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MENEER FELICE

Même si le Club refuse d’en parler devant les micros, les chances sont grandes pour que Michel Preud’hommequitte Bruges à la fin du mois de mai. Et parmi ses successeurs potentiels, Felice Mazzù a la cote chez les Blauw en Zwart. Et si l’avenir en bleu passait par un homme du Pays Noir ?

Bruges vient tout juste de rouler sur Anderlecht. Un 4-0 qui a permis aux Blauw en Zwart de retrouver ce titre qui leur échappait depuis plus de dix ans, et de s’asseoir à nouveau sur le toit de la Belgique. Michel Preud’homme s’assied, lui aussi, dans la salle de presse bien remplie du Jan Breydel Stadion. Le coach du FCB vante les mérites de ses hommes, dans ce qui est alors vu comme sa dernière conférence de presse à la tête du Club.

Car depuis plusieurs semaines, la rumeur devient une certitude : MPH est fatigué par le métier et va céder le relais. Certains évoquent une succession en douceur, avec une montée en grade de l’adjoint Philippe Clément, pendant que d’autres pensent à l’arrivée d’un grand nom étranger, seule solution crédible pour succéder à l’homme qui a ramené les Gazelles au sommet.

La rumeur charrie aussi une troisième voie, soufflée à l’oreille de ceux qui ont leurs habitudes 150 kilomètres plus au sud, de l’autre côté de la frontière linguistique. Felice Mazzù, alors en train de remporter l’anonyme bataille des play-offs 2 avec Charleroi, serait l’un des hommes les plus fréquemment cités dans la course à la succession de Preud’homme. Le coach brugeois en personne figurerait d’ailleurs en haut de la liste des admirateurs de son homologue carolo. D’autres sont plus sceptiques sur la faculté de Mazzù à s’épanouir en dehors de son cocon zébré.

L’histoire s’éteint quelques jours plus tard, quand Michel Preud’homme annonce qu’il reste sur le banc brugeois, tout en s’éloignant quelque peu des responsabilités quotidiennes du terrain. Felice Mazzù entame donc sa quatrième saison à la tête de Charleroi, et réussit l’exploit d’emmener ses hommes dans le top 6, laissant dans son sillage des clubs comme Genk ou le Standard.

L’AVENIR BRUGEOIS

Sur cette route carolo vers les play-offs, le premier exploit est une victoire à domicile contre Bruges, grâce à un but de Chris Bédia dans les derniers instants de la rencontre. Cette fois, c’est la salle de presse du stade du Pays de Charleroi qui accueille les coaches et les rumeurs. D’abord, parce que Michel Preud’homme confirme son admiration pour Mazzù, en affirmant qu’il  » souhaite à Charleroi et à son entraîneur de terminer dans le top 6.  »

Ensuite, car le coach brugeois évoque déjà la perspective d’un départ en fin de saison en parlant du traitement qui lui a été réservé par les supporters carolos (les fameux  » Allez Michel, saute avec nous  » ont retenti dans le stade) :  » Quand cette équipe gagne, ce n’est pas toujours agréable pour moi. C’est devenu comme ça un peu partout en Belgique. Mais bon, il ne reste que neuf mois pour moi, on va mordre sur sa chique.  »

Du côté de la direction brugeoise, on décide d’éluder ces allusions à peine voilées de Michel Preud’homme. La communication de Vincent Mannaert sur le sujet est limpide :  » Nous avons décidé de nous concentrer sur le football, pour les dix matches et les quatre semaines à venir. Nous ne parlerons donc pas ouvertement de la question du coach. Que ce soit le président, moi ou le staff. Nous n’avons pas envie de spéculer maintenant, et nous dépendons de la décision de Michel. Il a encore un contrat de deux ans, la balle est dans son camp. La saison dernière, il y a aussi eu beaucoup de spéculations, et finalement rien n’a changé.  »

Derrière la version officielle, les coulisses du Club laissent filtrer d’autres échos. Ils évoquent un Michel Preud’homme fatigué, qui aurait déjà concédé à plusieurs reprises qu’il en avait assez, et qu’il aspirait à du repos, à une période sans football. Rien de neuf, finalement, puisque le coach brugeois avait déjà fait part de ce ras-le-bol voici un an. C’est d’ailleurs suite à cela que Philippe Clément a donné plus d’entraînements cette saison, et qu’il a soulagé Preud’homme de nombreuses tâches. Mais ça n’a visiblement pas suffi.

Ces informations suffisent-elles à affirmer que MPH s’arrêtera en fin de saison ? Oui. Pas à 100 %, car il disait la même chose l’an dernier et a fini par continuer. Mais nous dirions oui à 99,9 %. Sur le plan privé, tout est beaucoup mieux préparé, réglé. Mais combien de temps cela pourra-t-il durer ? À Bruges, d’aucuns se demandent si Michel saura laisser si longtemps de côté ce football dont il est toujours un fanatique acharné. Tous les membres du Club le constatent encore au quotidien.

AVEC LES COMPLIMENTS DE MICHEL

 » Le staff travaille bien, il y a une dynamique positive, et Philippe a déjà fait plus de travail de terrain cette saison que lors de la précédente. Philippe est effectivement ambitieux, et il a le droit « , reconnaît Vincent Mannaert quand on évoque avec lui la possibilité de voir Philippe Clément remplacer Michel Preud’homme la saison prochaine. Mais le manager général du Club s’empresse d’ajouter :  » Mais tout dépend de Michel. Encore une fois, nous ne faisons pas de déclarations maintenant.  »

 » Nous trouvons qu’il y a plusieurs entraîneurs, en Belgique, qui peuvent avoir le niveau d’un club du top « , poursuit Mannaert.  » Ceci étant dit : nous n’avons, à l’heure actuelle, parlé avec personne. Ni avec un autre entraîneur belge, ni avec son agent. Si, et j’insiste sur le si, Michel Preud’homme devait décider d’arrêter à la fin de la saison, nous aurions alors quatre semaines pour nous occuper de ce dossier important.  »

La direction brugeoise n’a donc parlé avec personne. Michel Preud’homme, par contre, a parlé avec Felice Mazzù. Le contenu de leur conversation reste un mystère, mais elle a bien eu lieu au Jan Breydel, après la difficile victoire brugeoise à domicile face aux Zèbres (1-0, but de Jelle Vossen). MPH a tenu à partager une bière et quelques mots avec Felice.

Retour dans la salle de presse de l’enceinte brugeoise, donc. Là, Preud’homme dégaine la boîte à louanges, affirmant que son équipe vient d’affronter  » un des meilleurs entraîneurs  » et  » une des équipes les mieux organisées  » du pays.  » Plusieurs membres du staff brugeois m’ont même dit qu’ils avaient rarement été dominés de la sorte, chez eux, en première période « , ajoutera plus tard Felice Mazzù. Ses hommes ont réussi, selon ses dires,  » les soixante meilleures minutes de la saison  » à Bruges. Une belle publicité pour le football produit par ses Carolos, même s’il y avait finalement eu une défaite au bout de l’après-midi.

UN COACH TROP BRUYANT ?

La question a donc fait son retour dans les travées du Jan Breydel, huit mois plus tard : Felice Mazzù pourrait-il être l’homme de la situation dans la Venise du Nord ? Après tout, la proximité entre les dirigeants des deux clubs, Bart Verhaeghe et Mehdi Bayat, qui travaillent de concert dans le giron de l’équipe nationale, pourrait faciliter les négociations. Il se dit cependant que les deux hommes n’ont jamais évoqué formellement le sujet  » Mazzù à Bruges  » dans leurs conversations.

Dans cette hypothèse, un premier problème vient immédiatement à l’esprit. C’est son ami, Pascal Patris, qui le raconte à la Dernière Heure :  » Personnellement, je pense que des clubs comme Bruges et Gand pourraient lui convenir, mais il y a le problème de la langue.  »

 » Son néerlandais, c’est vraiment catastrophique « , confirme-t-on au sein du club de Charleroi.  » Je pense que Felice Mazzù est fait pour Charleroi, et Charleroi est fait pour Felice Mazzù.  » Dans son bureau du Mambour, où il prépare les play-offs avec une minutie qui plairait certainement à Michel Preud’homme, le coach des Zèbres songerait même déjà aux plans qui permettront à son équipe de poursuivre sa progression la saison prochaine.

Voir Mazzù poursuivre son aventure à la tête du Sporting en 2018 n’a donc rien d’improbable. Et ce, même si le coach carolo se montre légitimement ambitieux, après avoir fait ses preuves plusieurs saisons durant au sein d’un club passé de relégable potentiel à membre du subtop belge.

D’autres échos carolos mettent en exergue la propension de Felice à prendre le mégaphone pour entonner des chansons paillardes avec le kop zébré. Des manières qui ne cadreraient pas avec le standing des plus grands clubs du pays.

 » Je peux me permettre ce genre de petit bonheur à Charleroi, parce que ça me correspond, et correspond au public. Mais je sais aussi que la vraie intelligence d’un homme, c’est de pouvoir s’adapter dans un nouveau milieu « , s’était défendu Felice dans les colonnes de L’Avenir.

 » Si demain, j’arrive dans un club où l’entraîneur doit toujours porter une chemise blanche et un costume-cravate, et où il ne peut pas courir sur le terrain parce que cela va salir ses chaussures, eh bien je le ferai. Il faut respecter les codes de l’endroit où on est.  »

FELICE ET LES LANGUES

D’aucuns se chargeront de rappeler à Mazzù la trajectoire de Jacky Mathijssen, qui n’a plus jamais retrouvé un club d’envergure après avoir été remercié à Bruges, club qu’il avait rejoint grâce à ses bonnes prestations à la tête de Charleroi. Mais les méthodes des deux hommes sont incomparables. Mazzù est un entraîneur aux méthodes modernes, qui travaille toujours avec le ballon, même dans ses ateliers tactiques. Et depuis le banc de touche, il est capable de sentir les coups qui lui permettront de faire basculer la destinée d’une rencontre.

Un atout qu’il doit en partie à ses connaissances tactiques, mais surtout à sa formidable gestion humaine, qui lui permet de tirer le meilleur de chaque individu. Une force exacerbée dans le vestiaire de Charleroi, où il peut s’adresser en français à tous les joueurs.

 » Au niveau de la psychologie, il est évident que Felice Mazzù, avec la subtilité des mots qu’il utilise, aura beaucoup plus de facilité à transcender un joueur qui comprend parfaitement le français. Aujourd’hui, dans mon recrutement, je fais vraiment attention à ça « , nous confiait Mehdi Bayat voici quelques semaines.

S’il est capable de dialoguer avec ses joueurs en anglais, comme il le faisait avec Sotiris Ninis, le coach carolo n’est jamais parvenu à inculquer les valeurs de son vestiaire à la star grecque. Ninis était un cas isolé à Charleroi, mais son profil est fréquent dans un vestiaire comme celui de Bruges. Ce rapport avec les joueurs non francophones est sans doute le prochain défi de Felice Mazzù. Reste à voir s’il le relèvera à Charleroi, ou ailleurs.

PAR GUILLAUME GAUTIER ET PETER T’KINT – PHOTOS BELGAIMAGE

Contrairement à la direction brugeoise, Michel Preud’homme a déjà parlé avec Felice Mazzù. Mais le contenu de leur conversation reste un mystère.

 » Avec la subtilité des mots qu’il utilise, Felice Mazzù aura beaucoup plus de facilité à transcender un joueur qui comprend parfaitement le français.  » – MEHDI BAYAT

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