Messages aux supporters

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Que trouve-t-on dans les publications offertes par les équipes francophones de D1?

Les journaux de club sont une institution dans les grands pays du football. En Angleterre plus que partout ailleurs. Là-bas, ils font partie du quotidien des supporters, qui les dévorent au stade, en rue ou dans le métro.

Chez nous, la passion pour ces publications n’a jamais été aussi intense. Près d’un club sur deux, en D1, ne juge d’ailleurs pas utile d’avoir son propre journal. Il faut dire que ce n’est certainement pas le meilleur moyen de gagner de l’argent. En règle générale, la vente d’un tel journal laisse un petit trou financier en fin de saison. Trois clubs francophones de première division jugent toutefois utile de maintenir cet outil, pour des besoins de promotion essentiellement. Nous avons parcouru les dernières éditions et relevé des angles d’attaque totalement différents.

Mouscron Excelsior

Le journal proposé par le club de Jean-Pierre Detremmerie est sans aucun doute ce qui se fait de mieux en Wallonie. Non seulement son contenu se révèle très intéressant, mais surtout, ce toutes-boîtes de 12 ou 16 pages est distribué à très grande échelle: 43.000 exemplaires hebdomadaires au sud de la frontière linguistique (Mouscron, Comines, Estaimpuis, Pecq, Mont-de-l’Enclus) et 100.000 mensuels en Flandre.

Mouscron Excelsior est réalisé par une équipe rédactionnelle full-time de 5 personnes, auxquelles s’ajoutent de temps à autre des collaborateurs. « Nous ne traitons pas uniquement du football », explique Alexandre Szalai, un des journalistes de l’équipe. « Nous abordons le water-polo, le handball, l’équitation, l’athlétisme et d’autres disciplines. Le but est de donner un coup de pouce à ces sports moins connus via notre magazine. Sur un autre plan, l’ambition de l’Excelsior est de devenir, à très long terme sans doute, un véritable club omnisports à l’image de Barcelone ou du Real Madrid ».

Le magazine mouscronnois, qui peut être consulté intégralement sur le site Internet de l’Excel, aborde aussi des sujets qui n’ont rien à voir avec le sport. « Pendant de nombreuses années, la Ville de Mouscron a aidé l’Excel dans sa recherche de reconnaissance. Entre-temps, la tendance s’est inversée: l’Excel est la locomotive qui permet à toute la région de gagner en publicité et en popularité. Mouscron Excelsior aide à accentuer ce processus en profitant de l’effet football pour souligner un tas d’initiatives prises dans le grand Mouscron ».

De format tabloïde et tout en couleurs, Mouscron Excelsior s’ouvre systématiquement sur un message de Jean-Pierre Detremmerie. Avant le match au Standard, en septembre, le président martelait par exemple: « Nous soutenons Hugo Broos davantage aujourd’hui qu’à l’époque de son foot champagne ». L’homme fort du club et de la Ville ne se préoccupe pas d’un quelconque devoir de réserve. Ainsi, on le surprend de temps en temps à tackler l’une ou l’autre personne dans Mouscron Excelsior. A propos de Diminique Lemoine, il dit: « Personne n’ignore que ce joueur a évolué à l’Excelsior et a ensuite privilégié sa carrière et son portefeuille en se vendant à un club espagnol puis au Standard. Il a aussi effectué un dépannage à Mons. Au fil du temps, il est devenu indésirable pour la plupart de ceux qui l’avaient connu ou recruté. Récemment, plus d’une dizaine de fois, il a essayé de se faire réengager à l’Excelsior en qualité de joueur. Il s’est, depuis, reconverti en devenant consultant auprès de la RTBF. Le choix de Dominique Lemoine se justifie pour bon nombre de rencontres. Mais est-il vraiment le bon consultant, objectif et intègre, quand il commente et parle de l’Excelsior? Par ses critiques acerbes, son jugement arbitraire, il exprime essentiellement ses nombreuses frustrations et ses rancoeurs tenaces de ne pas avoir pu rejouer pour le compte de ce club ».

Dans un autre numéro, Detremmerie s’en prend à la même chaîne publique, qu’il accuse d’un choix subjectif d’images pour les résumés. Il critique aussi l’arbitrage, qu’il qualifie de défavorable à l’Excel.

Mouscron Excelsior propose par ailleurs des interviews intéressantes de joueurs du club, mais aussi d’adversaires. Avant le match contre le Standard, c’était au tour de Michel Preud’homme, mis à l’honneur sur deux pages pleines. Parrain de l’école de gardiens du Futurosport, Preud’homme dit notamment: « Je peux devenir méchant si on me roule dans la farine ou si on me plante des couteaux dans le dos ».

Les politiciens ont régulièrement la parole dans ce magazine. Outre une rubrique par laquelle les bourgmestres du Hainaut occidental expliquent leur vision du sport à l’échelle communale, on peut lire les avis de Robert Collignon, Jean-Pierre Grafé (« Le Standard, c’est bon pour le moral! »), Michel Foret. Mais aussi d’un William Ancion qui explique les raisons pour lesquelles on ne le voit jamais au stade: « Je n’aime pas être oppressé par des mesures de sécurité trop contraignantes. Je n’aime pas voir des gens derrière des barreaux car je pense que l’excès de précaution incite à la violence ».

Outre l’inévitable présentation de l’adversaire de la semaine (avec rappel des confrontations précédentes et palmarès), on trouve dans Mouscron Excelsior le programme des matches de jeunes au Futurosport, une présentation des articles en vente à la boutique du Canonnier, de temps à autre un poster sur une double page, une revue de presse et des reportages sur des thèmes très généraux, comme le chômage ou le travail d’Excel Elan, la cellule sociale de l’Excelsior. Dans les espaces publicitaires, nous avons relevé la présentation du livre consacré à Jean-Pierre Detremmerie ( Toujours plus haut) et de celui traitant de 100 ans de football dans la cité des Hurlus.

Et, pour terminer, une rubrique plus people: on y découvre quelques photos du mariage de la fille de Hugo Broos et les résultats d’un sondage organisé auprès des journalistes. Il en ressort que c’est à Mouscron qu’ils sont le mieux accueillis. Anderlecht vient en deuxième position, Charleroi en troisième. Les vilains petits canards: Beveren, l’Antwerp et le GBA.

Anderlecht Sports

Le journal du Sporting bruxellois, également de format tabloïde et tout en couleurs, fut créé en 1921, lors de la première accession des Mauves en D1. Il y eut ensuite des interruptions dans la publication, mais depuis 1945, il a été diffusé en continu. Il est tiré à 5.000 exemplaires, offert aux spectateurs des loges et des business-seats, et vendu 50 francs aux portes du stade. Il existe même quelques abonnés: des acharnés du Sporting qui n’assistent pas systématiquement aux matches à domicile.

« Le club perd de l’argent en réalisant ce journal », affirme Victor De Cleene, responsable d’une équipe rédactionnelle ne comptant que des bénévoles. « Mais c’est un choix délibéré de la part de la direction. Il serait possible d’équilibrer les comptes en y insérant de nombreuses publicités, mais les patrons du club préfèrent mettre l’accent sur le rédactionnel pur ».

Anderlecht Sports compte 8 ou 16 pages en fonction de la richesse de l’actualité. Il a la particularité d’être bilingue français-néerlandais, tous les articles n’étant pas automatiquement traduits dans l’autre langue. Beaucoup de titres sont en anglais, ce qui permet de n’en prévoir qu’un seul pour un même article dans les deux langues. Exemples: Gilles: two goals pour résumer Anderlecht-Antwerp, Aruna had the key après La Louvière-Anderlecht, Glen again après Anderlecht-Halmstad.

Ce journal sort également à l’occasion des matches de Ligue des Champions. Les supporters de l’AS Rome auront apprécié, à la Une, un message d’accueil en italien signé par Robert De Pot, Assistente al Manager del RSC Anderlecht. Cette première page contient systématiquement un éditorial bilingue. Concernant la dernière campagne des transferts, on y apprend notamment que « le club a réalisé une importante opération financière en optant pour un sérieux réinvestissement en vue de s’assurer les services de sept nouveaux joueurs de haut niveau ». Les grincheux, ceux qui reprochaient à la direction de ne pas avoir dépensé l’argent de la vente des stars de la saison dernière, en sont pour leurs frais…

Les résultats des équipes d’âge du Sporting sont publiés, ainsi que ceux de la Réserve, des dames et des vétérans. L’adversaire du soir est passé au crible: fiche technique du club, noyau, présentation détaillée de l’entraîneur, transferts in et out, etc. Les statistiques de l’arbitre concerné sont également communiquées. Une rubrique rétro apparaît de temps à autre. Ainsi que des thèmes souvent intéressants. Exemples: la sécurité aux matches à domicile du Sporting (près de 700 personnes sont mobilisées: stewards, policiers, pompiers, secouristes); message de Jacques Malvaux, médecin des Mauves depuis 40 ans; les bénévoles; la dixième place du Sporting (20 participations) dans l’historique de la Coupe et la Ligue des Champions (juste derrière Barcelone et devant les Rangers, Porto, Liverpool, Galatasaray et l’Inter); rubrique arbitrage, etc.

« C’est l’imposante rubrique News qui attire le plus nos lecteurs », signale Victor De Cleene. « Ils se jettent directement sur cette page ». C’est vrai qu’on y apprend pas mal de choses: les dates d’anniversaire des joueurs, la naissance de jumeaux chez les Ilic, la participation d’ Ato Boldon à un clinic à Neerpede, Lamptey qui a encore une fois changé de club, message de soutien à Madame Verschueren suite à son grave accident de la route, les goûts de Wesley Sonck, « le play-boy du RC Genk » (il préfère Anderlecht au Standard, Anthuenis à Ivic, Porsche à Ferrari, Claudia Schiffer à Naomi Campbell…) Dernier détail, communiqué après la venue de Philippe et Mathilde au Parc Astrid: c’était la cinquième visite royale ou princière dans l’histoire du club.

Le Vert et Blanc

Les moyens sont limités à La Louvière, ce qui n’empêche pas les supporters de trouver, lors de chaque match à domicile, un petit livret fort bien fait en format A5 dont les ventes (50 francs) profitent aux jeunes du club. Un seul homme est derrière ce défi: Michel Matton, par ailleurs journaliste à La Gazette des Sports.

Son bébé, Le Vert et Blanc, tout en couleurs également, est tiré à un nombre restreint d’exemplaires (entre 1.000 et 1.500). « C’est un journal sans aucune prétention », signale Michel Matton. « Il faut le voir comme une manière de soigner les relations publiques du club ».

Ce journal de 16 pages s’ouvre systématiquement sur une intervention du président Gaone. Avant le match contre Lommel, il disait ceci: « Réorganiser le club est devenu une impérieuse nécessité et je vous promets que plus jamais, la RAAL n’aura à subir autant de soubresauts internes préjudiciables à son équilibre ».

Roland Louf, le nouveau manager des Loups (qui travailla aux Francs Borains), affirme de son côté: « Si la RAAL a une certaine ressemblance avec Marseille, aux Francs Borains, c’était un petit Sarajevo… »

Le Vert et Blanc propose occasionnellement l’interview d’un joueur ( Manu Pirard avant La Louvière-Anderlecht), un article sur un thème du moment (exemple: la licence professionnelle avec Maître Spreutels), un mini-poster, une rubrique historique ou un concours permettant de gagner un maillot. Et systématiquement une présentation de l’adversaire du soir, le programme complet de la journée de championnat et le classement, un flash sur l’arbitre de la rencontre, une revue de presse (avec des extraits de journaux tant flamands que francophones).

La qualité du papier et de l’impression, ainsi que la présence massive d’encarts publicitaires constituent d’autres particularités de ce magazine. Suite à tous les remous ayant émaillé le début de saison, il a été décidé de consacrer une page au forum du site officiel du club. Les extraits publiés dans Le Vert et Blanc valent souvent le détour:  » Grosjean et Leclercq, deux entraîneurs des plus compétents à mes yeux, se sont cassé les dents à la RAAL. Quel est maintenant le guignol qui relèvera le défi d’entrer dans une telle pétaudière? »

« Ainsi donc, les joueurs se plaignaient que Leclercq les traitait mal. Il leur disait qu’ils étaient mauvais et j’en passe. Moi, je dis que ce sont des excuses de vierge effarouchée. Un Loup, un vrai, aurait réagi à ces affirmations sur le terrain, en faisant couler des litres de sueur, la bave aux lèvres, pour montrer que l’entraîneur avait tort. Et même si Leclercq a peut-être manqué de tact, les joueurs lui ont bêtement donné raison en étant mauvais. Cela s’appelle un manque de maturité et de caractère. Un conseil au futur entraîneur: dites-leur plein de gentillesses du genre -Vous êtes la crème de la D1 ou -A côté de vous, l’équipe de France c’est du caca« .

« Pouvez-vous me prouver que Leclercq est un meilleur entraîneur que Grosjean? Et ne me dites pas que le Druide est un grand professionnel. A mon humble avis, la vérité est que Leclercq a surfé l’an dernier sur des circonstances exceptionnellement favorables. Cette année, il avait un noyau pléthorique et n’a rien su en tirer. Il communique mal (limite autiste, le gars) et se prend pour l’empereur du monde. Et cessez de tirer sur Gaone: vous lui devez tous les frissons ».

Pierre Danvoye

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