» Même quand on perd, je garde mon système « 

Comment fait-il pour tenir le coup à un âge (37 ans) où d’autres jouent encore ?

Début octobre, on avait trois ex-joueurs du Lierse champion en 1997 devenus coaches : Bob Peeters, Eric Van Meir et Bart De Roover. Aujourd’hui, le grand Bob est le seul encore en poste. Surpris ?  » Pas d’être encore en fonction, mais plutôt que mes deux anciens équipiers ne le soient plus. Je me sentais prêt à sauter le pas mais Eric et Bart aussi. Rien ne m’effrayait parce que j’avais vu de près, aux côtés de Michel Preud’homme à Gand, le stress que peut générer le boulot d’entraîneur principal. J’ai beaucoup appris de Michel, surtout quand les choses allaient mal. « 

Qu’avez-vous précisément appris ?

Bob Peeters : Qu’il faut rester calme, fidèle à sa philosophie et à sa façon de travailler. Si vous faites les bons choix, ça se passera bien. Au Cercle, il y a une certaine vision, je savais comment le club travaillait et j’avais déjà constaté qu’il y avait des qualités dans le noyau. Il fallait juste attendre de voir si la mayonnaise allait prendre. Le système que j’avais en tête fonctionne et mes joueurs l’ont rapidement assimilé.

Ce job correspond-il à votre personnalité ?

J’ai l’avantage d’avoir joué dans trois pays. J’ai connu des entraîneurs avec lesquels j’étais totalement en désaccord. Finalement, vous distillez à un groupe la vision du football qui vous convient, et vous espérez que les joueurs l’adoptent en tout en ne reniant pas leur identité et leur style de jeu. Je fais confiance à mes joueurs en ne bousculant pas sans cesse mon onze de base. Même après deux ou trois défaites, je conserve mon système. Les joueurs ont ainsi la possibilité de corriger leurs erreurs.

Dans quelle mesure le style de jeu du Cercle porte-t-il votre griffe ?

Je suis un fervent partisan d’un 4-3-3, qui commence par une bonne organisation défensive et des consignes claires. J’ai ainsi connu mes meilleures années sous les ordres de Sef Vergoossen, qui me disait comment il voyait mon rôle dans son système. Je savais ce que je devais améliorer. J’ai donc expliqué à mes joueurs ce que j’attendais d’eux en perte de balle : toujours un arrière latéral qui reste derrière, idem pour un des médians défensifs. C’est la règle du 3 plus 1. En répétant cela constamment en semaine, cela devient un automatisme. Par contre, si je changeais tout le temps de tactique, les joueurs auraient des raisons de douter. Et un joueur qui doute, ce sont des problèmes pour le coach.

Vous connaissez des entraîneurs qui n’ont jamais douté ?

Vergoossen ne doutait jamais, il conservait son système que ce soit contre RBC ou l’Ajax. La seule différence c’est que contre l’Ajax, le pressing sur le porteur du ballon commençait 10 mètres plus haut. Eric Gerets partait également toujours de ses convictions et des qualités de ses joueurs.

Le fait d’avoir joué aux Pays-Bas a-t-il changé votre regard sur le football ?

Oui. J’y ai notamment appris qu’on pouvait travailler beaucoup plus d’aspects du jeu qu’on ne le pense. En Belgique, on accorde encore trop peu d’attention à la qualité d’une passe, d’un botté de corner ou de coup franc. Même chez les pros. Aux Pays-Bas, la technique de frappe et de passe part toujours de la finalité : à quoi va servir le geste ? Par exemple : pour délivrer une passe qui soit toujours jouable par votre coéquipier, le timing est crucial. J’ai importé ces méthodes. Au début, les joueurs m’engueulaient : ils trouvaient qu’on jouait sur des espaces trop restreints. Maintenant, ils ont assimilé. En football, il faut toujours répéter ses principes.

Certaines mauvaises langues disent que Glen De Boeck avait bien préparé le terrain pour vous au Cercle…

Les pronostics pour cette saison plaçaient le Cercle à la 13e ou 14e place. Rappelez-vous qui jouait encore chez nous l’an dernier : le meilleur buteur belge Jelle Vossen et l’une des révélations d’Anderlecht, Kanu. Je n’ai pas reçu une équipe de stars mondiales en cadeau, hein ! De Boeck avait, il est vrai, créé une bonne structure, en particulier en dehors du terrain, mais venez voir jouer le Cercle et comparez à l’an dernier : j’espère que vous remarquerez un style de jeu assez différent. Glen a déclaré que tout était préparé lorsqu’il est parti. Mais on ne parlait ni d’Owusu, ni de Kristof D’Haene. Personne n’avait entendu parler de Wang, Reynaldo ne jouait pas, Vidarsson est revenu à l’avant-plan.

Vous dites que vous ne chamboulez pas votre équipe après 3 défaites. Mais feriez-vous de même si vous coachiez le GBA ou le Club Bruges ?

Je ne suis pas l’entraîneur du GBA ou du Club. Je dois encore manger beaucoup de tartines pour atteindre un bon niveau dans mon job. Le Cercle a été le meilleur choix pour démarrer. J’y suis à la fois directeur technique et entraîneur principal, je n’ai donc à rapporter qu’au président et à Yvan Vandamme. Je n’ai pas sans cesse besoin de justifier mes choix. Et puis, qui dit que j’aurais accepté une offre du Lierse ou du GBA ? Si le n’était pas venu me chercher, je serais aujourd’hui l’adjoint de Preud’homme à Twente. Je lui dois beaucoup mais quand le Cercle s’est manifesté, Michel m’a dit que je ne devais pas hésiter.

 » Mon défi, c’est augmenter le rendement de mes joueurs ? »

Vous visionnez beaucoup de matches de vos adversaires ?

Oui, beaucoup. Je regarde surtout ce que font les joueurs quand ils n’ont pas le ballon. En moyenne, on va dire qu’un joueur a la balle 5 minutes par match. Moi, ce qui m’intéresse c’est de savoir ce qu’il fait les 85 minutes restantes ? Se positionne-t-il toujours en fonction de l’équipe ou essaie-t-il davantage de trucs perso ? Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi les entraîneurs analysent les images de Belgacom TV. On n’y voit pas correctement ce qui se passe en dehors du champ des caméras.

Certains entraîneurs plus âgés trouvent curieux que vous soyez coach principal en D1 sans diplôme…

Vous voulez parler d’Hugo Broos ? Oh, je comprends Hugo et j’ai bien travaillé à ses côtés à Genk à l’époque. Je lui ai même serré la main cette année quand je l’ai revu. Vous savez, quand vous restez longtemps sans club, la frustration vous fait parfois dire certaines choses. Et il semble avoir raison puisque Zulte Waregem nous a battus 3-1 ( il grimace). Plus sérieusement, à Utrecht le coach Ton du Chatinier a aussi pu entraîner avec sursis. En Belgique, je réponds à tous les critères pour entraîner le Cercle. C’était d’ailleurs une condition à mon engagement. Le jour où j’ai signé, je n’avais pas encore reçu mon diplôme A de l’UEFA. Au Cercle, ils m’ont demandé si j’étais sûr de l’obtenir. Trois jours plus tard, la proclamation officielle avait lieu et j’avais réussi avec grande distinction. Il ne me manque plus que la Licence pro. Aux Pays-Bas, chaque année, ils organisent un cours d’entraîneurs. En Belgique, on attend qu’il y ait suffisamment de candidats pour boucler le budget.

Vous avez un plan de carrière en tête ?

Oui, mais je dois d’abord rester au moins trois ans au Cercle. Peut-être même plus. Dans cinq ans, j’aurai 42 ans, l’âge où la plupart ne font que commencer au sein de l’élite. J’ai donc cinq ans d’avance ! Je veux progresser surtout dans l’aspect de la gestion mentale des joueurs. Je suis toujours d’avis que 80 % du métier de coach repose sur la connaissance humaine. J’entends souvent des appels à un coach mental mais j’estime que l’entraîneur est le premier psychologue du club.

Gueulez-vous sur vos joueurs ?

Dans le vestiaire, je peux être dur comme l’était Gerets avec nous au Lierse. L’actuel sélectionneur du Maroc m’a un jour dit que je n’exploitais que 40 % de mes qualités et il m’a aidé à augmenter mon rendement. Donc, je le fais aussi avec mes joueurs. Quand on décortique les phases de match sur DVD, les discussions peuvent être virulentes. Mes joueurs ne doivent pas nécessairement être d’accord avec moi, mais ce que je n’accepte pas, c’est qu’ils viennent avec des excuses bidon. Deuxièmement, je n’attaquerai jamais un joueur dans la presse. En tant que joueur, je lisais aussi toutes les interviews de mes entraîneurs !

Quelles erreurs avez-vous commises cette saison ?

J’arrive de mieux en mieux à contrôler l’adrénaline qui pulse dans mon corps après un match. Je ne suis pas devenu un bon perdant pour autant, mais j’arrive à présent à serrer la main de mon collègue de l’autre équipe après une défaite ! Parce que je me rends compte qu’on doit donner l’exemple en tant qu’entraîneur.

Vous faites monter des jeunes en Première à la demande de votre club ?

Personne ne m’a poussé à amener des jeunes en équipe 1. Lorsque les dirigeants m’ont demandé d’expliquer ma vision, je leur ai dit que j’aimais travailler avec les jeunes talents. La philosophie du Cercle ressemble à celle du Lierse d’avant : former correctement des jeunes et ensuite les vendre. Pourquoi voudrais-je changer cela ?

Aujourd’hui, tout va bien. Mais demain, Reynaldo retournera à Anderlecht et le Sporting de Lisbonne reprendra ses joueurs en prêt. Et vous pourrez tout recommencer…

C’est le destin d’un entraîneur du Cercle et de nombreux autres clubs belges. C’est aussi cela qui me motive. A quoi ça sert de se lamenter sur le départ de nos meilleurs joueurs ? Ils partiront quand même, vous savez ! Nous essayons dès lors de préparer un certain nombre de jeunes talents à ces postes. Je pense que c’est un défi tout aussi intéressant.

Y a-t-il encore de la place pour l’humour dans votre travail ?

Bien sûr, je prends beaucoup de choses avec dérision. Un environnement de travail où il n’y pas de plaisir et d’éclats de rire n’est pas envisageable. Je dis toujours à mes joueurs : – Vous avec commencé chez les jeunes parce que vous preniez plaisir sur le terrain. Montrez que vous aimez toujours ce sport. Le fait de rigoler signifie-t-il que vous n’êtes pas professionnel dans votre travail ? Pas du tout.

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTOS: REPORTERS

 » L’entraîneur doit être le premier psychologue du club « 

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