» Même écarté, je n’ai jamais souhaité la défaite de l’équipe nationale « 

Il y a dix ans, le milieu de Nuremberg a enfilé le maillot de l’équipe nationale pour la première fois. Débarqué par Advocaat, il est revenu parce qu’il ne peut pas se passer des Diables Rouges.

Nuremberg, située à un peu plus de 600 kilomètres de Bruxelles, au nord de la Bavière, est la 14e ville d’Allemagne, avec 500.000 âmes. 90 % de la ville ont été reconstruits après la Deuxième Guerre mondiale. Timmy Simons et sa famille aiment flâner dans ses artères commerciales conviviales. Il proposera même de réaliser des photos derrière l’arène actuelle, dans le stade Zeppelin, où se déroulaient les… parades nazies dans les années 30, devant des tribunes combles.

La saison écoulée, le FC Nuremberg, champion d’Allemagne à neuf reprises, dont la dernière en 1968, a également rempli ses tribunes. Pas moins de 48.500 spectateurs ont rallié le stade pour l’ultime match de Bundesliga contre Hoffenheim, une affiche puisque les 6e et 7e s’affrontaient. En moyenne, cette saison, Simons s’est produit devant 41.770 personnes.

Dix minutes avant le début de l’entraînement, il est déjà sur le terrain avec quelques coéquipiers. Au bord de la pelouse, un Belge célèbre bavarde tranquillement avec les quelque 50 supporters présents. C’est Jean-Marie Pfaff. Aussi vite que l’y autorise la signature d’autographes, Pfaff se précipite vers ses compatriotes. Il est à Nuremberg à la demande de Siemens. Demain, il sera à Francfort. Avant de s’en aller, il bavarde encore avec Dieter Hecking. La séance a commencé mais l’entraîneur n’interrompt pas la conversation. Nous voulons accompagner Pfaff au lobby de l’Hôtel Hilton, proche des vestiaires du complexe d’entraînement du club, mais c’est impossible : Pfaff est arrêté tous les cinq mètres par des gens qui le reconnaissent.

Simons a participé à tous les matches de Nuremberg, qui a dépassé l’attente en terminant sixième, alors qu’il a achevé les deux saisons précédentes à la 16e place, ce qui l’obligeait à disputer les barrages pour le maintien.

Timmy Simons :  » Nous voulions un meilleur classement mais après 22 journées, nous avions déjà atteint notre objectif initial, soit la 15e place. Si le Bayern avait disputé la finale de la Coupe, notre sixième place nous aurait ouvert les portes de l’Europe. L’ambiance est fantastique. 7.000 supporters nous ont accompagnés à Francfort et à Hanovre, par exemple. Et à Munich, ils étaient 12.000.  »

Combien de points vous accordez-vous, sur dix, pour cette saison ?

Je laisse ce soin aux autres mais je suis satisfait. Je n’ai pas trahi la confiance du club, qui m’a offert un contrat de deux saisons alors que j’avais 33 ans.

Cette saison vous a-t-elle appris quelque chose sur vous-même ?

Je suis toujours en pleine forme. Je le savais, mais la Bundesliga est beaucoup plus intense que ce que j’avais connu auparavant. Tout s’exécute à un rythme élevé. Même le jeudi, nous nous entraînons à fond. Et je n’ai pas raté de séance. Celui qui n’est pas en pleine forme en Bundesliga a un problème. Le club m’a déjà proposé de resigner, c’est qu’on estime que je suis encore en condition.

La langue de Goethe

Qui a déclaré :  » Si je reste dix ans au Club sans obtenir de contrat à l’étranger, ma carrière sera quand même réussie  » ?

J’aurais été tout aussi heureux même si je vis une expérience unique, y compris pour les enfants, qui parlent mieux allemand que moi. Nous sommes confrontés à un dilemme : restons-nous un an de plus, ce qui implique qu’ils fréquentent une école allemande, ou retournons-nous en Belgique ?

Quel rôle a joué votre transfert à Nuremberg dans l’évolution de votre carrière en équipe nationale ?

Enorme et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai accompli ce pas. Pour revenir dans la mire de l’équipe nationale, je devais quitter le PSV. C’est allé beaucoup plus vite que je ne l’espérais.

D’où vient ce désir constant de jouer pour les Diables Rouges ?

De mon orgueil. Même dans les moins bons moments, j’aimais rejoindre l’équipe nationale. Sinon, j’aurais renoncé depuis longtemps mais je n’ai jamais fermé la porte. J’ai même déclaré que Dick Advocaat était peut-être le bon coach au bon moment alors qu’il ne me sélectionnait pas. Mon c£ur bat toujours pour l’équipe nationale. Ce n’est pas parce que je n’en faisais plus partie que j’espérais sa défaite.

Quand Advocaat a dit qu’il ne vous sélectionnerait pas, vous ne vous êtes pas laissé entraîner dans des déclarations tapageuses…

Quand j’ai un problème avec quelqu’un, je lui en parle directement, sans passer par les journaux. On ne forge le respect de personne en s’exprimant par voie de presse car cela devient une partie de ping-pong. Je dis ça, l’autre réplique et c’est parti…

Après le coup de fil d’Advocaat, lui avez-vous encore parlé ?

Non et même au téléphone, je n’ai pas eu l’occasion de lui parler beaucoup. Je peux comprendre que des entraîneurs aient une autre vision du football que la mienne mais je ne me résigne jamais car la roue tourne vite.

Vous rappelez-vous votre premier match ?

Sous Robert Waseige contre la Tchéquie, en 2001.

Le Gsm

Est-il exact qu’on n’arrivait pas à vous joindre pour cette première sélection ?

Oui, j’étais le seul à n’avoir pas encore de Gsm. J’ai quitté le Club pour aller manger un bout et de retour à Ostende, mon voisin m’a félicité pour ma sélection. Je n’étais pas au courant ! Grâce à l’équipe nationale, j’ai acheté un téléphone portable car je n’ai plus jamais eu l’esprit tranquille.

Daniel Van Buyten et vous-même êtes les seuls du noyau à avoir déjà participé à un Mondial !

Nous n’avons pas réussi à pallier le départ d’une série de joueurs-clefs à l’issue du Mondial 2002. Wilmots, Verheyen, Walem avaient joué ensemble pendant dix ans et d’un coup, l’aîné du groupe avait 26 ans. On peut avoir des qualités mais c’est la victoire qui compte. Les anciens s’étaient forgé des automatismes, ils se connaissaient. Une cure de rajeunissement ne fait pas de tort mais il faut injecter deux ou trois nouveaux à la fois, pas en titulariser six ou sept d’un coup. Le processus a été trop rapide et trop important. Ces joueurs recelaient beaucoup de qualités mais encore fallait-il qu’ils puissent jouer ensemble.

En 2006, avant le premier match de qualification pour l’EURO 2008, contre le Kazakhstan, vous avez affirmé être certain, à 100 %, que la Belgique était capable de se qualifier.  » Si ce n’était pas le cas, je le dirais aussi « , aviez-vous ajouté. Pourquoi cela n’a-t-il pas marché ?

A cause des circonstances. Qui aurait prédit, à l’aube de cette saison, que Nuremberg serait 6e et Wolfsburg 15e ? Je n’avais pas parlé sans réfléchir. Si je pense que le noyau n’a pas assez de talent, je dirai simplement -Ce sera difficile. Nous avons mal entamé plusieurs qualifications. Nous avons concédé trop d’occasions sans faire preuve d’une créativité suffisante pour prendre la mesure du Kazakhstan. Notre niveau s’est nettement amélioré. Beaucoup de joueurs ont désormais acquis de l’expérience dans de grands clubs européens et ils font preuve de plus de maturité dans la manière dont ils vivent tous les événements.

Pourtant, les Diables avaient livré un bon Mondial 2002 alors que vous jouiez presque tous en Belgique, sans avoir l’expérience de grands clubs étrangers.

Oui mais ils évoluaient ensemble depuis dix ans. Ce n’est pas parce qu’un joueur se produit en Belgique qu’il est mauvais. Il suffit de penser à Witsel et à Defour. Il s’agit de la manière dont on appréhende quelque chose, dont on s’y prépare. Il y a un monde de différence.

Trond Sollied a dit que  » Quand on a un Timmy Simons, il entraîne les autres dans son sillage « . Pourquoi n’y êtes-vous par parvenu en équipe nationale ?

On se brûle les doigts, à la longue. J’ai trop souvent dû jouer les gendarmes parce que certains n’étaient pas encore mûrs. J’y étais obligé car ils ne travaillaient pas comme ils l’auraient dû. Si vous demandez trois fois au même footballeur de bien vouloir arriver à temps et qu’il n’obtempère toujours pas, c’est qu’il est de mauvaise volonté.

Peut-être ce joueur pensait-il qu’après tout, vous n’étiez qu’un footballeur du Club ?

Je jouais déjà au PSV. J’ai été jeune aussi, je ne leur en veux pas. La raison vient avec les années. J’ai toujours insisté sur certains aspects, sachant que participer à un grand tournoi vous permet d’aller loin, vous et l’équipe. Chaque tournoi qu’on manque est une chance ratée.

Combien de tournois la Belgique aurait-elle vraiment pu disputer depuis 2002 ?

Un moment donné, le groupe n’avait simplement pas les qualités requises. Nous avons très mal entamé deux campagnes d’affilée. Ensuite, nous n’avions plus assez de talent pour placer des adversaires plus modestes dos au mur. J’ai maintenant le sentiment que nous pouvons plus facilement nous défaire d’équipes comme le Kazakhstan.

Qu’est-ce qui a changé ?

Tout. Notre préparation est optimale. Tout est réglé jusque dans les moindres détails. Le mérite en revient sans doute partiellement à Dick Advocaat. Avant, il fallait attendre trop longtemps ce qu’on avait demandé.

Une équipe bien huilée… N’est-ce pas essentiel pour chaque équipe, de club ou de pays ?

Si et c’est pour cela que l’équipe nationale a besoin d’une bonne base : huit ou neuf joueurs qui sont de tous les matches. A un moment donné, ce n’était pas le cas. Au moindre petit match amical, les forfaits pleuvaient. Pour évoluer en tant que groupe, il faut que tous participent, même aux petits matches. Prenez la Kirin Cup il y a deux ans : il fallait y aller, ce que j’ai fait, pour permettre à l’équipe de progresser.

La perspective de vous rendre au Japon avec une bande de jeunes ne vous avait pas fait hésiter ?

Non. Quand je suis en état, même si je suis fatigué, je viens. J’ai toujours envie de jouer pour les Diables Rouges. Durant un temps, trop de joueurs ont déclaré forfait, partiellement sous la pression de leur club. C’est un aspect qu’il ne faut pas sous-estimer.

Un de vos clubs vous a-t-il déjà demandé de ne pas accepter une sélection ?

Oui, mais j’ai toujours rétorqué que je répondrais présent. Un joueur doit parfois plier pour ne pas envenimer une relation, mais c’est moi qui décide si j’honore ma sélection ou pas.

L’équipe est traversée par deux courants. Une équipe flamande ou francophone ne serait-elle pas plus facile à gérer ?

Je suis fier d’être Belge et de représenter mon pays. Je ne souhaite pas jouer pour une seule partie de la Belgique. Franchement, nous formons déjà un petit pays et nous nous disputons sans arrêt !

Les problèmes communautaires affectent-ils le groupe ?

C’est la presse qui grossit tout. Ai-je un problème avec les francophones parce que je m’attable avec des gens qui parlent ma langue ? Evidemment, il m’arrive de me disputer avec Vincent Kompany parce qu’il a une opinion tranchée. L’année dernière, j’ai interpellé un journaliste, en compagnie de Vincent, auquel j’ai demandé : – Avons-nous un problème ? Vincent a répondu que non et j’ai demandé à votre collègue de retranscrire ces propos car nous nous passons volontiers de problèmes supplémentaires.

Des internationaux ont prétendu que Vandereycken enjolivait tout, quelle que soit la façon dont l’équipe avait joué. Ils ont aussi dit que Vercauteren et Dury imposaient parfois deux séances par jour et que certains avaient les jambes lourdes à l’entame du match.

Un entraîneur a le droit d’exiger un travail de qualité. S’il a programmé deux séances par jour, c’est qu’elles n’étaient pas lourdes.

Quand vous estimez que le travail n’est pas bon, vous arrive-t-il d’en discuter avec le coach ?

Oui, mais d’une manière constructive. J’ai eu le sentiment que cela nous a permis d’avancer, sans que les résultats le démontrent.

La mayonnaise ne prenait pas ?

Après quatre années ensemble, on peut difficilement le dire. Le problème était ailleurs : la rotation était excessive ou la qualité insuffisante. Quand l’équipe jouait un bon match, elle était modifiée à trois ou quatre positions la fois suivante.

Vous pensez donc qu’il ne faut pas systématiquement opter pour l’homme en forme ?

Non. A Nuremberg aussi, des joueurs de talent se retrouvent sur le banc au profit d’un élément qui s’intègre mieux dans l’ensemble. Il faut pouvoir s’effacer. En Autriche, des joueurs chargés de réaliser des actions ont participé aux tâches défensives. On n’a peut-être pas suffisamment placé l’accent là-dessus avant, alors que certains ont besoin de se l’entendre répéter à chaque match. Ce n’est pas parce qu’on veut gagner qu’il faut se lancer à l’offensive à chaque match. Il y a plusieurs façons de gagner.

Choisir

Est-ce la levée la plus talentueuse que vous ayez connue ?

Oui. Nous sommes à nouveau capables de défendre un résultat. Ce n’est toutefois pas une garantie de qualification.

L’ambiance qui régnait dans le stade contre l’Azerbaïdjan vous a-t-elle étonné ?

Je n’avais encore jamais vécu ça. Une telle foule, une telle ambiance contre un adversaire comme ça… Le public comprend que nous nous battons.

L’équipe nationale a changé. On y retrouve des joueurs de tous les horizons. Cela confère-t-il un autre sentiment que quand l’équipe se compose de joueurs locaux ?

C’est la même chose dans les clubs, non ? Un footballeur doit être ouvert.

Certains ont du mal à opérer un choix. Carcela a réfléchi pendant un an. Cela vous gêne-t-il ?

Il ne faut pas insister car l’essentiel est que le joueur ait vraiment envie de se produire pour une équipe. Je comprends qu’il n’est pas toujours facile de choisir entre son c£ur et ses intérêts sportifs. Nous, nous n’avions pas ce choix. Le tout est de ne pas regretter sa décision. Il faut choisir en écoutant son c£ur et sa raison.

Quelle est la part de Marc Wilmots dans le renouveau de l’équipe ?

Il accomplit sa tâche d’entraîneur comme quand il était joueur : il est droit, direct, et tant pis pour celui qui n’est pas d’accord. A Nuremberg, par exemple, la discipline est beaucoup plus stricte qu’en Belgique ou aux Pays-Bas mais personne ne la remet en question. C’est ainsi, point à la ligne, et tout le monde s’y plie.

Georges Leekens a-t-il ses troupes en mains ?

On travaille quand il le faut. Certains footballeurs s’astreignent à des séances individuelles complémentaires en équipe nationale, ce qui était plus rare avant. Bien sûr, les clubs ont aussi recours à de telles séances, ce qui a modifié les mentalités.

Quelles ambitions nourrissez-vous encore en équipe nationale ?

Je veux encore participer à un grand tournoi.

Si vous perdez contre la Turquie, cela implique que vous deviez encore jouer trois ans !

Eh bien, je jouerai encore. J’en ai toujours envie.

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTOS: REPORTERS/ GOUVERNEUR

 » J’ai souvent dû jouer les gendarmes parce que certains n’étaient pas encore mûrs. « 

 » Je peux comprendre que des entraîneurs aient une autre vision que la mienne mais je ne me résigne jamais. « 

 » On ne forge le respect de personne en s’exprimant par voie de presse car cela devient une partie de ping-pong. « 

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