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Mehdi de Liège

En trois passages sous les couleurs rouches, Mehdi Carcela a eu le temps de marquer son club et sa principauté d’une foule de souvenirs impérissables. Morceaux choisis.

LE BOURREAU AMNÉSIQUE

Les dribbles sont flamboyants, l’homme imprévisible. Et vice-versa. Intenable dans un Clasico remporté 5-1 par les Rouches devant un public brûlant, Mehdi Carcela décide évidemment de fêter ça. Le rendez-vous des joueurs liégeois pour célébrer la victoire face à leur meilleur ennemi se fixe à Willebroek, sur le dancefloor du célèbre Carré. Habituellement point de ralliement des Mauves, la boîte de nuit du nord de la capitale accueille d’ailleurs Olivier Deschacht, martyrisé par les crochets du génie gaucher de Sclessin quelques heures plus tôt. Les coéquipiers de Mehdi tiennent bien sûr à lui signaler l’amusante coïncidence de la rencontre avec sa victime du jour, mais leurs éclats de rire tombent à plat. Carcela demande, candidement: « OK, mais c’est qui? » À l’époque, le latéral gauche du Sporting pense sans doute que tout le monde le connaît. La preuve que lui ne connaît pas vraiment Mehdi Carcela.

Va dire au coach qu’il sort qui il veut, mais moi, je monte. » Mehdi Carcela

LE RÉVEIL ET LA RADIO

La ponctualité n’a pas toujours été le point fort du chouchou de Sclessin. Lors des quelques mois passés sous les ordres Ricardo Sá Pinto, les horaires des entraînements étaient parfois aménagés pour permettre à l’international marocain d’arriver à l’heure pour la séance. Le coach portugais était même soulagé quand il apprenait que Mehdi passait la nuit chez son ami Régi Goreux, une compagnie qui le forçait à être matinal et ponctuel. Quelques années plus tôt, c’est un tout autre type de mésaventure qui l’empêche d’arriver sur le terrain à l’heure prévue. Sur les routes pentues et enneigées qui mènent à l’Académie, le gaucher tire tout droit dans un rond-point. Quand ses coéquipiers arrivent à son secours, ils le découvrent toujours dans sa voiture, plantée au milieu du décor, en train de chanter à tue-tête du Barry White. Une certaine idée du choc post-traumatique.

LE CHANGEMENT, C’EST MAINTENANT

Malgré les miracles quasi hebdomadaires de Mehdi Carcela, le Standard de Sá Pinto n’est pas encore qualifié pour les play-offs 1 à l’aube de la dernière journée à Ostende. Une rencontre que le numéro 10 débute sur le banc, assistant impuissant aux buts locaux plantés par Fernando Canesin et Joseph Akpala dans les trois premiers quarts d’heure. Visiblement, l’intention du coach portugais n’est pourtant pas de secouer ses troupes à l’aide de son banc de touche dès le retour des vestiaires. Alors, Carcela prend les choses en main. Il va à la rencontre de l’un des adjoints de Sá Pinto, avec une consigne simple: « Va dire au coach qu’il sort qui il veut, mais moi, je monte. » À la reprise, l’enfant prodige de Droixhe est sur la pelouse. Gojko Cimirot a fait les frais de son envie de retourner le match. La victime suivante est ostendaise: 2-3, score final, avec deux passes décisives de Mehdi. La suite emmènera le Standard vers une spectaculaire remontée, conclue dans le sillage du champion brugeois.

LE CONTRAT QU’ON N’ATTENDAIT PAS

Ce sera peut-être le dernier tour de magie sorti du chapeau de Mehdi Carcela. Laissé de côté par Philippe Montanier, ramené sur le devant de la scène puis rapidement écarté par Mbaye Leye, notamment après un échauffement en baskets lors d’un déplacement à Bruges, le numéro 10 reçoit pourtant un nouveau contrat, quelques semaines avant l’échéance de celui qu’il avait signé dans la foulée de ses fabuleux play-offs 2018. Une surprise qu’en interne, on explique alors par l’assurance d’un réveil réglé à l’heure du retour du public. Comme si Carcela avait besoin d’un Sclessin comble pour être heureux. Effrayé par la pandémie de Covid, déprimé par les matches à huis clos, le magicien des bords de Meuse ne retrouvera pourtant jamais le niveau de ses derniers coups d’éclats. Les adieux offerts par son public oublieront pourtant, l’espace d’un match, cette fin de parcours compliquée, pour se rappeler de ce joueur capable de parler de longues minutes avec un supporter qui l’arrête dans le centre-ville un jour après avoir fait chavirer une tribune entière en un coup de reins. Un intermittent du spectacle devenu étranger à un monde qui ne tolère désormais ni les écarts de conduite ni l’irrégularité des performances.

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