Merci pour l’accueil…

L’ancien attaquant de Charleroi s’éclate à Denizlispor même s’il s’est blessé en janvier.

On l’a quelque peu perdu de vue depuis son aventure malheureuse à Roulers. Pourtant, l’ancien buteur carolo, Izzet Akgül, 27 ans, a parfaitement rebondi dans le pays de ses ancêtres, la Turquie. Sur une voie de garage à Roulers, il s’est laissé séduire par le club de Denizli situé sur la côte turque, à 1 h 30 de Kusadasi. Là, après quelques semaines d’adaptation, il s’est forgé une place de titulaire, plantant six buts en six mois.

 » Cela faisait deux, trois ans que le manager sportif de Denizli me visionnait. Il a fait une proposition qui a satisfait Roulers. J’ai toujours voulu retourner en Turquie mais si j’avais su que cela tournerait de la sorte, je serais parti beaucoup plus tôt. Le championnat turc est très serré et très difficile. Le niveau n’a rien à voir avec la Belgique. Le championnat est plus physique et technique. On m’avait dit que les clubs turcs éprouvaient certaines difficultés à payer les joueurs. Moi, je n’ai rien connu de tout cela à Denizlispor. Et puis, quand tu rencontres Fenerbahçe ou Galatasaray, tu joues vraiment contre des stars. Lors de mon dernier match contre Fenerbahçe, c’est Roberto Carlos qui me tenait ! Tu es donc motivé, naturellement.  »

Arrivé par la petite porte, il s’est d’autant plus vite adapté que la culture turque ne lui est pas étrangère, lui qui est né d’un père turc et d’une mère albanaise et qui avait déjà goûté, six mois durant, aux exigences de la compétition turque, à Galatasaray en 2002-2003 avant de revenir en Belgique et de se relancer à Namur.

 » Le turc est ma langue maternelle. C’est donc un avantage quand tu arrives. De plus, j’ai encore de la famille ici et j’avais déjà joué six mois dans le championnat turc. Je savais comment cela fonctionnait. J’ai d’autant moins connu de problèmes d’adaptation que je me dis que le football, c’est toujours 22 joueurs sur un terrain et qu’il n’y a pas de place pour les peureux. Que ce soit en Belgique ou en Turquie. « 

Ambiance turque

 » Quand tu arrives au stade, il y a toujours 500 personnes qui attendent le car avec des fumigènes. Même lors des petits matches. En Belgique, à 19 h 30, il n’y a toujours personne dans certains stades. Ici, deux heures avant le match, ils sont combles. L’ambiance la plus chaude reste Galatasaray, Fenerbahçe, Besiktas. Mais à Bursaspor, c’est également très bruyant. Denizli compte des supporters plus familiaux. C’est d’ailleurs le seul stade en Turquie qui ne possède pas de grillages.

Lors de ma première rencontre, on m’a taclé à hauteur de la poitrine sans que l’arbitre ne bronche. Mon opposant m’a alors dit – Bienvenue en Turquie. Dix minutes plus tard, j’ai fait parler mes coudes dans un duel et je lui ai répondu – Merci pour l’accueil. C’est une compétition de contact mais cela ne me dérange pas car cela correspond à mon style de jeu. Au début, je n’entrais pas trop dans les plans de l’entraîneur mais il m’a aligné après cinq journées. Depuis lors, je n’ai plus quitté le onze de base jusqu’à ma blessure en janvier. J’ai réussi un bon match contre Fenerbahçe mais le plus abouti reste celui contre Genclerbirligi. J’ai marqué deux buts dont le dernier, l’égalisation, en fin de partie.  »

Blessures

Pourtant, son idylle turque aura connu quelques soubresauts. En janvier, alors qu’il dispute un match à Sivasspor et que le terrain est gelé, son genou se tord : rupture des ligaments croisés.  » Si je n’avais pas été blessé en Coupe de Turquie le 7 janvier, j’aurais décroché un transfert dans un des quatre plus grands clubs du pays. C’est certain car Trabzonspor s’était déjà renseigné à mon sujet. Mais cela résume un peu l’histoire de ma carrière. A chaque fois que je suis en grande forme, je me blesse. A Charleroi, on allait jouer le match de Coupe Intertoto et deux minutes avant la fin de l’entraînement, je me suis occasionné une fracture du coude. Alors que je restais sur une première très bonne saison au plus haut niveau avec 9 buts en 2004-2005. Cette blessure a mis du temps avant de cicatriser parce que je transpirais sous mon plâtre. Et puis, ceux qui me disaient que je n’avais pas besoin de mes coudes pour jouer au football m’ont toujours fait rire. Je suis tombé quatre fois dessus et à chaque fois, les fils n’ont pas résisté. Au total, j’ai eu 150 points de suture au coude ! Ensuite, à Roulers, lors d’un contact, j’ai eu la pommette, la mâchoire et l’arcade cassées. Ce sont les risques du métier. Je ne suis pas quelqu’un de fragile. Il suffit de demander à mes adversaires mais je n’hésite pas à rentrer dedans, à aller au contact. La plupart des footballeurs ont des déchirures, des claquages. Moi, quand je suis arrêté, j’en ai pour six mois ( il sourit).  »

Ces coups du sort ne l’empêchent pas de rester ambitieux :  » Dans ma tête, je garde un objectif et si je l’atteins, certaines personnes s’en mordront les doigts en Belgique. Je veux évoluer pour un grand club turc et je sais que j’y parviendrai. Et j’aimerais, ne fût-ce qu’une fois porter le maillot de l’équipe nationale turque. En janvier, je n’en étais pas loin. C’est surtout pour mon père qu’il s’agirait d’un sujet de fierté ! « 

Image de sorteur

Cette ambition et ce professionnalisme cadrent mal avec l’étiquette que l’attaquant portait en Belgique. Certains de ses entraîneurs ne manquaient pas de fustiger ses sorties  » En Belgique, d’un bout à l’autre du territoire, cela ne prend que deux heures. Il y a toujours des connaissances qui te téléphonent pour venir boire un verre. C’est vrai qu’après mes matches, j’appréciais des petites sorties entre copains mais dès que les gens me voyaient boire un coca ou un Red-bull dans un verre long drink, ils imaginaient tout de suite que c’était un whisky ou une vodka. Mais c’est vrai que je suis un bon vivant. Je fais mes matches et après, j’aime bien sortir. Mais en Turquie, pour aller à Istanbul, je dois prendre l’avion. A Denizli, je suis dans le centre sportif matin, midi et soir et, à part manger en ville, je ne fais rien d’autre que me concentrer sur mon sport. C’est plus professionnel et donc, cela me pousse à me conduire de manière plus professionnelle également. Le jeudi, on part déjà en mise au vert…  »

Roulers

Toutes ces contingences lui permettent d’oublier ses récents déboires belges. La saison à Roulers lui a d’ailleurs laissé peu de bons souvenirs.  » D’un côté, je regrette. D’un autre, je me dis que cela me fait une expérience. En fait, je n’avais pas beaucoup d’alternatives : j’étais en fin de contrat à Charleroi et je devais sans cesse téléphoner aux dirigeants pour savoir ce qu’il en était. Ils ne donnaient pas de nouvelles. Finalement, j’ai eu la chance de décrocher un bon contrat à Roulers et j’ai tenté le coup. Dommage, ce n’était pas pour moi. Je faisais 400 kilomètres par jour et la mentalité flamande ne m’a pas plu. A Roulers, je me sentais Wallon ET étranger. Je cumulais ! Les joueurs flamands restaient entre eux et moi, je côtoyais uniquement Chemcedine El Araichi, Junior et Youri De Quévy. On faisait la route ensemble et dans les vestiaires, il y avait les Flamands d’un côté et nous de l’autre. A Charleroi, il y avait les Français, les Brésiliens et les Africains et tout le monde se mélangeait. Là-bas, ce n’était pas pareil. De plus, je suis quelqu’un de têtu, avec un caractère fort et parfois je sentais qu’on parlait sur mon dos.

Quand j’ai eu ma blessure, je n’ai eu aucun coup de téléphone du manager ou de l’entraîneur. Je leur ai dit que j’allais me faire opérer et ils ont répondu – Ah bon, on croyait que tu n’avais rien ! Seuls les joueurs avec lesquels je faisais la route m’ont appelé. En deux mois ! A la fin de la saison, j’ai dit aux dirigeants que je voulais partir. J’ai été placé en équipe Réserve. Et quand Denizlispor est venu, ils ont accepté de me lâcher. De chaque club, je conserve de bons souvenirs. Sauf de Roulers. Ils descendent ? Cela me fait ni chaud, ni froid.  »

Charleroi

Par contre, il garde un souvenir ému de son épopée carolo (2004-2007).  » Quand on a terminé cinquième, on disposait vraiment d’une équipe. On ne parlait pas de copains mais d’amis dans le vestiaire. Maintenant, cette équipe est composée de gens qui se croient arrivés après cinq matches en D1. J’ai vu des gamins faire le malin avec des gens comme Frank Defays, Badou Kere, Sébastien Chabaud, Bertrand Laquait ou Majid Oulmers, qui ont donné des années à ce club. Il y a un manque de respect. Pendant ma rééducation à Monceau, j’étais en contact régulier avec l’équipe. Je vois à la démarche de certains qu’ils se prennent déjà pour des stars. Ils ont la chance de jouer en D1. Qu’ils se donnent à fond sans se la jouer parce qu’ils ont fait un bon match ! La faute revient aux dirigeants : Geoffrey Mujangi Bia est un super élément, doué techniquement mais on l’a trop gonflé. Si j’étais encore dans ce groupe, j’en aurais déjà remis quelques-uns à leur place.

Le premier match auquel j’ai assisté en revenant de Turquie, contre Westerlo, m’a surpris. Je n’en revenais pas du pauvre niveau. A mon époque, tout le monde se battait pour l’autre. Le soir, je téléphonais à Defays pour lui dire – Capi, c’est quoi ça ? Il y a certaines choses que je ne comprends pas. Pourquoi Chabaud ne joue pas ? Pourquoi tu donnes le brassard de capitaine à quelqu’un qui vient d’arriver alors que tu as Laquait et Kere sous la main ? C’est comme si tu n’étais pas reconnaissant de leur travail. Tu leur montres que tu n’as plus rien à f… d’eux.  »

Mogi

 » Lors de ma première négociation de contrat avec Mogi Bayat, il a dit une parole qu’il ne devait pas dire. Et devant mon père en prime. Je l’ai remis directement à sa place. Quand j’ai raison, j’ai raison ! Je discute souvent avec des proches du Sporting et j’entends sans cesse – Mogi-ci, Mogi-là, Tu connais la dernière de Mogi ? Moi, si je suis dirigeant d’un club et que j’ai un gamin qui vient faire le malin avec un pistolet électrique, je le mets pendant un mois hors du noyau…  » l

par stéphane vande velde – photos: reporters/ gouverneur

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