi est le produit d’une pensée unique

96 journalistes de 96 pays ont élu Lionel Messi Ballon d’Or de France Football en 2009, chacun attribuant à cinq joueurs de 5 points à un point. Et Messi l’emporte avec 473 points sur 480 possibles ! Ce n’est même plus un plébiscite, c’est un tsunamicite, et c’est un peu angoissant : si tous ont préféré le même mec en 2009, ça voudrait dire qu’il n’y a qu’une manière d’aimer le foot ? Que le foot est devenu science exacte, alors que l’adage avait jusqu’ici proclamé le contraire ? Qu’aucun journaleux au monde n’est davantage charmé par Xavi-le-régisseur, Drogba-le-buteur, Rooney-le-généreux, Iniesta-l’exquis ? Glup ! La pensée unique s’immiscerait donc aussi dans notre jeu favori ?

Il est vrai que la Pulga (la puce, surnom de Messi) est époustouflante et je suis heureux qu’elle ait bondi haut : surtout parce qu’elle s’est améliorée en tant que buteuse (32 buts en 2008/09, le double de 2007/08), aussi parce qu’elle prouve que les p’tits continuent de pouvoir être de grands footballeurs : mais de là à récolter plus du double des points de Xavi et Iniesta réunis… Respect donc pour Ri Dong-Kyu, juré nord-coréen et libre-penseur, seul à n’avoir placé Messi que troisième ! Mention aux votants croate, égyptien, liechtensteinois et sénégalais qui ne l’ont cité qu’en deuxième position. Et citation plus mitigée pour le camerounais ayant agi de même… mais pour préférer son compatriote Samuel Eto’o ! A propos de pulsions cocardières, Denis Chaumier le français n’y a pas cédé en choisissant son quintet : faut dire que c’était déjà gonflé d’avoir placé quatre Bleus au sein des 30 candidats présélectionnés par France Football

L’hebdo demande pourtant à ses jurés de prendre en compte les critères suivants : performances de l’année, talent, fair-play, personnalité, rayonnement et CARRIÈRE,… un mot qui devrait me pousser à une nouvelle pub pour Ryan Giggs mon chouchou, mais – désabusé – je m’en abstiendrai ! Car les jurés n’en ont cure, c’est le même raisonnement basique chez tous : prendre l’équipe ayant remporté la compétition la plus glorieuse de l’année civile, et noter en n°1 celui qui en fut l’élément le plus en vue. C’est si simple, pourquoi se casser les nénettes…

Des nénettes que la profession ne se cassera pas davantage, elle qui choisira fin de ce mois le Joueur FIFA de l’année : une distinction concurrente du Ballon d’Or depuis 1991, et pour laquelle votent cette fois capitaines et entraîneurs des équipes nationales/FIFA. Et le vainqueur en sera Messi, c’est du tout cuit sans boule de cristal vu que, depuis 2005, les deux referendums doublonnent ! Chez nous, c’est plus gai : notre Footballeur Pro de l’Année concurrence depuis 1984 le Soulier d’Or né trente ans plus tôt. Mais l’attribution du premier en juin et du second en janvier nuance fréquemment les données, les deux distinctions ont fait ces derniers temps cinq heureux différents : Mémé Tchité (FP) puis Steven Defour (SO), Milan Jovanovic (FP) puis Axel Witsel (SO). Après Mbark Bousoufa (FP), j’espère que le bonheur du mois prochain sera -enfin – pour Dieumerci Mbokani

Mais à quand une distinction réservée aux arracheurs de ballon, qui le mériteraient ! ? Car pour décrocher le Ballon d’Or, il faut être joueur d’attaque, grand buteur ou grand technicien : sur 54 ans de trophées, je ne vois que quatre exceptions. Lev Yachine (1963) fut le seul gardien vainqueur et j’ignore pourquoi, car il date de l’ère pré-télévisuelle. Fabio Cannavaro (2006) fut le seul défenseur et je sais pourquoi : pas parce qu’il fut fortichissime et inégalé dans son genre, mais parce qu’il était capitaine, donc symbolique, d’une Squadra championne du monde sans star offensive. J’ajoute Lothar Matthäus (1990) et Mathias Sammer (1996), deux médians qui jouaient bas et ne rechignaient pas à l’arrachage. Je refuse par contre d’inclure le libero de charmeFranz Beckenbauer (1972 et 1976), loin d’avoir été casseur de jeu d’élite ! Car oyez, oyez, les jeunes, pour votre info : le Keizer construisait et rien d’autre, depuis l’arrière et le cul dans le beurre, bien planqué derrière sa garde personnelle, pour tirer – joliment – les ficelles offensives !

par bernard jeunejean

« La Pulga est Ballon d’Or France Football avec 473 points sur 480 possibles ! Ce n’est même plus un plébiscite, c’est un tsunamicite ! »

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