« Mes objectifs »

Il vise le Tour de France mais ne boude pas le printemps : s’il se sent bien, l’Espagnol tentera d’arracher La Doyenne.

La saison dernière, celui qui est sans doute le coureur le plus complet du moment, Alejandro Valverde (28 ans), a remporté Liège-Bastogne-Liège, la Clásica San Sebastián, le Dauphiné Libéré, le championnat d’Espagne et la première étape du Tour comme de la Vuelta. Face à nous, un homme empreint d’assurance mais aussi méfiant. Il se cabre quand nous abordons le dopage et l’ Operación Puerto, casés en fin d’entrevue par prudence. Les journalistes ibériques n’aborderont même pas le thème.

Votre préparation hivernale a été plus tranquille. Quelle est votre forme avant les classiques ardennaises ?

Alejandro Valverde : Aussi bonne que l’année dernière, d’après les tests et les entraînements de groupe. Je ne roule jamais beaucoup de kilomètres en hiver. Pédaler six heures, ce n’est pas mon truc. J’ai entamé la saison avec un surplus d’un kilo.

Plus jeune, vous étiez lourd, si l’on en croit votre mère ?

Je pesais dix kilos de plus ! En Espoirs, je me suis adonné au jogging en hiver et mon métabolisme a changé. Sans commettre d’excès, je peux manger ce que je veux sans trop grossir. Même cet hiver, alors que mon approche a été encore plus relax que dans le passé.

Pourquoi ?

Parce que je veux être au sommet de ma forme en juillet. Le Tour constitue mon objectif principal. Je veux y gagner au moins trois étapes. Je roule moins pendant le printemps. J’ai limité mon programme au Tour du Haut Var, la Clásica de Almería, Chôlet, Le Critérium international, le GP Indurain, la Clásica Amorebieta, la Gold Race, la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège. Le Tour de Catalogne et le Dauphiné Libéré me permettront de préparer spécifiquement le Tour.

Voulez-vous jouer un rôle de premier plan dans La Doyenne, que vous avez gagnée en 2008 ?

Si je me sens bien, je veux terminer en tête, sans que ce soit un objectif en soi. Liège-Bastogne-Liège est une belle course mais je suis déjà monté trois fois sur le podium : deux fois sur la première marche, une fois sur la deuxième.

Comme Perico et Indurain

Il y a quelques années, vous affirmiez que Milan-Sanremo était la plus belle classique…

Comme Liège-Bastogne-Liège, elle est une véritable classique, dotée d’une riche histoire. J’aimerais l’ajouter à mon palmarès mais je suis suffisamment réaliste pour comprendre que le parcours devrait être plus sélectif pour m’offrir une chance.

Beaucoup d’observateurs estiment que vous gaspillez votre talent en ne vous focalisant pas sur les grandes courses d’un jour. Qu’en pensez-vous ?

Je peux certainement gagner d’autres classiques mais je me suis fixé de nouveaux objectifs. Je veux remporter un grand tour, de préférence celui de France. Gamin, fervent supporter de Pedro Delgado et d’Indurain, je le suivais à la télévision. J’aurais enterré ce rêve si j’avais su n’avoir aucune chance de le concrétiser mais ce n’est pas le cas, même si le défi est énorme.

On doute de vous car vous avez toujours un mauvais jour dans les courses de trois semaines.

L’année dernière, j’ai chuté et j’ai très mal dormi deux ou trois nuits. J’étais très fatigué. J’ai retrouvé un niveau élevé après le Tour. Cette chute a été la cause de mes prestations plus médiocres. J’ai déjà eu des jours moindres mais de là à être vraiment mauvais ? Je ne perds pas plus de dix minutes dans une étape. Peut-être deux ou trois minutes, pas plus. J’ai été troisième de la Vuelta en 2003, deuxième en 2006 et la saison passée, j’aurais réussi sans cette horrible drache en Cantabrie.

Votre directeur d’équipe, Eusebio Unzué, était pour le moins fâché que vous vous soyez laissé surprendre par le froid.

J’ai commis une erreur mais c’est aussi facile à juger de l’extérieur. Quand on roule, tout est moins évident qu’il n’y paraît.

Plus discret au Tour

Vous avez terminé les deux derniers tours à la sixième puis à la neuvième place. Lutter pour la victoire représente un cap supplémentaire. Pourquoi réussiriez-vous cette année alors qu’Alberto Contador en sera ?

D’abord parce que le Tour est mon principal objectif. J’ai davantage de temps pour reconnaître les étapes de montagne. Ensuite, il n’y a pas de longs contre-la-montre. J’ai progressé dans cette discipline et je peux faire jeu égal avec mes principaux concurrents sur 30 à 35 kilomètres. Mentalement et physiquement, j’ai un an de plus et surtout, j’ai vraiment envie de casser la baraque.

Quant à Contador, il a été très fort à la dernière Vuelta. Il s’y est préparé deux mois, il était ultra motivé alors que je venais d’achever le Tour et n’avait pas envie de rouler encore le Tour d’Espagne. J’ai raté le podium de peu malgré tout. Donc, il n’y avait pas beaucoup de différence entre Contador et moi. Le contre-la-montre en côte de Puerto de Navacerrada, lors de l’avant-dernière journée, l’a illustré. Je lui ai concédé peu de temps. Je ne vois pas d’adversaires beaucoup plus costauds que Contador au Tour. Je suis donc motivé à 100 %.

Que pensez-vous du retour de Lance Armstrong ?

Phénoménal. Son retour attire l’attention, ce qui fait oublier des choses moins positives dont on a exagéré l’importance. S’il participe au Tour, cela me fait un rival de plus mais si vous me demandez de pointer un favori, je choisirai quand même Contador.

Vous considérez votre victoire d’étape 2005, à Courchevel, devant Armstrong, comme la plus belle de votre carrière.

C’était mon premier Tour, j’y ai gagné la première étape de montagne et battu l’homme qui avait déjà remporté le Tour à six reprises et aurait aimé s’adjuger cette étape.

Est-ce le jour où vous avez été le plus fort ?

Bonne question. Je n’ai pas gagné le jour où je me sentais le mieux, soit au Mondial de Hamilton en 2003. J’ai terminé deuxième derrière mon compatriote Igor Astarloa mais j’étais le meilleur.

Le Mondial constitue-t-il un objectif cette année aussi ?

J’y pense. Le parcours de Mendrisio en Suisse est lourd et devrait donc me convenir. Oscar Freire roulera dans son jardin et dans le passé, je me suis sacrifié pour lui. Je ne veux pas saborder l’unité qu’a affichée l’équipe espagnole ces dix dernières années mais si je suis en forme, les cartes pourraient être rebattues.

Cette unité ne s’est-elle pas fissurée à Vérone l’année dernière ?

C’était une course bizarre et nous avons commis des erreurs. Aux Jeux, nous avons prouvé que nous formions toujours un bloc.

Avec 14 victoires, généralement importantes, la saison dernière a été la plus belle de votre carrière, mais l’Espagne en a peu parlé à cause de la victoire de Carlos Sastre au Tour et de Contador au Giro et à la Vuelta. Vous estimez-vous méconnu ?

Aux yeux des Espagnols, les trois grands tours ont bien plus d’aura que les autres courses. Ce n’est pas nouveau. Cependant, grâce à Oscar Freire et à Juan Antonio Flecha, la presse et le public ont découvert les classiques que les coureurs ibériques ne trouvaient pas intéressantes. Il n’est quand même pas normal que je sois le premier vainqueur espagnol de Liège-Bastogne-Liège ! Mais je ne m’estime pas méconnu. Je suis satisfait de ma saison 2008.

L’année dernière, c’est sans doute la façon dont vous avez humilié vos concurrents dans les premières étapes du Dauphiné Libéré, du Tour et de la Vuelta qui a fait impression. Au Tour, votre équipe s’est épuisée les premiers jours. Une fameuse erreur pour quelqu’un qui vise le classement final, non ?

Ces arrivées étaient taillées à ma mesure. Je peux accélérer dans un sprint en côte, là où les autres restent sur place. Je ne peux laisser tomber ces chances mais de fait, nous ne pouvons jouer les chiens fous si nous avons un objectif plus élevé. En d’autres termes, cette année, nous serons plus discrets au début du Tour.

Les droits bafoués

Que pensez-vous des whereabouts ?

Ils prennent des formes de plus en plus extrêmes. Nous devons faire avec puisque le peloton est divisé sur ce point. Je constate que dans les autres sports, son application soulève des plaintes. C’est normal car ce système est une intrusion dans votre intimité et bafoue vos droits. Si mon père ne sait pas où je suis, pourquoi un illustre inconnu le saurait-il ?

On associe souvent les succès espagnols à l’Operación Puerto. Qu’en pensez-vous ?

C’est regrettable. Je ne réponds plus à ce genre de questions. C’est l’avenir qui m’intéresse, pas le passé.

Qu’avez-vous ressenti quand les noms Valv et Piti ont été cités ?

Pas de réponse.

On a écrit que vous étiez protégé même par l’Opus Dei. Votre réaction ?

C’est fou ! Je ne sais même pas en quoi consiste l’Opus Dei.

Quand serez-vous satisfait de votre saison ?

Ma santé est l’essentiel. J’espère que la chance sera à mes côtés au Tour et que je pourrai me battre pour une place sur le podium.

par roel van den broeck

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