Merci Lukaku et les Russes !

Le Sporting est encore en déficit mais plus pour longtemps. Le prochain bilan sera celui du renouveau financier !

Depuis que le football est entré dans l’ère du business et qu’il est contrôlé par l’argent, toute vérité ne se dit plus. Comme toute entreprise, les clubs cotés en Bourse transforment leurs pertes en investissement. Les autres suivent naturellement le mouvement. Pour vendre des maillots et attirer les investisseurs, il convient de conserver une bonne image. Cela s’acquiert principalement par une bonne couverture médiatique mais surtout par une communication téléguidée. Pas question de s’épancher dans la presse sur les sujets sensibles. Et l’argent en fait partie !

Ainsi, quand Sport/Foot Magazine décide d’éplucher les finances d’Anderlecht – bien moins catastrophiques qu’il y a un an ! -, c’est tout naturellement qu’on se tourne vers la direction mauve pour éclaircir quelques points.  » Comme c’est un sujet sensible, pouvez-vous nous envoyer vos questions pour que nous puissions faire des recherches si nécessaire « , nous dit-on d’emblée. Demande acceptée avec des questions bien précises. Après avoir fixé un rendez-vous, les dirigeants d’Anderlecht feront pourtant marche arrière  » à cause d’une semaine chargée  » mais surtout  » parce que le directeur général Herman Van Holsbeeck s’est largement répandu sur le sujet et qu’il est fatigué de redire toujours la même chose.  »

Soit. Mais depuis la parution des comptes fin octobre 2011, Van Holsbeeck s’est pourtant borné à un communiqué de quelques lignes repris par tous les médias francophones et néerlandophones et n’a jamais fourni d’explications, point par point, sur les questions que nous voulions aborder. La tactique est donc simple : sujet sensible = fuyez, il n’y a rien à voir.

C’est donc sans le concours du club que nous avons épluché les comptes du RSCA. Pourquoi ? Pour vérifier la rumeur qui court depuis un an qu’Anderlecht est au bord du gouffre. Rumeur renforcée par l’arrivée avortée de Luciano D’Onofrio pour mieux valoriser les joueurs du noyau. Pourtant, la situation est loin d’être catastrophique. On pourrait même écrire le contraire. L’orage a certes grondé mais les plus gros nuages sont désormais passés.

Balancer le titre 2011 pour assainir les comptes et miser sur 2012

Flash-Back. Lorsque les comptes de l’année 2010 sortent en juin 2011, Anderlecht accuse encore des pertes de 2 millions d’euros, ce qui porte le déficit cumulé sur trois ans à 11,4 millions. Depuis l’absence de Ligue des Champions, Anderlecht est dans le rouge. Trois ans de déficit et un sommet de 5,5 millions de pertes atteint en 2009.

Pourtant, au printemps 2011, la situation alarmait encore davantage. Les pertes s’annonçaient conséquentes (on parlait à nouveau de 5 millions d’euros) et le club se trouvait dans l’obligation de vendre ses meilleurs éléments.

Le départ de Mbark Boussoufa intervient dans ce contexte et est perçu comme une bouffée d’oxygène. Le club acculé saisit la perche inattendue. La communication est claire :  » On devait le transférer car quand on regarde les chiffres de son contrat, on n’aurait pas réussi à le garder contre son gré. J’aurais été un mauvais dirigeant si je n’avais pas fait ce deal « , explique Van Holsbeeck, qui met davantage l’accent sur le bien-être du joueur que sur l’obligation d’assainir des finances exsangues. Du bout des lèvres, Van Holsbeeck admet pourtant :  » C’est vrai que nous n’avons pas beaucoup transféré ces deux dernières années, que nous avons construit un centre de formation qui nous a coûté 15 millions d’euros, que nous voulons ériger un nouveau stade mais surtout que nous reconstruisons une équipe.  »

Malgré l’accent mis sur le sportif (en parlant de reconstruction), la priorité est placée sur l’assainissement. Quitte à balancer le championnat ? Personne n’y pense à l’époque malgré la concurrence accrue de Genk mais Anderlecht prend le risque tout de même de vendre son meilleur élément avant l’ouverture des play-offs. Avec un atout dans sa manche : ce n’est pas en 2011 qu’il faut être champion mais il faut tout miser sur 2012, le champion étant directement qualifié pour les poules de la Ligue des Champions. Finalement, un demi-scénario catastrophe prend forme puisque les Mauves s’écroulent dans les play-offs et ratent même le deuxième siège qualificatif pour les préliminaires de la Ligue des Champions.

Le coup de poker est devenu un coup de génie : 27,5 millions dans la caisse.

Certes, le RSCA a perdu ce titre (or,  » le chemin des champions nationaux  » offre une énorme opportunité aux clubs belges d’être présents en phase de poules de la Ligue des Champions comme Genk l’a démontré cette saison) et sans doute les 15 millions de la poule aux £ufs d’or. Mais le passé avait prouvé au Sporting que ce qui était quasiment garanti ne l’était pas tout à fait (Cf. éliminations face à Bate Borisov en 2008 et au Partizan Belgrade en 2010).  » Pour les dirigeants, il était préférable de miser sur une qualification sûre en 2012 plutôt que probable en 2011. Le titre en 2011 était le bienvenu mais celui de 2012 est OB-LI-GA-TOIRE « , assure un proche de la maison mauve.

Pourtant, loin de s’assombrir, le coup de poker s’avère gagnant à long terme. En 2011, en vendant Jan Polak et Mbark Boussoufa, le Sporting atténue le déficit et réduit la masse salariale (qui passa de 19,6 à 16,8 millions d’euros). Le tout avec l’assurance de bien vendre Romelu Lukaku en été. Cela remet les Mauves dans le vert et leur permet d’envisager l’avenir sereinement et même de mettre sur pied un mercato estival canon. Le coup de poker est donc devenu un coup de génie. L’argent est rentré, bien davantage qu’espéré. Lukaku a rapporté 12 millions d’euros (avec une possibilité de monter jusqu’à 20), Boussoufa 8. Ce qui était plus ou moins prévisible. Par contre, les 4,5 millions d’euros du transfert de Jonathan Legear à Grozny et les 3 de celui d’ Ondrej Mazuch au FC Dnipro relevaient de l’inespéré. Résultat : 27,5 millions dans la caisse. De quoi éponger les pertes cumulées mais également permettre au club de frapper un grand coup sur le marché estival, de manière à se garantir le titre 2012.

Une masse salariale qui représente 59 % du budget et qui risque d’exploser

Si Anderlecht présentait un déficit de deux millions en juin, celui-ci a déjà fondu en octobre. Pour son premier bilan en tant que société anonyme, le RSCA a rendu un rapport portant sur seize mois. Et en octobre, les pertes ne s’élevaient plus qu’à 1,2 million d’euros, avec un déficit d’exploitation (activité courante avant opérations financières exceptionnelles, comme la vente d’un joueur et d’un bâtiment) de 4,2 millions. Dans le cas d’Anderlecht, on peut donc estimer que sans la vente de Polak et de Boussoufa (dont le club n’a touché qu’une partie), le déficit se serait élevé à 4,2 millions !

Est-ce grave ? Non car ce bilan ne tient pas compte des transferts de Lukaku ni de ceux de Legear et Mazuch. Quant à celui de Boussoufa, seule la première tranche apparaît. Anderlecht espère donc dégager un bénéfice substantiel en juin 2012.

A celui-ci, s’ajouteront les 15 millions de la Ligue des Champions, en cas de titre, ainsi que les perspectives de belles rentrées financières en cas de transfert de Matias Suarez. On pourra alors véritablement tirer un trait sur les années de vache maigre.

Les quatre saisons sans Ligue des Champions ont laissé des traces. Le budget ne s’élève plus qu’à 31 millions d’euros alors qu’il était encore de 42 millions en 2008 et de 37 millions en 2009. Si on ne regarde que le budget, on peut constater que le fossé entre Anderlecht, premier budget depuis deux décennies, et ses poursuivants ne cesse de se réduire, le Standard émargeant à un budget de 25 millions et Bruges à un de 28,5 millions. Selon les dires de Van Holsbeeck, Anderlecht n’a donc plus que le 250e budget européen.

Plus que 1,31 million de fonds propres

Si ce dernier devrait être revu à la hausse, ce sera également le cas de la masse salariale. Car, les arrivées de Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani et Ronald Vargas ont coûté cher. Mbokani, dont le prix du transfert n’a jamais été dévoilé, aurait tout simplement battu le record du club (4 millions d’euros) et son salaire est à l’avenant. On parle de 2 millions d’euros bruts de salaire annuel pour Jovanovic et d’1,5 million pour Mbokani. Or, la masse salariale est déjà passée de 16,9 millions en juin à 24 millions en novembre ! Pourtant, ce chiffre doit être pondéré puisque cette masse salariale n’est pas calculée sur 12 mais sur 16 mois. Annuellement, le chiffre s’élève donc à 18,3 millions, soit une augmentation de 12 %. Aujourd’hui, la masse salariale (dans laquelle est comprise également le salaire de tout le personnel du RSCA) représente 59 % du budget du club alors qu’Anderlecht a toujours parlé de 52 %.

L’ambition sportive d’Anderlecht, symbolisée par les transferts estivaux, risque d’encore faire gonfler cette masse salariale. Or, on admet généralement qu’un club dont la masse salariale dépasserait les 60 % du chiffre d’affaires, va au-devant de gros problèmes et, il y a deux ans, Pierre François, directeur général du Standard, affirmait même dans Le Soir que  » les charges du personnel ne pouvaient dépasser les 50 % du budget sous peine de créer un déséquilibre structurel « . Anderlecht a réussi à se maintenir en dessous de cette barre fatidique des 60 % mais pour combien de temps ?

La lecture du bilan a également dégagé d’autres problèmes.  » Le capital est maigre « , explique Robert Van Apeldoorn, journaliste économique à Trends Tendances.  » C’est-à-dire qu’il n’y a que 2,5 millions qui ont été mis sur la table sur les 10 souscrits. Il y a 7,5 millions qui pourraient être appelés auprès des actionnaires s’il y a des pertes ou s’il faut faire des investissements.  »

La valeur du noyau s’élève seulement à 5,6 millions.

Sauf que ces 7,5 millions ont déjà trouvé leur utilité puisqu’ils seront soulevés pour la construction du nouveau stade.  » Aujourd’hui, les fonds propres s’élèvent à 1,315 million, soit le capital (2,5) moins la perte (1,184). Ce qui signifie que si Anderlecht fait de nouveau une perte de cet ordre-là la saison prochaine, il n’aura plus de fonds propres et il devra réinjecter de l’argent.  » Ce scénario n’est évidemment pas envisageable par les dirigeants mauves puisque le capital non appelé est destiné au stade, et pas à combler le déficit.

 » Les dettes dues principalement à des emprunts grimpent à 34 millions, montant assez important si on le compare au capital « , ajoute Van Apeldoorn.  » Mais comme 16 des 34 millions sont des dettes à court terme, cela signifie qu’elles auront disparu dans le prochain bilan. « 

Autre particularité du bilan, la valeur du noyau (immobilisations incorporelles) s’élève seulement à 5,6 millions. Or, tout le monde sait que si Anderlecht devait vendre tous ses joueurs, il toucherait une somme bien plus conséquente.  » Si on arrive à cette somme si peu élevée, c’est parce que la valeur du joueur est amortie sur la durée du contrat. Anderlecht travaille selon la méthode linéaire et généralement sur trois ans. « 

Un joueur vaut donc moins au fur et à mesure de l’avancée de son contrat, alors que sur le marché, c’est généralement l’inverse puisqu’un jeune joueur va, par exemple, acquérir de la valeur, plutôt que se déprécier.

PAR BRUNO GOVERS ET STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Les 4,5 millions d’euros du transfert de Legear à Grozny et les 3 de celui de Mazuch au FC Dnipro relevaient de l’inespéré. « 

 » Les saisons sans LC ont laissé des traces : le budget n’est plus que de 31 millions alors qu’il était encore de 42 en 2008 et de 37 en 2009. « 

 » Le déficit baisse et ne s’élève plus qu’à 1,2 million d’euros alors que les ventes de Lukaku, Legear et Mazuch n’ont pas encore été comptabilisées. « 

 » La masse salariale a augmenté de 12 %. « 

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