» Mes casseroles, mes cicatrices… « 

Sa personnalité controversée, ses clashes ou ses sorties médiatiques réputées… Le Montois n’élude aucun sujet et s’exprime avec un franc-parler qui fait du bien.

Le palmarès n’est pas bien gras, l’arabesque plutôt rare et pourtant le personnage laisse peu de monde indifférent. Benjamin Nicaise, depuis son arrivée en Belgique en 2007, s’est construit auprès de certains une image de mauvais garçon des terrains et des à-côtés alors que d’autres avancent plutôt celle d’un homme intègre. Une sorte de Canto du pauvre ou de la Jupiler League, c’est selon. Nicaise a aussi le mérite (non négligeable) de vous mâcher le travail. Raccord ou non avec ses opinions, celles-ci ont le mérite d’exister, et d’être assumées. Ce qui est loin d’être toujours le cas….

Atypique

Au lieu de Rohff, Fast and Furious 4, et des vacances à Miami, tu préfères écouter Alain Bashung, regarder  » Into the Wild  » et explorer l’Asie en sac à dos. Tu te considères comme atypique pour un footballeur ?

En un été, j’avais fait le tour des vacances en club et des musiques d’été. J’avais compris à 20 ans que ce n’était pas ce que j’avais envie de faire les 10 prochaines années de ma vie… Oui, je dois être atypique au sein d’un milieu qui est bien trop aseptisé, en grande partie à cause des enjeux financiers. J’ai aussi la chance d’être né à Paris et d’avoir eu des parents (un père jardinier et une mère comptable) qui m’ont ouvert à certaines choses. Il faut aussi rappeler qu’environ 80 % des footballeurs proviennent de milieux défavorisés, et n’ont peut-être pas toutes les portes qui s’ouvrent à eux. Le foot reste avec l’Euromillions une des rares possibilités pour monter dans l’ascenseur social.

Bölöni

Que retiens-tu de Laszlo Bölöni ?

Il correspond à la plus grande déception de ma carrière. Avec le recul, je ne comprends toujours pas pourquoi je n’ai pas eu ma chance. Après le départ de Fellaini, on a placé Witsel dans le milieu. Après, c’était au tour de Mangala de prendre sa place, on a fait venir Dacourt quand Defour s’est blessé… On trouvait toujours une solution pour ne pas me faire jouer. Et vu que les joueurs sont prétentieux dans les journaux : j’avais ma place au Standard. C’est une de mes cicatrices, je ne vais pas le cacher. D’autant que Bölöni, je l’avais connu il y a plus de dix ans, il m’avait même fait passer du centre de formation chez les pros. Quand je l’ai retrouvé à Liège, il se rappelait même du match qui l’avait décidé à me faire faire le grand saut. Par contre, quand j’allais le voir quelques jours après une bonne prestation avec le Standard, il me répondait qu’il ne se rappelait déjà plus de mon match, qu’il pensait au prochain…

Sa personnalité te dérangeait ?

Non pas du tout, je n’ai rien contre l’homme. De plus, c’est un très bon entraîneur.

Centre de formation

Tu as émis des critiques par rapport aux centres de formation français, qui formaient des joueurs un peu trop semblables.

Il y a du bon et du moins bon. Quand t’arrives à 12 ans et que tu en repars à 18 ans sans passer pro, tu es brisé, ton rêve s’est transformé en cauchemar. Beaucoup errent alors jusqu’à 30 ans dans des petits clubs, sans penser reconversion, sans bagage. A Nancy, on nous obligeait à avoir un diplôme, mais je ne pense pas que c’était la norme ailleurs. Moi je suis arrivé à 17 ans dans un centre de formation, je n’ai donc pas eu l’écolage classique. A 12 ans, Lille voulait me prendre mais mes parents n’ont même pas répondu à l’invitation, je ne l’ai su que plus tard. Reste que cette formation manque à la Belgique. Il suffit de voir le nombre de joueurs moyens qui y ont réussi : moi, Ragued, Oulmers, Gorius, Camus, etc, je peux t’en citer une dizaine comme ça. Faut en déduire que soit les joueurs français sont bien formés, soit le niveau belge n’est pas terrible. La vérité doit être quelque part entre les deux.

Dominique D’Onofrio

Tu avais été l’un des seuls l’an dernier à t’étonner de son maintien comme coach à la tête du Standard.

J’étais le seul parce que beaucoup de joueurs ont peur de s’exprimer sur ce sujet… Mais là encore, je n’ai rien de personnel à lui reprocher. Quand Bölöni est parti, il m’a fait jouer tous les matches jusqu’à celui face à Genk où je ne faisais plus parie du groupe. Motif : place aux jeunes. J’avais compris qu’on ne me ferait plus confiance.

Tu as le sentiment que c’est un bon coach ?

Par rapport à ceux que j’ai connus, non c’était pas un des meilleurs, c’est clair. Est-ce que j’en ai connu des pires ? ( silence) Il y en a sans doute eu ( il rit).

Erreur

Aujourd’hui, quelle erreur regrettes-tu dans ta carrière ?

C’est compliqué car on peut toujours tout remettre en question. Je crois quand même que j’aurais mieux fait, dans le choix de certains clubs, de davantage privilégier mon feeling. J’ai trop fonctionné en termes de durée de contrat et mes choix de raison ne se sont pas très bien déroulés. Comme pour mon passage de Metz à Amiens ou celui du Standard au Lierse.

Fêtard

Te considères-tu comme un fêtard ?

Oui. J’aime la vie. Donc, à partir du moment où j’estime avoir fait correctement mon boulot, je m’accorde des plages pour décompresser. Je ne suis pas le dernier à sortir avec les potes, ou à me rendre à des festivals. Si le lendemain j’ai repos, je ne vois pas où est le problème. Ça fait 12 ans que je suis dans le milieu pro, si j’étais davantage qu’un fêtard, je n’en serais pas là. Par contre, je suis pas bling bling, les coins VIP dans les discothèques c’est pas trop mon trip. De temps en temps, ça m’arrive avec d’autres joueurs, mais je préfère clairement le truc simple, chaleureux.

Grande gueule

Te considères-tu comme une grande gueule ?

A partir du moment où t’es atypique et que tu dis des trucs un tant soit peu différents de ce qui se dit dans le football, alors oui t’es catalogué comme une grande gueule. Et pourtant, je n’ai pas l’impression de dire des choses extraordinaires. Mais c’est vrai que quand j’ai un point de vue, j’essaie de le défendre. Je ne fais pas ce qu’il faut pour rentrer dans le rang.

Aujourd’hui, tu ne le regrettes pas ?

Être un mouton et gagner le double de ce que j’ai pu gagner jusqu’à présent ? Non. Je ne suis pas malheureux. Par contre, aux jeunes qui veulent gagner de l’argent, je leur conseille d’être un béni-oui-oui.

Humour

Plutôt pince-sans-rire non ?

Malheureusement, tout le monde ne le comprend pas ( il rit). Mais c’est vrai que j’aime bien charrier, j’aime qu’un vestiaire vive. Mais la blague du pot de sel dévissé à table, très peu pour moi, l’humour pouet-pouet non plus.

Pas le même humour que Ribéry ?

J’ai joué avec lui et je confirme c’est pas le même humour ( il rit). Enfin bon, il en faut pour tous les goûts…

Image

Tu penses avoir une mauvaise image dans le foot belge ?

L’image du dur, ça m’agace un peu, je trouve ça réducteur. L’année passée, à la suite de mes problèmes au Lierse, j’ai préféré me taire que de répondre aux attaques, car je savais que l’idée des gens à mon propos était de toute façon arrêtée.

Après plusieurs accrochages, n’as-tu pas le sentiment d’être responsable de cette image ?

Qu’est-ce que je dois répondre à ça ? J’en connais d’autres qui ont fait aussi bien que moi…. ou aussi mal… L’arbitrage ? Ça devrait être encore difficile cette année car on est un petit club et que plusieurs joueurs sont encore gentils pour la D1. Je risque donc d’endosser à nouveau le mauvais rôle. Mais c’est pas un problème si à la fin de la saison le président est encore en D1 et qu’il est content. Dans tous les clubs où je suis arrivé, on m’a dit qu’on avait besoin d’un mec qui bouge un peu…. Après, on n’est pas content quand ça bouge trop. Faut savoir aussi ce qu’on veut.

Jovanovic

Que penses-tu de son retour en Belgique après l’échec de Liverpool ?

C’est un bon joueur… Mais les médias ont tendance à en faire trop. Ce matin (lisez mercredi dernier), j’ai lu un article au titre  » les joueurs sont-ils surcotés « . Je me suis dit- Enfin les journalistes se posent la question. Mbokani a un talent comme je n’en rencontrerai plus jamais : il était le seul pour moi qui avait une réelle valeur ; malheureusement il n’a pas choisi le meilleur club. Les autres, Jovanovic, Witsel, Defour, étaient surcotés. C’est pas une critique, c’est une analyse à partir de faits. Ce sont de bons joueurs mais de là à les envoyer dans les plus grands clubs, il y a une marge.

Kafkaïen

Qu’est-ce qui te semble le plus absurde dans le foot belge ?

Les play-offs. C’est surréaliste ! Au début de ma carrière, je faisais toujours quatre-cinq touches de balle et mon coach me disait : – Nicaise c’est… pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Eh bien, le football belge devrait faire moins de touches de balle. Mais avec les play-offs, on préfère tout compliquer. D’ailleurs, je ne vois pas ce que ce système apporte en termes de jeu. Assister à un Standard champion, voir une équipe qui n’a rien fait pendant 6 mois devenir championne sur dix matches, voilà qui aurait été merveilleux…

Leone

Quelle relation as-tu avec le président montois, Dominique Leone ?

Ce n’est pas quelqu’un que je connais bien car je ne suis pas du genre à copiner avec mes supérieurs, je me mets des barrières. Mon rôle, c’est de faire mon boulot sur la pelouse, rien de plus. En tous cas, heureusement qu’il est là sinon il n’y aurait plus de foot à Mons. Et heureusement que le club est monté car financièrement une nouvelle année en D2 aurait été une catastrophe. Maintenant, essayons de maintenir ce club une paire d’années parmi l’élite.

Mons

Trois ans après avoir quitté le club, quelles sont tes impressions ?

Mons a bien changé, dans un sens positif. Le club semble plus serein, les choix sont plus réfléchis que lors de mon premier passage où la part d’émotionnel était trop importante. J’ai vraiment une grosse envie de m’inscrire dans le nouveau projet.

Nicaise

Le vrai Nicaise, c’est qui ?

Quelqu’un qui traîne deux, trois casseroles, deux, trois cicatrices. Mais je commence à trouver mon équilibre. Un de tes confrères avait écrit que j’avais un besoin de reconnaissance. Il avait vu juste. Aigri ? Oui, un peu, par rapport à ce qui a été écrit sur moi, par rapport à ma carrière aussi. Il existe deux façons de voir les choses : soit tu regardes derrière toi et tu te satisfais de ton parcours, soit tu regardes devant toi et tu te dis que tu n’y es pas et qu’il y a encore pas mal de choses à faire. J’ai plutôt tendance à choisir la deuxième.

Off

Balancer publiquement ce qui dans le foot est souvent considéré comme du off t’a-t-il été néfaste ?

Je pense bien. Dans le foot, il faut connaître le système, ses règles. Je l’ai surement ouverte parfois trop fort. Et encore, j’en garde sous la semelle ( il rit). A la fin de ma carrière, j’écrirai un bouquin – que personne ne lira ( il rit) – où je lâcherai tout.

Preud’homme

Il est celui qui t’a amené au Standard, il te voulait encore à Gand. Est-ce une déception de n’avoir jamais travaillé avec lui ?

Oui, c’en est une. Il m’a appelé aussi quand il était à Twente. Mais alors que j’étais déjà dans le noyau B, le Standard demandait une somme de transfert. Malheureusement, il ne m’a pas appelé cet été pour Al-Shabab. Si ça avait été le cas, j’aurais racheté mon contrat et je l’aurais rejoint sans hésiter. Il ne faut pas être hypocrite, un transfert dans le Golfe, ça ne se refuse pas. De plus, j’y aurais retrouvé Emilio Ferrera que j’ai côtoyé en Grèce et que j’apprécie particulièrement.

Question

La question la plus stupide ou étrange que l’on t’a posée ?

La question la plus débile que vous posez sans cesse : Alors content d’avoir gagné ? On devrait répondre : – Non, non, on était venu pour perdre. Malheureusement l’attaquant l’a mis au fond des filets.

Riga

Quel jugement portes-tu sur José Riga ?

Il m’a apporté la confiance, a donné un second souffle à ma carrière. Et puis, c’est un bon entraîneur, qui ne prend pas de décision hâtive, qui évalue les situations. Humainement, c’est aussi quelqu’un que je respecte, de droit dans ses bottes.

Standard

Que symbolise à tes yeux le Standard ?

Un club fabuleux, avec une histoire, une atmosphère particulière. Tout est bien structuré, très pro, même chez les jeunes. Pour un joueur de foot, c’est la Rolls-Royce du championnat de Belgique. Et puis, ses supporters, c’est un truc de barjots. Si j’avais pu terminer ma carrière dans ce club, je n’aurais pas hésité. Mais mes deux années resteront une belle période… malgré tout.

Tomasz

Un message à Radzinski ?

Pas vraiment, non. Enfin si. C’est vraiment dommage qu’il quitte le monde du football après tout ce qu’il a apporté à ce sport. A 37 ans, il aurait pu encore faire rêver le championnat de Belgique pendant au moins trois ans. J’aurais tant aimé avoir sa carrière et surtout être humainement comme lui…

Il t’a saboté au Lierse ?

Pas que moi. La bagarre ? Eh bien, quand un club vit bien, ce genre de situation arrive une à deux fois par mois. Au Standard, quand on a été champion, c’était le cas par exemple.

Ultras

Les irréductibles du Standard t’ont souvent témoigné beaucoup de soutien. Comment l’expliques-tu alors que tu n’étais pas le joueur le plus clinquant ?

Je crois que le fait de me voir dans la rue, de pouvoir m’arrêter, de discuter : ils se rendaient compte que j’avais du respect pour eux. Et même si je n’étais pas Zidane, ils pouvaient s’identifier à moi sur le terrain, car je mouillais le maillot, comme eux le font en tribune. Par contre, je n’étais pas du genre à les applaudir tout seul pendant un quart d’heure. Ceux pour qui c’est récurrent le font par pure récupération. Il m’arrivait de les saluer mais alors avec toute l’équipe.

Vedettes

Qui sont les premiers responsables de la starification excessive du footballeur ?

L’argent est évidemment responsable. Puis les médias et le public qui suit. Le joueur ? Quand t’as 20 ans et que tu gagnes beaucoup d’argent, y a de quoi prendre la grosse tête, et exhiber sa fortune. Moi, je n’ai jamais fonctionné comme ça : j’ai une vieille voiture pourrie qui a 7 ans mais qui roule bien. Au Standard, j’avais une Smart. J’en vois avec d’autres bagnoles, c’est clair, et ça me fait parfois sourire. J’espère seulement qu’ils assurent leurs arrières. Car y en a beaucoup qui se crashent…

Wilfried

Wilfried Dalmat est un de tes rares amis dans le foot ?

Oui. En 12 ans chez les pros, on change souvent de club, on ne s’attache pas. Wilfried, lui, j’ai pu le côtoyer à Mons, au Standard. Je sais que l’an dernier à Bruges, il n’était pas bien. Il passe pour quelqu’un de nonchalant, c’est vrai. Il vient des îles, on ne se refait pas. Aujourd’hui, il est en Turquie, et j’ai moins de nouvelles, même si j’ai eu récemment sa femme au téléphone.

Xtrême

T’es du genre à vivre dangereusement ?

J’aime bien les sports extrêmes mais comme j’ai le vertige, ça me freine pour pas mal de trucs. Dans la vie de tous les jours, par contre, je suis plutôt du genre à réfléchir à l’avenir. C’est pourquoi, je suis des cours de gestion du sport par correspondance. Je passe en deuxième année. Avec comme optique de travailler plus tard au sein d’un club pro.

Yoyo

Pourquoi avoir choisi Mogi Bayat après être passé chez plein d’agents avant ?

Je n’avais jamais véritablement collaboré avec eux. Avec Mogi bien, et c’est la première fois que je rencontre quelqu’un d’aussi efficace. Quand j’ai eu mes problèmes au Lierse, il m’a trouvé un club en Grèce en cinq jours (Panthrakikos). J’ai fait sa rencontre via Frank Defays. Sa réputation controversée ? Ce que les gens pensent de lui je m’en fous. Tout ce que je peux dire c’est que je regrette de ne pas l’avoir rencontré plus tôt. Il m’aurait facilité la tâche.

Zidane

Si je te dis que t’es l’anti-Zidane sur le terrain comme en dehors ?

Tant mieux si mes adversaires me considèrent comme un bourrin. Ça me va parfaitement, pour moi c’est plus facile. Contre le Standard, dont l’équipe se préparait depuis un mois pour la Ligue des Champions, je crois pouvoir dire qu’on m’a un peu vu alors que je n’avais plus jouer de match depuis trois mois.

Et au niveau personnalité ?

Zidane avait tout intérêt à ne rien dire pour sa carrière, ses sponsors. Moi je suis personne, si je l’ouvre cela n’aura aucune incidence majeure.

PAR THOMAS BRICMONT

 » Donofrio ne fait pas partie de mes meilleurs coaches, c’est clair. Est-ce que j’en ai connu des pires ? (silence) Il y en a sans doute eu (il rit). « 

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