» MESSI, c’est un illuminati ou quoi ? « 

Un prénom qui sent bon le foot des années 70 et une formation dans un des clubs les plus branchés du moment : Neeskens Kebano, l’un des Zèbres en forme, nous a accueillis chez lui, à Charleroi, pour regarder FC Barcelone – PSG. Rencontre.

20 h 45, un immeuble à deux pas du Mambourg. Neeskens Kebano nous accueille tout sourire, un maillot de… l’AS Monaco sur le dos.  » C’est un cadeau de mon pote Nampalys Mendy, je le mets de temps en temps « , explique le Carolo. On salue Junior, le  » cousin  » et, le temps de se servir à boire, la sonnette retentit déjà. Clinton Mata, flanc droit des Zèbres, fait son entrée armé de son ordinateur portable et de Football Manager 2015 :  » C’est une drogue ce jeu. Là, j’essaie de me trouver un attaquant pour Leverkusen mais ils abusent sur les prix.  »

A peine le temps d’évoquer le match du jour que le PSG entre déjà en action.

15e : LucasMoura centre depuis le flanc droit, BlaiseMatuidi remet à ZlatanIbrahimovic qui reprend en un temps dans les filets de TerStegen. Kebano exulte :  » Hé Zlatan ! Zlatan Ibrahimovic, cousin ! Qu’est-ce que je t’ai dit ? J’sais que le PSG ne va pas gagner mais il va y avoir match nul. LuisEnrique, il va pleurer aujourd’hui ! « 

La soirée commence bien. Mais on est quand même venu pour parler foot avec Neeskens.

Tu peux me raconter comment tu as abouti au PSG ?

En maternelle déjà, j’étais hyperactif. Je n’arrêtais pas de me battre avec mes camarades d’école. Les instits ont conseillé à mes parents de m’inscrire au sport. Je voulais faire de la boxe mais j’étais trop jeune, donc on m’a inscrit au judo. Rapidement, à l’âge de six ans, j’ai bifurqué vers le foot pour rejoindre mes potes dans le club de ma ville, Montereau. J’étais bon, donc j’ai participé aux épreuves de détection pour rejoindre l’INF à Clairefontaine. C’est là que j’ai été repéré par de nombreux clubs mais pour moi le choix était évident, c’était le PSG. Je les supporte depuis toujours.

Encadré par des grands frères au PSG

Tu découvres un nouveau monde à ce moment-là ?

C’est clair. Je rejoins le centre de pré-formation à 14 ans. Les infrastructures, la rigueur, la discipline, l’exigence aux entraînements, la qualité des joueurs : c’était incomparable avec ce que j’avais connu avant. On est plusieurs de mon année à être passé pro : Alassane També (Courtrai), Jimmy Kamghain (sans club, ex-Courtrai), Jean-Christophe Bahebeck (PSG), Loïck Landre (Lens), Alphonse Aréola (Bastia).

Tu as joué en Première avec le PSG.

Oui j’ai été intégré au noyau pro en 2010. J’ai joué sept matches cette année-là. Je me suis tout de suite bien adapté. J’ai été encadré par des  » grands frères  » comme Mamadou Sakho qui m’expliquait comment ça se passait, comment être bien vu, etc. D’autres comme Mathieu Bodmer, Thiago Motta, Nenê ou Momo Sissoko étaient toujours là pour moi. Je posais aussi souvent des questions sur Messi à Maxwell qui avait joué avec lui :  » Comment il fait tel geste ? Comment il s’entraîne ?  » Et puis il y avait les anciens : Ludovic Giuly, Grégory Coupet et Claude Makélélé. Makélélé, il me lâchait pas à l’entraînement, il était chiant. Si t’es dans son équipe et que tu perds… Si t’as fait une mauvaise passe, il va le garder en tête et après il va te pourrir. Je suis mauvais joueur mais lui…

A Caen, en Ligue 2

19e : LuisSuarez est à la réception d’un long ballon et croise immédiatement pour LionelMessi, plus rapide que les autres, qui conclut au second poteau. C’est au tour de Junior de chambrer :  » Messi ! Messi !  » Kebano n’en revient pas :  » C’est un sorcier. Quel démarrage ! Huit buts en six matches, c’est un illuminati ou quoi ? « 

L’arrivée des Qataris complique la donne pour toi.

Dans un premier temps, non puisque je signe mon contrat pro après leur arrivée. Mais rapidement, les transferts s’enchaînent : Gameiro, Sissoko, Sirigu, Menez, Pastore,… Et forcément, mon temps de jeu diminue. Fin décembre, Antoine Kombouaré est viré et Carlo Ancelotti arrive. Je demande à être prêté mais il veut que je reste dans le groupe. Au final, il ne me fait jamais jouer donc au mercato d’été suivant, je suis prêté à Caen en Ligue 2.

Avec le recul, c’était une bonne décision ?

Je ne la regrette pas en tout cas. J’ai souffert de nombreuses petites blessures. A chaque fois, je reviens, je marque mes premiers buts et puis je me reblesse sérieusement au ménisque. J’en ai eu pour trois mois sur la touche et à mon retour la saison était presque finie.

Qu’est-ce qui est préférable ? S’entraîner tous les jours avec des grands joueurs, comme Zlatan, sans jouer, ou accumuler le temps de jeu à un moindre niveau ?

Zlatan, je l’ai juste croisé avant et après mon prêt à Caen mais il y avait déjà d’autres vedettes. Je pense que rien ne remplace les situations de match. C’est là que tu peux mettre en oeuvre tes qualités. Si tu sais que tu ne vas pas jouer, c’est plus difficile d’être pro à 100 %. Pendant les mises au vert, on tapait bien dans les plats et les desserts incroyables qu’on nous servait. Tu te donnes moins, tu prends vite du poids. Bon après, quand l’équipe gagne, tu touches des primes donc t’es pas à plaindre mais à un moment donné tu te dis que le foot ça doit être du plaisir avant tout et tu veux jouer.

Mamadou Sakho, une personnalité

24e : Messi affole la défense balle au pied mais l’action ne donne rien.  » C’est un diable « , estime Mata.  » Il est chiant « , juge Kebano.  » Tu sais ce qu’il va faire mais il coupe ta course. Forcément, tu glisses. « 

De tous les joueurs que tu as cotoyés, lequel t’as le plus marqué ?

Mamadou Sakho. Pas tant par ses qualités, même s’il a énormément de talent, mais plus par sa personnalité, ce qu’il dégage. Il n’a que deux ans de plus que moi mais il était déjà d’une maturité incroyable. Il a été capitaine très jeune et il avait un poids extraordinaire dans le vestiaire. A l’époque, je n’avais pas le permis et je ne voulais pas lui demander de me déposer en ville mais il me l’a proposé spontanément en me disant que je rendrais la pareille aux jeunes plus tard. C’est un grand monsieur. C’est dommage qu’il ne soit plus à Paris. Il était l’âme du club, un enfant du PSG. Son départ, ça a été un signe fort. Ça voulait dire qu’il n’y avait plus d’attaches avec les jeunes formés au club.

Tu quittes le PSG en même temps que lui. Si tu ne devais garder qu’un souvenir de ton passage là-bas ?

Mon but au Parc des Princes en Coupe de France contre Le Mans. Sur le moment, je n’ai pas réalisé que je venais de marquer pour le club que je supporte depuis tout petit. Tout le monde criait dans le stade, ma famille était dans les tribunes. C’est un moment inoubliable. Ça restera à jamais en moi.

Le top 6 belge, du solide

Comment es-tu arrivé à Charleroi ? Le championnat belge ça te parlait ?

Il était temps que j’obtienne du temps de jeu. Je me suis dit que si je méritais d’évoluer dans un gros club avec un gros salaire, ça viendrait avec le temps, en prouvant sur le terrain que j’avais le niveau. J’ai évalué les différentes offres que j’avais et Charleroi m’a semblé le meilleur choix. Je connaissais le club parce que j’ai joué avec Riffi Mandanda, le frère de Parfait, en équipe de France chez les jeunes. Pour le reste, je connaissais de réputation Anderlecht, le Standard, Genk via mon pote Chris Mavinga et Courtrai ou jouaient També et Kamghain.

Tu es là depuis maintenant plus d’an. Comment tu juges la Jupiler Pro League ?

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre mais je ne voulais surtout pas sous-estimer la compétition. Au final, je dirais que les clubs du top 6 ont de très bonnes équipes. Ceux qui squattent le bas de classement c’est autre chose. Généralement, c’est l’impact physique qu’ils mettent dans les matches qui fait leur force. C’est très dur de gagner contre ces équipes, il faut être efficace dans les duels pour ramener des points.

Encore en travaux

42e : Neymar s’enfonce dans la défense et trompe Sirigu d’un superbe enroulé du pied droit (2-1). Junior n’en peut plus :  » Wooow ! Ici, c’est Barça ! C’est pas Paris. Paris c’est de la merde maintenant que tu n’es plus là !  » Kebano, lui, peste contre les siens :  » Ils respectent trop Barcelone. « 

Si je te dis que tu as fait de très bons matches mais que ton gros défaut c’est la régularité, tu es d’accord ?

Oui bien sûr, on me l’a souvent reproché, ça ne date pas d’hier. Je sais que j’ai tendance à jouer par à-coups, à ne pas rester concentré tout le long d’un match. C’est un défaut que j’essaye de gommer. Je suis encore un joueur en travaux.

46e : Kalifa Coulibaly, un autre ancien Parisien des Zèbres, débarque à son tour juste à temps pour la seconde période.

Comment tu te définirais comme joueur ?

Je suis un joueur créatif qui aime bien percuter, aller de l’avant. J’ai un bon dribble. Mes défauts ? Clinton, aide-moi.

ClintonMata : C’est un râleur. Un gros râleur.

Junior : Le caractère. Il est têtu. Il n’accepte jamais d’avoir tort. Mais c’est un battant. Depuis toujours, quand il veut quelque chose, il persévère et il y arrive.

Kebano : Quand on était petit, Junior faisait des saltos. Je me suis entraîné pendant des heures dans le bac à sable en bas de chez moi jusqu’à ce que j’y arrive. Aujourd’hui encore, je suis toujours capable d’en faire.

Meilleur en 10

Ce sera la célébration de ton prochain but ?

Faudrait que j’y pense. Mes potes me disent souvent de faire un geste ou quelque chose mais quand je marque, j’oublie ce que je dois faire.

Tu as déjà été aligné à plusieurs postes. C’est quoi ta meilleure place ?

En 10, derrière l’attaquant. Je l’ai toujours dit. Comme dit Junior, je suis têtu. Chez les jeunes, un coach m’avait aligné en 6 et j’avais bien joué donc il voulait que je conserve ce poste. Moi, je ne le voyais pas de cet oeil-là, donc je n’ai pas boycotté les matches mais disons que je ne me donnais pas à 100 %. Il a vite compris et m’a remis en 10. Mais bon, maintenant, je sais que chez les pros ça se passe autrement. Le plus important, c’est de jouer, peu importe la position.

77e : Xavi isole Neymar dont le tir est repoussé par Sirigu. Mais Luis Suarez a bien suivi et fait 3-1. La messe est dite. Pour Neeskens, c’est la déception :  » Je croyais au match nul qui aurait permis au PSG de terminer premier du groupe « .

Comment ça se passe entre toi et Felice Mazzu ?

Ça se passe très bien. Il m’a remis sur le bon chemin. C’était un mal pour un bien qu’il ne m’ait pas trop fait jouer en début de saison. Il m’a fait comprendre certaines choses. Sur le coup, je ne l’ai pas pris avec plaisir. C’était dur et énervant mais j’ai fait profil bas et j’ai bossé. C’était la meilleure chose à faire.

L’année passée, Charleroi a vendu Onur Kaya, David Pollet et Danijel Milicevic au mercato d’hiver. Cette année c’est ton tour ?

(il rit) Non, je ne pense pas à partir. Je n’ai rien vu, rien entendu jusqu’à présent. Le foot est fait de beaucoup de rumeurs. Avant que je n’arrive à Charleroi, on m’a cité à Nice, à Montpellier, à Fribourg mais ce n’était que du vent. Pour l’instant, je suis à Charleroi et je pense y être encore après le mercato. Je ne fais pas de plans à long terme. Je vis vraiment au jour le jour. Je me concentre sur le reste de la saison. Ensuite, quand ce sera le moment d’opérer d’éventuels choix, j’y réfléchirai mais pour l’instant le plus important c’est d’accumuler le maximum de temps de jeu et on verra par la suite.

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: BELGAIMAGE/ KETELS

 » Makélélé, il me lâchait pas à l’entraînement. Je suis mauvais joueur mais lui…  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire