Même Sir Alex a peur de Kompany

Kompany est devenu le premier Belge à soulever la Cup et renforce encore son rôle essentiel pour City et pour les médias anglais. Eden Hazard, lui, rêve du doublé et du titre de meilleur joueur de L1…

Enfin, c’est fait ! Oubliés les échecs de Nico Claesen en 1987, de Philippe Albert en 1998, de Bob Peeters en 2004, de Marouane Fellaini en 2009 et d’ Anthony Vanden Borre l’année passée. En 130 ans d’histoire, la plus vénérable des compétitions, The Cup, n’avait jamais trouvé le temps de compter parmi ses porteurs un Belge.

Samedi, sur le coup de 16 h 50, heure locale, le temple du football anglais, Wembley, a sacré non pas un mais deux de nos compatriotes. Au royaume de Sa Majesté, encore tout bouleversé par un Royal Wedding dont les drapeaux ornent toujours toutes les échoppes ambulantes, le roi des Belges se nomme Vincent IerKompany. On n’aurait pas pu choisir plus noble représentant, tant le défenseur de Manchester City s’est inscrit pendant toute la saison parmi la crème de la crème. Le must.

 » Ah, bon, je suis le premier Belge à remporter la Cup « , s’est montré surpris Vincent Kompany.  » Je savais qu’il y avait eu d’autres finalistes belges, dont Marouane, mais je ne pensais pas être le tout premier. Quand vous m’avez dit que je rentrais dans l’histoire, je pensais que vous parliez de celle de City. Mais voilà que je rentre aussi dans celle du football belge. Incroyable.  »

Un peu plus loin, Dedryck Boyata, qui avait pris place sur le banc, n’en revenait pas.  » Cette ambiance, c’est inimaginable et j’avais déjà ressenti cette sensation contre United lors de la demi-finale. Bien sûr que j’aurais voulu monter quelques minutes mais je suis encore jeune. Si j’avais l’occasion de revenir ici tous les ans, je ne m’en priverais pas. Là, j’apprends et j’en profite. Maintenant, c’est la fête et ça va péter à Manchester !  »

Samedi, le centre du monde se situait donc un peu plus au nord, dans cette ville industrielle brillamment reconvertie, la troisième plus grande d’Angleterre. One city but two parties. Une ville mais deux fêtes car un peu plus tôt dans la journée, United venait de remporter le titre de champion. Un fait unique dans l’histoire du sport. Deux trophées prestigieux pour deux clubs d’une même ville, à quelques minutes d’intervalle.

Il est 14 h 55 quand les joueurs de la finale de la Cup entrent sur le terrain. Sur les moniteurs des bancs de la presse, les images passent la joie des joueurs d’United qui, quelques minutes plus tôt, ont décroché leur 19e titre. Quelques sièges plus bas, les fans de City qui ont entonné à tue-tête leur hymne Blue Moon continuent sur leur lancée avec un God Save the Queen à vous donner la chair de poule. Oui, c’est donc possible de voir des fans de City crier leur joie et espérance devant des joueurs d’United en liesse. Par écran interposé…

Tout un symbole aussi. Comme si les Red Devils ne voulaient pas se résigner à passer le témoin, ou du moins à laisser un jour de gloire, à leur voisin honni. Toute l’histoire de City en une image. En 1968 déjà, City pensait enfin avoir fait la nique à son voisin en décrochant la timbale et en s’adjugeant le championnat. Pas de bol, cette année-là, United remportait la Coupe des Champions, une première pour un club anglais.

 » C’est vrai que je ne comprends pas pourquoi on a placé une journée de championnat le jour de la Cup « , explique Marcy, la trentaine, supportrice de City  » dans son berceau déjà « .  » Il paraît que c’est une histoire de calendrier ( NDLR : La pelouse de Wembley devait respirer 15 jours avant la finale de la Ligue des Champions) mais on aurait pu au moins déplacer la journée de championnat au dimanche. Mais les télévisions n’ont pas voulu. C’est un peu comme si on nous volait notre Coupe.  »

 » C’est vrai que la journée ne peut être parfaite puisque United est champion mais certains voudraient que l’on soit amer, frustré de se faire une nouvelle fois voler la vedette par nos ennemis mais on s’en fout « , clame Georges, sexagénaire averti.  » Aujourd’hui, on est là pour célébrer la victoire de City et on a déjà pris notre revanche sur United en les sortant en demi-finale. Vous n’imaginez pas comme cette victoire fut jouissive !  »

 » Cette finale est une fin en soi mais également un début  » (Kompany)

Ils sont venus en masse, de Manchester, pour saluer l’exploit tant espéré. Un peu moins que l’adversaire, ces Potters de Stoke City qui ont reçu 2.500 tickets supplémentaires. Les visages sont burinés, ridés. Toute une génération qui attend un nouveau trophée depuis 1976, l’année d’une victoire en Coupe de la Ligue.  » Dès que j’ai su qu’on allait disputer la finale, j’ai dit à mon fils qu’il devait absolument réserver des tickets sur son truc… internet, oui, c’est ça « , raconte Georges, 78 ans, canne en main et écharpe bleu ciel élimée au cou, rencontré dans le métro menant à Wembley.  » Cela fait 35 ans que je ne suis plus venu à Londres. Ça a un peu changé, je n’aurais jamais su m’y retrouver tout seul mais mon fils s’occupe de tout. Je n’imaginais pas un instant ne pas être à Wembley pour cet événement. Si on gagne, moi, j’aurais réussi mon pari. Après, ce sera à mon fils de passer le témoin et de raconter les prochains titres à ses enfants.  »

Le fils en question, c’est Ian, la cinquantaine.  » Ces dernières décennies, on s’est borné à célébrer l’esprit de City.  » Avec beaucoup de dérision d’ailleurs. Une fois la victoire acquise, les chants le rappellent. – Nous n’avons jamais gagné à domicile, jamais gagné à l’extérieur ; Nous avons perdu la semaine passée, nous avons perdu le mois passé mais on s’en fout car aujourd’hui City a gagné !

Après le coup de sifflet final, c’est toute une malédiction qui semble s’envoler pour laisser place à de l’émotion. Les supporters chantent. Les joueurs se congratulent avant de monter chercher cette fameuse Coupe. Carlos Tevez remis, c’est lui qui a le privilège de la soulever. Pas Kompany, vice-capitaine. Mais au départ du stade, c’est Vince lui-même qui garde le trophée.

 » C’est le garant de l’esprit de City « , témoigne Douglas, supporter depuis 40 ans,  » Pour moi, on doit autant louer son leadership, son engagement que son habileté technique. Nigel de Jong se donne également à 100 % pour le club. Pour ces joueurs, l’amour du maillot représente encore quelque chose. Tevez représentait aussi cet esprit guerrier mais ses envies de départ nous déçoivent.  »

Les analystes sont également de cet avis.  » C’est difficile de trouver un élément rassembleur et symbolique dans cette équipe tant elle est neuve « , dit l’ancien sélectionneur Steve McClaren,  » mais s’il y en a qui mérite ce titre, c’est bien Kompany. Il devrait porter le brassard de capitaine mais je pense que Roberto Mancini l’a donné à Tevez parce que l’Argentin n’était pas très heureux et qu’il fallait l’impliquer dans ce projet.  »

Les supporters rencontrés samedi ont tous mis Kompany dans leur tiercé de joueurs favoris, aux côtés de David Silva, de Jong, Tevez ou Micah Richards. Sa venue en zone de presse le confirme : Kompany est un des plus demandés par les médias. Costume Armani, la Coupe en main :  » Cette Cup représente beaucoup en Angleterre, c’est à la fois une fin en soi mais également un début. C’est une base sur laquelle on doit construire pour aller encore plus loin. Ce trophée va nous donner un bon coup d’expérience. Mon objectif était de gagner des trophées et aujourd’hui, j’ai conquis le premier d’une série que j’espère longue. J’en veux encore et encore. J’étais assis aux côtés de Patrick Vieira et quand je vois qu’il a gagné cinq finales, j’aimerais l’imiter.  »

Les autres joueurs ne diront pas autre chose.  » Nous avons écrit l’histoire du club et ce trophée en appelle d’autres « , lâche Yaya Touré.  » On est en train de contempler une équipe qui se construit « , dit Vieira.

La famille Kompany fête la victoire dans un resto sans prétention

Alors que Vincent est parti avec ses coéquipiers et leurs épouses respectives dans un train en direction de Manchester, le reste de la famille Kompany, aux premières loges de cette finale, débriefe le match dans un restaurant près de la gare St Pancras. La grande s£ur, Christelle, montre les quelques photos que son frère lui a envoyées par GSM. La fierté pointe également dans tous les mots prononcés par le petit frère, François. Quant au père, Pierre, arrivé de Bruxelles quelques minutes seulement avant le début de la finale après avoir célébré un mariage en tant qu’échevin de Ganshoren, il flotte sur son petit nuage.

 » Evidemment qu’on peut dire que Vincent a fait une saison extraordinaire mais qu’on n’oublie pas qu’il s’agissait d’un fameux challenge : celui de tirer une équipe vers les sommets. Alors que beaucoup de joueurs sont partis de City devant l’arrivée massive de nouveaux éléments, lui n’a pas fui. Cela signifie que les qualités qu’on lui prêtait à ses débuts, il les avait ! Quels que soient les doutes émis par certains ! Car, quand on est blessé, on est blessé et certains l’oublient. Justine Henin a d’ailleurs arrêté sa carrière alors qu’elle avait encore l’âge de continuer. On a tout dit sur ses blessures mais rappelons tout de même qu’il s’est blessé à l’épaule sur un terrain verglacé. Cela n’avait donc rien à voir avec une constitution fragile. On a longtemps parlé de blessures au dos mais Vincent, s’il a parfois éprouvé des maux de dos, n’a jamais été soigné pour le dos. Aujourd’hui, il est en Angleterre et s’est adapté physiquement aux exigences de ce championnat car il est logique que tu travailles selon le championnat dans lequel tu te trouves.  »

Après des années de critiques et de doutes, lorsqu’il évoluait notamment dans le championnat allemand, Pierre Kompany savoure donc une douce revanche, lui qui n’a jamais douté des capacités de son fils, et a admiré sa saison pleine :  » Tous les quinze jours, je me suis rendu à Manchester pour voir Vincent. C’était également l’occasion de voir ma petite-fille. Je crois avoir donc assisté à la plupart des matches de City à domicile et quelques-uns en déplacement également. L’ambiance dans le stade est exceptionnelle. On sent l’atmosphère d’un club qui est en train de quitter les bas fonds pour respirer les cimes des montagnes. On ne peut pas comparer le championnat anglais avec le championnat allemand. Ici, c’est un peu the place to be. Il y a des internationaux dans tous les clubs et cela donne un championnat à la fois technique et physique.

Manchester City a beaucoup progressé tout au long de la saison. Il y a eu un moment où on a eu l’impression que les joueurs commençaient à se connaître. Pour moi, Vincent constitue un élément-clé de cette formation et il est devenu un des meilleurs défenseurs du championnat. Vous savez, quand un manager comme Alex Ferguson dit, avant le derby, qu’il espère que Vincent sera dans un mauvais jour, cela signifie quelque chose. Même Ferguson à un moment donné voulait s’attacher ses services !  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE À WEMBLEY – PHOTOS: REPORTERS

 » Quand Ferguson dit, avant le derby, qu’il espère que Vincent sera dans un mauvais jour, cela signifie quelque chose.  » (Pierre Kompany)

 » A part Kompany, c’est dur de trouver un élément rassembleur et symbolique dans cette équipe neuve.  » (Steve McClaren)

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