Même pas mort

Kujo ou Jorga dans le but de Bruges ? Un dilemme pour Leekens dès qu’il fabrique son 11 de départ.

« B ojan Jorgacevic est plus qu’un collègue, plus qu’un compatriote : c’est un ami « , dit Vladan Kujovic (34 ans).  » Mais je ne lâcherai rien.  » Depuis le départ forcé de Stijn Stijnen, Bruges est à la recherche d’un gardien emblématique. L’épisode du jeunot Colin Coosemans a tourné court : la confiance de tout un staff et de la direction, suivie de quelques floches et d’un bon de sortie. En novembre de l’année passée, grosse panique. Et transfert chahuté, en plein premier tour, de Jorgacevic, arraché à Gand. Déception chez Kujovic, arrivé quelques mois plus tôt avec une mission : conduire Coosemans vers les sommets.

 » Bien sûr, j’ai été terriblement déçu « , reconnaît Kujovic.  » A partir du moment où on estimait que Coosemans ne répondait pas à l’attente, je trouvais logique de recevoir une chance. Mais l’arrivée de Jorgacevic a tout changé pour moi. Comme s’il était écrit que j’étais condamné à rester sur le banc.  » L’ex-Gantois s’est effectivement installé dans le but, sauf lors de matches d’Europa League. Mais cet été, nouveau bouleversement : GeorgesLeekens semble faire plus confiance à Kujovic, qui a entamé le championnat avant de titulariser Jorgacevic contre le Beerschot.

Y’a des hauts, y’a des bas : un bon résumé de la carrière de ce gardien. Il l’avoue :  » Depuis que je suis pro, j’enchaîne les up and down. Passer du paradis à l’enfer puis faire la route inverse, je connais.  »

 » Kawashima ? Objet marketing ! « 

Kujovic est formé à Radnicki Nis où il côtoie d’autres futurs Brugeois : Dalibor Mitrovic, Aleksandar Ilic, Bratislav Ristic, Darko Anic. Dans les sélections, il croise aussi Dejan Stankovic, Mateja Kezman, Marko Pantelic. Fin des années 90, il fuit sa Serbie en guerre et se réfugie en Hongrie. Trois heures après son départ, l’Otan bombarde son quartier. Il se retrouve à Alost où il doit patienter dans l’ombre de Philippe Vande Walle avant de s’imposer. Un VDW qui le trouve si bon qu’il le conseille à Anderlecht et à Bruges. En 2002, Alost est au bord de la faillite, Kujovic s’éclipse sur la pointe des pieds après avoir refusé de signer un contrat à la semaine proposé par les curateurs. Après avoir aussi été élu meilleur joueur de la saison. La direction de Bruges lui propose un contrat mais il préfère partir à Roda où, en cinq saisons, il joue trois fois la Coupe d’Europe.

Après cela, il touche son rêve.  » Je suis transféré à Levante, pour trois ans. La Liga, le top pour moi. Mais mon rêve a vite tourné au cauchemar. Levante connaissait des soucis financiers immenses. Jouer contre le Real et Barcelone, c’est extraordinaire. Mais c’est déjà un peu moins fantastique quand tu joues ces matches-là sans être payé !  » Il ne reste qu’un an dans le deuxième club de Valence, le temps d’apparaître dans l’équipe type des flops du championnat, constituée au départ des cotations des trois principaux journaux sportifs espagnols.

Le retour sur terre est cruel : il se retrouve au Lierse, en D2.  » Nous étions hyper favoris pour le titre, mais la première année, nous sommes passés à côté. La saison suivante, ça a marché : je retrouvais la première division. « 

Là, nouveau coup dur.  » Le Lierse a transféré Eiji Kawashima. Je n’avais rien contre le personnage. Le seul truc qui me posait problème, c’est que son transfert avait des explications commerciales. C’était d’abord un coup financier, et évidemment, il fallait que Kawashima soit chaque semaine dans le but. Il était l’objet marketing du Lierse.  »

Cible de Heskey, Lampard, Rio Ferdinand

Début 2011, Kujovic en a ras les gants de cette concurrence qu’il trouve déloyale. Il rompt son contrat et repart en Hollande, à Willem II. Pour une désillusion de plus : cette équipe ne peut éviter la culbute en D2. Le mari (belge car naturalisé depuis longtemps) de l’ophtalmologue est à nouveau dans le trou. Jusqu’au coup de fil du Club qui lui soumet une mission claire : parfaire l’écolage d’un Coosemans sans doute encore trop jeune pour s’installer entre les perches d’une équipe aussi ambitieuse.  » Quand il a enchaîné quelques mauvais matches, je me suis revu à mes débuts pros « , dit Kujo.  » Je me suis rappelé une période où j’avais aussi pris plein de buts, où j’étais paralysé par la pression. Il y avait notamment eu un match contre l’Angleterre avec les Espoirs yougoslaves : Emile Heskey, Frank Lampard et Rio Ferdinand s’étaient bien amusés ce jour-là.  »

Cet été et jusqu’au week-end dernier, Kujovic a profité de la forme chancelante et d’une blessure de Jorgacevic. Profité aussi de son lien fort avec son guide de l’ère alostoise, Vande Walle, redevenu entraîneur des gardiens du Club.  » Désolé pour Jorga, mais quand un nouveau staff débarque, on remet les compteurs à zéro. Je n’avais pas signé ici pour rester à temps plein sur le banc. J’avais trois objectifs : gagner le championnat, jouer la Ligue des Champions et arriver en équipe de Serbie.  » Les deux premiers ne sont pas utopiques. Pour le troisième, à 34 ans, c’est mort.

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTO : IMAGEGLOBE

 » Jouer le Real et Barcelone, c’est extraordinaire. Mais déjà un peu moins fantastique quand tu n’es pas payé ! »

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