« Mes secrets »

A quoi ressemblera le nouveau stade des Rouches ? Où et quand sera-t-il construit ? Qui le financera ? Que deviendra Sclessin ? Le patron répond.

Luciano D’Onofrio (52 ans) est la force motrice derrière le projet du nouveau stade du Standard. Le vice-président doit savoir que la route sera parsemée d’obstacles, que ce ne sera pas simple de mener à bien un tel dossier de construction alors que le grand Anderlecht bute depuis plusieurs années sur le projet de sa nouvelle enceinte. Alors que le Club Bruges rencontre aussi pas mal de problèmes sur le même thème. Mais D’Onofrio a toujours carburé au dynamisme, au toupet et à l’optimisme. Donc, il est certain que ça va marcher !

Luciano D’Onofrio : Bien sûr, nous y avons pensé. Très sérieusement, même. Pendant deux ans, nous nous sommes demandé comment nous pourrions nous y prendre pour que le Standard ait un beau nouveau stade à Sclessin. Il y avait deux solutions. Adapter le stade actuel, y faire des ajouts comme ce fut le cas avant l’EURO 2000. Mais au bout du compte, nous n’aurions eu qu’un stade à moitié neuf – ou pire à moitié ancien – en dépensant peut-être autant d’argent que pour une construction tout à fait nouvelle. Et ce stade adapté aurait été déclassé dans 30 ans maximum. L’autre possibilité théorique, c’était de raser le stade actuel. Mais où le Standard aurait-il alors joué pendant les travaux ? Et de toute façon, nous aurions conservé une partie des problèmes d’aujourd’hui : une limitation du nombre de sièges, une mobilité et une sécurité compliquées autour du stade, pas d’espaces commerciaux, un déficit de places de parking, etc. Rester à Sclessin, c’était donc mission impossible.

On parle beaucoup des normes UEFA : quelles en sont les grandes lignes ?

L’UEFA et la FIFA – comme notre ministère de l’Intérieur – sont de plus en plus exigeantes, surtout en matière de sécurité. Celle des spectateurs, mais aussi des équipes visiteuses. Il y a également des critères de plus en plus pointus au niveau de la mobilité, des parkings, des tribunes, du confort en général. Lors de la préparation de l’EURO 2000, la Belgique a raté une opportunité incroyable de s’offrir des nouveaux stades, modernes. Les Pays-Bas, le Portugal, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche ont tout compris en construisant des stades de pointe à l’occasion des tournois organisés chez eux. Ici, on a joué petit bras, on s’est mis en conformité pour un seul événement, l’EURO. En sachant très bien que ces stades ne seraient plus conformes après quelques années.

Sclessin sans le Standard ne sera plus tout à fait Sclessin. Et le Standard sans Sclessin ne sera plus tout à fait le Standard…

Je ne raisonne pas comme ça. Sclessin, c’est effectivement une grande partie de l’histoire de ce club. Mais si nous avons bientôt un beau stade moderne ailleurs et une équipe à la hauteur pour jouer sur sa pelouse, le Standard pourra commencer à écrire une nouvelle page de sa légende. On peut quand même avoir un bâtiment beaucoup plus attrayant que celui-ci, non ?

Cet aspect émotionnel a-t-il joué ?

Evidemment. C’est pour cela que nous avons étudié en profondeur la possibilité de rester à Sclessin. Mais le club devait passer au-dessus de l’émotion pour avoir une chance de progresser encore. Nous ne quitterons pas cet environnement sans un gros pincement au c£ur, mais si on s’arrête à l’aspect émotionnel, on n’avance pas. Le Standard doit essayer d’accrocher le wagon européen. Pas le top mais le subtop. Si on ne fait pas le maximum pour monter dans le train, ce club risque de ne plus exister dans 10 ou 15 ans. Et pour réaliser nos ambitions, nous n’avons pas le choix : il nous faut un nouvel outil, adapté aux réalités d’aujourd’hui. On ne grandit pas en se concentrant exclusivement sur le sportif ; l’extra-sportif est aussi primordial.

Récupérer la fresque de Claessen

En attendant, des supporters râlent !

Je les comprends. Tout comme je comprends les commerçants installés autour de notre stade. Ils perdront de l’argent quand nous déménagerons mais d’autres personnes commenceront à bien gagner leur vie. Il n’y aura pas que des malheureux dans l’histoire, vous savez…

Revenons aux supporters : vous croyez qu’ils oublieront vite Sclessin si le Standard s’installe au sommet ?

Je ne sais pas. Mais je connais un chiffre : il y a quelques années, le Standard n’attirait plus que 10 à 12.000 personnes parce que les résultats ne suivaient pas. C’était pourtant à Sclessin, dans le stade de c£ur des supporters. Je prends maintenant le problème par l’autre côté : si le Standard s’élève au sommet, les gens le suivront. Même si c’est ailleurs qu’à Sclessin.

Que deviendra la fresque de Roger Claessen qui garnit aujourd’hui la façade principale ? Et les milliers de carrelages sponsorisés par des supporters ?

Nous essayerons de tout replacer dans le nouveau stade.

Vous avez rencontré des gens de la Ville, la semaine dernière. Qu’en est-il ressorti ?

Que la Ville est à fond derrière notre projet. C’est tout ce qui compte.

Quelle est la prochaine étape de votre projet ?

Un bureau d’études – qui reste à désigner – va analyser les potentialités de plusieurs sites. La loi européenne exige ce genre d’étude. Quand nous aurons reçu le rapport du bureau, nous trancherons pour un site. Ensuite, il y aura une étude d’incidence qui devra révéler les répercussions sur le quartier de la construction d’un stade.

Votre projet est-il directement lié au projet d’organisation de la Coupe du Monde 2018 en Belgique ?

Non, pas directement. Le projet d’Alain Courtois – qui a pour moi toutes les chances d’aboutir – nous permet d’obtenir une aide de la Loterie Nationale pour le financement de l’étude des différents sites retenus. Mais nous n’avons pas attendu le projet du Mondial pour envisager la construction d’un nouveau stade pour le Standard. Coupe du Monde ou pas, nous avions décidé de bouger.

Deux sites semblent retenus en priorité : Wandre et Glain.

Ce ne sont que deux possibilités parmi d’autres. Il y a un grand terrain derrière le Cora de Rocourt, nous pensons aussi à Bierset et à Ans. Et nous étudierons encore d’autres endroits.

Il y a déjà un projet bien avancé de centre hospitalier à Glain : c’est un problème !

Mais non… Il y a de la place pour tout le monde. Le site de Glain s’étend sur 40 hectares. Avec 12 à 14 hectares, nous avons assez. A Sclessin, nous avons 6 hectares. Avec deux fois plus, on peut faire quelque chose de très bien.

Le Standard financera tout pour rester maître chez lui

Comment financerez-vous la construction de votre stade ? Y aura-t-il des fonds publics ?

Le stade en lui-même aura un financement 100 % privé. Le Standard payera, avec des investisseurs à trouver. C’est notre volonté. En ne demandant pas d’aides publiques, nous aurons la garantie de rester maîtres chez nous. Cela nous permettra d’aménager le stade que nous avons en tête, d’en avoir l’usufruit exclusif, de le gérer comme nous le souhaitons. Evidemment, nous ne refuserons pas des aides de la Ville, de la Province et de la Région pour l’aménagement de l’infrastructure extérieure au stade, pour tout ce qui est mobilité et logistique.

Le Standard avait pourtant accepté l’aide massive de la Province et de la Région pour la transformation de son stade en vue de l’EURO 2000.

Oui, mais le public ne nous a pas offert tous les travaux. Aujourd’hui encore, nous remboursons la Région.

Robert Louis-Dreyfus financera-t-il une partie des travaux ?

C’est possible mais pas certain.

Le Standard aura-t-il un Stade Robert Louis-Dreyfus après son Académie Robert Louis-Dreyfus ?

La dénomination du stade n’a pas encore été évoquée dans nos discussions. Il pourrait porter le nom d’un sponsor.

Robert Louis-Dreyfus est un sponsor du Standard…

Un mécène, pas un sponsor. Mais aujourd’hui, il n’intervient plus du tout dans le financement du club.

Il a quand même financé une partie de la construction de l’Académie, non ?

Non. La Région a participé à hauteur de 5 millions et le Standard a payé les 10 millions restants.

Combien coûtera le stade que vous avez en tête ?

Environ 80 millions pour le stade lui-même. Et on arriverait à 100 millions avec les constructions qui l’entoureraient. Rien n’est encore décidé à ce niveau-là mais il pourrait y avoir des commerces, un hôtel – à l’extérieur ou à l’intérieur du stade -, une patinoire, un parc d’attractions, etc. Ces constructions ne seraient évidemment pas financées par le club mais par des investisseurs privés.

Vous voulez un stade de 40.000 places : pourquoi pas 30.000, pourquoi pas 50.000 ?

40.000 places, c’est le minimum pour pouvoir accueillir des matches du Mondial. Il faut aussi ce nombre de sièges si le Standard veut continuer à grandir. Voir plus grand, ça deviendrait de l’inconscience. Ce club a le potentiel pour attirer régulièrement 40.000 personnes. Si on avait fait une étude il y a 10 ans, on aurait peut-être évalué notre potentiel à 30.000 supporters. Aujourd’hui, on arrive au chiffre de 40.000.

Une cathédrale. Une cuvette avant-gardiste. Eventuellement une touche d’art

Quel style de stade voulez-vous ?

Une cuvette. Une architecture avant-gardiste. Et éventuellement de l’art, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Ce stade devra aussi être multifonctionnel. On devrait pouvoir y organiser des concerts, il comprendra des restaurants. Et on pourrait imaginer que les loges soient carrément vendues, que leurs propriétaires puissent les occuper quand ils le souhaiteront. Nous voulons que le nouveau stade du Standard soit une espèce de cathédrale, un monument incontournable de la ville, une pièce en vue de son patrimoine. Au même titre que la gare rénovée. Il nous faut un stade qui sorte de l’ordinaire. Si c’est pour jouer petit bras et faire la même chose que beaucoup d’autres, ça ne m’intéresse pas.

Vous pensez à des aménagements très particuliers ? Un toit sur l’ensemble du stade ? Une pelouse coulissante ?

Ni l’un, ni l’autre. Tous les stades que l’on peut couvrir entièrement ont des problèmes d’aération de leur pelouse. Et s’il faut la sortir de temps en temps comme à Schalke, ça prend deux jours. Ce n’est pas une bonne solution. Nous voulons un stade pratique au niveau de l’entretien.

Quels sont les exemples dont vous vous inspirerez ?

J’aime bien le stade de Porto pour son architecture et la ventilation parfaite de sa pelouse. Celui du Bayern pour le côté très moderne de ses façades et ses parkings souterrains. Celui d’Arsenal, qui n’est pas le plus réussi d’un point de vue architectural mais permet d’avoir une ambiance exceptionnelle grâce à sa forme de cuvette, ses tribunes fort pentues et très proches du terrain. Et celui de Berne, qui n’est pas très grand (30.000 places) mais est très bien conçu avec beaucoup d’activités commerciales autour.

Vous connaissez tous les grands stades en Europe : quel est le plus chaleureux ?

San Siro. Quand vous mettez 80.000 personnes dans une cuvette pareille, ça déménage. Manchester United est très bien aussi mais c’est un stade où on a fait beaucoup d’ajouts et ce n’est certainement pas le plus beau.

Quel est le plus beau ?

Les stades de Porto et du Bayern me font une très forte impression.

Le plus cher ?

Sans doute le nouveau Wembley et celui du Bayern.

Le plus fonctionnel ?

Ceux du Bayern et de Porto. Celui de Benfica est très bien aussi.

Quand votre stade sera-t-il prêt ?

2012 serait idéal. Cette année va être consacrée à l’étude des sites. En 2009, nous nous occuperons des plans et des demandes d’autorisations. Nous aimerions avoir les plans définitifs et tous les accords fin 2009, début 2010. Et je compte environ deux ans pour la construction. Donc, le Standard devrait pouvoir occuper son nouveau stade en 2012, au plus tard en 2013.

Qui va le dessiner ? On cite le bureau suisse d’architectes Herzog & de Meuron. Celui qui a conçu le stade du Bayern et le stade olympique de Pékin : un ténor !

Herzog & de Meuron est effectivement une possibilité. Des membres du conseil d’administration du Standard connaissent des personnes de ce bureau et nous leur avons déjà parlé de notre projet. Mais ce n’est pas une exclusive. Nous pourrions aussi choisir des architectes belges. Ou opter pour une association de plusieurs bureaux.

Que deviendra le stade actuel ?

Le site nous appartient et nous le vendrons. Il vaut entre 15 et 20 millions. Une toute petite partie de cette somme servira à rembourser ce que nous devons encore pour les travaux de transformation pré-EURO 2000. Le reste, nous le consacrerons évidemment au financement du nouveau stade.

par pierre danvoye – photos: reporters/ hamers

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