« Mes 100 jours »

L’entraîneur du Standard fait les comptes, un peu plus de trois mois après sa prise de fonction.

Ce mercredi, cela fait 100 jours que l’entraîneur du Standard, José Riga, a été intronisé. Son bilan reste difficilement déchiffrable, tant il a dû jongler entre les va-et-vient et éviter les nombreux pièges d’un début de championnat rythmé par la construction d’une nouvelle équipe. En Coupe d’Europe, le Standard a sacrifié la Ligue des Champions, parce que l’équipe n’était pas encore prête et qu’elle savait que derrière Zurich se dressait un gros calibre. Mais, elle a assuré l’essentiel en éliminant Helsingborg pour atteindre la phase des poules de l’Europa League où elle a très bien débuté (un nul à Hanovre et une victoire contre Copenhague). En championnat, les Liégeois n’ont pas encore montré un visage très séduisant, très friable en déplacement (défaites à Genk et Gand, partages à Mons et au Beerschot) mais solide à domicile.

Après 100 jours, l’heure est donc au premier bilan et l’entraîneur du Standard a accepté, pour Sport/Foot Magazine, de répondre aux interrogations.

La méthode et la gestion des transferts :  » J’ai vraiment commencé mon travail de construction fin août « 

Certains doutaient de sa capacité à gérer un groupe composé de stars. Certains pensaient qu’il était trop policé. Pourtant, derrière le respect que Riga marque pour la presse ou ses joueurs, il n’en demeure pas moins habité par ses convictions et sait fédérer autour d’un projet, quitte à pousser une gueulante comme la veille du match d’Europa League, face à Copenhague, après avoir jugé le contenu de l’entraînement médiocre. Il sait aussi faire preuve d’intransigeance quand il le faut, comme lorsqu’il écarta Steven Defour ou Eliaquim Mangala qu’il jugeait trop préoccupés par leur transfert.

Pendant un mois et demi, le groupe a été pollué par les rumeurs de transferts et l’incertitude qui planait sur l’avenir de certains joueurs. Malgré cela, Riga, pour qui reprendre le Standard aurait pu s’avérer un cadeau empoisonné, a très bien limité la casse au mois d’août.

 » J’ai géré cette période en prenant mes responsabilités comme en n’utilisant pas Defour ou Mangala sur certaines ren-contres. Je l’ai fait car je l’estimais nécessaire. On ne peut pas quand on est au Standard tenir un discours du style – Je m’entraîne mais je ne suis pas sûr d’être concentré à 100 % sur le Standard. Je n’ai jamais eu de double discours vis-à-vis du groupe. J’ai toujours été clair. C’était le plus important. Mais ce n’est jamais facile d’être confronté à ce genre de situations, surtout quand il s’agit de joueurs aussi représentatifs. Cela explique que j’ai eu le sentiment d’avoir vraiment commencé mon travail de construction d’équipe fin août. De plus, les matches se sont rapidement enchaînés. Je n’ai jamais pu tirer des enseignements des matches amicaux puisque je me disais que tel ou tel pouvait partir ou rester. Le mot préparation signifie mettre en place une équipe pour être prêt. Et là, ce n’était pas le cas. Ce manque de temps a été préjudiciable. On a donc commencé à enchaîner les compétitions en ayant toute une série d’incertitudes, sur la valeur des joueurs acquis, sur leur état de forme, etc. Et le fait qu’on soit engagé sur les trois fronts a constitué une autre difficulté. Heureuse mais difficulté quand même. Car au bout du compte, les matches servaient d’entraînement puisqu’on était toujours deux jours avant une autre rencontre. Systématiquement, on rentrait dans une routine qui ne permettait pas d’aller en profondeur dans les gestes ou les automatismes.  »

Le mouvement d’humeurs des joueurs :  » Je ne fais pas de promesses « .

Outre les départs, Riga a également dû composer avec le mouvement d’humeurs de joueurs désirant partir comme Sinan Bolat, Aloys Nong ou Mémé Tchité.  » Les gens ne se sont pas aperçus de la situation mais, à la fin du mercato, quand un incendie s’éteignait, un autre s’allumait. J’ai essayé de garder une idée bien arrêtée : compter sur ceux qui voulaient rester et avaient donné leur adhésion au nouveau projet. Pour Mémé Tchité, la situation était un peu différente. On savait qu’il pouvait être sur le départ et je peux concevoir qu’il ait des états d’âme quand il voyait que les joueurs les plus cotés de l’équipe partaient et que lui restait. D’autant plus que, lui, il avait des offres concrètes ! Il a fallu parler avec tous ces joueurs. Il y avait des choses que je ne jugeais pas suffisantes et je devais les pousser à changer leur comportement, tout en leur faisant comprendre ce qu’on voulait mettre en place.  »

Seul finalement, Christian Benteke n’a pas été convaincu par le projet.  » C’est vrai mais il s’est passé des choses avant que j’arrive. Il y a des choses anciennes contre lesquelles je ne voulais pas lutter. Au risque de rentrer dans des formes de promesses. Moi, des promesses, je n’en fais pas car je ne suis jamais sûr de pouvoir les tenir. On ne peut pas savoir si un joueur va tenir son niveau et être capable d’enchaîner les prestations. Moi, à un moment donné, je sais que cela ne sert à rien de garder quelqu’un juste pour le garder. Je voulais vraiment que ceux qui restent aient envie de travailler au Standard.  »

La période de transition :  » On est en plein dedans « 

Dès son arrivée, Riga a été confronté aux ambitions des dirigeants, désireux de faire peau neuve dans le noyau. Pour ne pas mettre trop de pression sur l’entraîneur et face aux réalités du mercato, le président a évoqué une saison de transition.  » Si je reprends le discours du président en début de saison, on entrait dans une période de transition. On est en plein dedans. Personne ne peut le nier. Transition implique le changement, qui implique l’incertitude. Mais moi, je ne suis pas venu pour dire – Bon, c’est une période de transition… et terminer à une place honorable. J’ai toujours envie de viser le plus haut possible. Ce n’est pas parce qu’on est dans une phase de reconstruction que le club ne veut pas garder son standing, son niveau de jeu, de classement et de popularité. Une fois les transferts effectués, les ambitions ont été revues à la hausse. Moi, je n’ai rien dit car j’attendais de voir le comportement des arrivées et je crois pouvoir dire qu’il faudra attendre la réaction de l’équipe pendant quelques matches avant de tirer des conclusions. On est sur le bon chemin, au niveau de l’implication aux entraînements et de l’état d’esprit mais je dois voir comment cela se traduit en compétition.  »

Si Riga a été épargné par les critiques lors du mois d’août, beaucoup attendaient la fin du mercato, le retour au calme et le mois de septembre pour émettre un premier jugement.  » Certains m’attendaient au tournant au mois de septembre mais cela ne m’inquiète pas. Moi, je vois comment j’avance. A un moment donné, le travail va payer. Je pense d’ailleurs qu’il a déjà bien payé. « 

Le jeu :  » Circulation au sol mais il ne faut pas se priver de l’impact de Van Damme « 

Riga est un apôtre du beau jeu. Dans tous les clubs qu’il a entraînés, ses résultats sont passés par le jeu. Plus qu’un autre, il sera donc jugé sur le jeu de son équipe qui doit changer ses habitudes. Petit à petit, Riga essaie donc de passer d’un jeu basé sur des longs ballons à un jeu au sol.  » La construction se fait bien. On se cherche encore dans les secteurs où il n’y a pas encore d’automatismes. Espérer que cela change du jour au lendemain alors que les habitudes étaient tout autre est un leurre. Mais on est vraiment sur le bon chemin. Moi, je ne les engueule pas s’ils envoient des longs ballons. Ils peuvent surprendre l’adversaire et il ne faut pas se priver de l’impact de Van Damme. Cependant, tous les exercices utilisés à l’entraînement sont basés sur une circulation au sol. Quand je vois les relances de Felipe ou Kanu qui cherche systématiquement l’intervalle, je me dis qu’on a déjà effectué du bon travail. « 

Le bilan européen :  » Zurich constituait un écueil qu’on aurait pu contourner « 

La déception de l’élimination face à Zurich, une équipe largement à la portée des Liégeois, a rapidement été effacée par les performances face à Helsingborg, Hanovre et Copenhague.  » Sur le premier match de Zurich, je répète qu’on l’a abordé avec nos moyens mais ceux-ci auraient dû nous permettre d’aborder le match retour avec un viatique d’au moins un but d’avance. Sur ce match, on n’a pas vraiment été servi par la chance ou l’efficacité. Le match retour n’a donc pas été abordé dans la sérénité nécessaire. Cependant, si vous me demandez si cela nous arrangeait de ne pas gagner ce match, je vous répondrai que ce n’était pas le cas. Après coup, quand on voit le comportement de l’équipe dans les autres ren-contres européennes, on doit reconnaître que Zurich constituait un écueil qu’on aurait pu contourner. « 

L’Europe constitue-t-elle pour autant l’objectif numéro un jusqu’à Noël ?  » Ce n’est pas voulu de faire passer la compétition européenne avant le championnat. Tant mieux, d’un côté, si on est bon dans le registre où il faut absolument faire des résultats, et un peu moins bon dans une compétition qui nous laisse des possibilités de rachat. Mais on ne peut pas avoir deux visages. On ne peut pas dire – Aujourd’hui, on se donne et demain pas. Je ne le cautionnerais ni ne le supporterais.  »

Le championnat :  » Si je gueule sur mes joueurs car on fait 0-0 contre le Cercle, je suis fou ! « 

En championnat, le Standard est appliqué, sans verser dans le football champagne. Cependant, on remarque encore une nette différence entre le jeu pratiqué à domicile et celui en déplacement.  » On n’a raté qu’un match : à Gand. A Genk, on a été sanctionné par rapport à ce qu’on a produit. Pour une équipe pas encore rodée, on a eu de nombreuses occasions et cette rencontre aurait pu prendre une autre tournure. Je ne connais pas beaucoup d’équipes qui ont contrôlé le Beerschot comme on l’a fait. On a oublié de faire le 0-2 mais le contenu était présent. D’autant plus qu’on sortait d’un match de Coupe d’Europe. A domicile, on reste sur quatre victoires et un match nul. Contre le Cercle, c’est incroyable de ne pas gagner ce match. On rate un penalty mais tu ne peux pas dire que tu fais un mauvais championnat parce que tu rates un penalty. Au briefing, j’ai évoqué les qualités de Baldé, Rudy, Neto, le métier d’ Iachtchouk. Au final, face à nous, je n’ai vu aucun de ces joueurs. Je n’ai pas vu Baldé mettre en péril nos deux arrières centraux, ni Pocognoli à la ramasse face à un joueur qui avait déjà inscrit cinq buts. On a eu 31 frappes et 40 centres ! Mais on rate ce penalty et moi, je dois aller au-delà du score. Si je gueule sur les joueurs parce qu’on a fait 0-0, je suis fou ! Finalement, ce qui me fait dire que le Standard n’a pas trop mal réussi sa mue, c’est que quand les adversaires viennent à Sclessin, c’est pour rester devant leur but.  »

La ligne médiane :  » Ce n’est plus un chantier. « 

L’entrejeu constituait le principal chantier à redessiner, suite aux départs de Witsel, Carcela et Defour.  » Ce n’est plus un chantier. J’ai des joueurs qui ont du potentiel et je les connais beaucoup mieux. Je sais comment utiliser chaque joueur. Quand on regarde les dernières années du Standard, on voit que les meilleurs résultats ont été acquis avec un infiltreur derrière l’attaquant, comme Igor De Camargo ou Axel Witsel le furent derrière Dieumerci Mbokani. Quelqu’un avec une capacité de course et de présence dans le rectangle. C’est peut-être ce type de profil qu’il nous manque actuellement. Un garçon comme Cyriac pourrait nous aider dans ce rôle-là.  »

Riga a également reçu ses premières critiques, suite à sa composition d’équipe à Genk, certains lui reprochant un turnover effréné.  » Je ne vais pas à Genk en me disant que je me fous de ce match et qu’il est normal de le perdre. Je veux le gagner car je suis un compétiteur. Les gens n’ont pas remarqué que derrière le turnover, il y avait une confiance en mes joueurs. Certains méritaient d’avoir une chance par rapport à ce que je voyais aux entraînements. Moi, je n’avais pas tous ces doutes-là dans ma tête. Quand j’agis de la sorte, je pense à quoi ? Je pense au fait qu’on enchaîne les matches, je pense que le banc peut faire basculer une rencontre. A Genk, imaginez qu’on ouvre le score. A 0-1, je fais entrer Van Damme qui nous apporte son impact physique et sa stratégie tant défensive qu’offensive. On m’aurait alors encensé ! J’avoue qu’il y a une donnée que j’ai mal appréciée : la présence de Van Damme en tant que meneur sur le terrain. Mais cette défaite m’a fait avancer. Et si le groupe répond majoritairement présent, c’est grâce à ce turnover. « 

Depuis le début de la saison, Riga avait pris l’habitude de jouer avec deux médians défensifs. La deuxième mi-temps contre Copenhague et la victoire contre le Lierse ont montré que le Standard pouvait gagner avec un seul numéro six.  » Même Eric Gerets reconnaît que la construction d’une équipe commence par l’arrière. Une bonne défense rassure l’entrejeu. Il fallait donc une forme de stabilité défensive. On a joué avec deux milieux défensifs mais on oublie qu’on a fait des résultats puisqu’on a gagné contre Helsingborg avec ce système, contre Courtrai ou Lokeren. A ce moment-là, on ne parlait pas de deux médians offensifs. Les reproches ne viennent que quand on perd et ils ne sont pas fondés ! Je cherche à avoir une équipe qui sache le mieux possible maîtriser son sujet et l’adversaire. Est-ce que Copenhague, la meilleure équipe de Scandinavie, se soucie de jouer avec un ou deux médians défensifs ? Est-ce que José Mourinho se soucie du fait que la majorité des buts du Real viennent sur contre ? Tout cela pour dire qu’il faut un équilibre entre l’envie de résultats et celle de tout le temps aller vers l’avant. Contre le Cercle, si on était revenu un peu plus bas, en faisant un pressing plus bas, je ne suis pas sûr qu’on n’aurait pas profité des espaces qu’on n’a jamais trouvé en les acculant devant leur but. J’ai toujours montré que j’aimais le jeu. Dans une équipe qui est bien rodée, je n’aurais aucun problème à adopter le 4-3-3, avec un triangle médian composé de deux pointes offensives. Mais, je savais que pour trouver de la confiance, de l’équilibre et des résultats, c’était un passage imposé.  »

Le manque de réalisme :  » Il manque juste un but de référence à Tchité « 

Le début de saison a également montré que le noyau regorgeait de possibilités. Sauf peut-être en défense.  » Le secteur le plus fragile : la défense. Là, il va falloir s’appuyer sur la polyvalence. Et par contre, si on prend l’axe de l’attaque, cela se bouscule. D’autant plus que ces attaquants ont le même profil. Et c’est parfois une difficulté. Mais on ne sait pas tout régler en un mercato. « 

L’attaque qui constituait un point fort des derniers play-offs, tourne pourtant au ralenti.  » Il faut se souvenir que les meilleurs buteurs du Standard, la saison passée, n’étaient pas des attaquants. J’ai perdu des garçons de la deuxième ligne qui, dans un match moyen, pouvaient faire la différence à eux seuls. Je pense à Wistel et Carcela. Deuxièmement : Cyriac avait tenu l’équipe à lui tout seul lors de la phase classique et on l’a trouvé en pleine revalidation. On a été bluffé par son entrée à Westerlo et son match à Hanovre mais on voit qu’il a besoin de souffler et qu’il est dans le contrecoup. Troisièmement : il y a Mémé Tchité, très important et parfois déterminant la saison passée mais qui a été perturbé par un départ éventuel. Mais Tchité est prêt. Il le montre à l’entraînement et il lui manque seulement un but de référence. On l’a déjà vu plus percutant contre Copenhague. Sur sa volonté et son attitude, il n’y a rien à dire. Le manque d’efficacité s’explique par tous ces paramètres. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Deux médians défensifs ? C’est un passage imposé pour trouver de la confiance, de l’équilibre et des résultats. « 

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