» Me comparer à Messi ! Compare-t-on une Porsche à une Ferrari ? « 

A l’occasion de la remise du Golden Shoe, l’attaquant portugais du Real Madrid a accordé une interview exceptionnelle aux membres d’ESM (European Sports Magazines) dont fait partie S/F Mag.

Un grand hôtel du centre de Madrid. 23 chaînes de télévision, dont certaines retransmettent l’événement en direct. Une centaine de journalistes, venus des cinq continents (il y en a du Mexique, d’Afrique du Sud, de Chine et de Corée). Près de 200 invités d’honneur, dont Florentino Pérez, Alfredo Di Stefano, Zinédine Zidane et Eusebio. Et des paparazzi qui font le pied de grue à l’entrée, en espérant l’apercevoir à son arrivée, aux bras de sa jolie fiancée. Qui ? Cristiano Ronaldo, pardi ! Le Portugais va se voir remettre le GoldenShoe, symbolisant son titre de meilleur buteur des championnats européens en 2010-2011. Avec 40 (chiffre officiel) ou 41 buts (l’un de ses envois, en septembre 2010 contre la Real Sociedad, avait été dévié par Pepe).

Ronaldo n’accorde ses interviews qu’au compte-gouttes. Surtout parce que le Real Madrid effectue un tri sévère parmi les très (trop) nombreuses demandes. C’est donc un privilège de se trouver face à lui pendant 45 minutes. On y découvre un footballeur rompu aux sollicitations des médias et qui sait comment se comporter en pareilles circonstances, mais aussi un garçon souriant et plein d’humour.

Fier d’être comparé à Raul et à Hugo Sanchez

40 ou 41 buts, cela fait une grande différence ?

Une différence d’un but ! ( Ilrit) Blague à part, cela n’a pas beaucoup d’importance. Officiellement, j’ai inscrit 40 buts. J’ai toujours le sentiment que le 41e, attribué à Pepe, me revient également, mais peu importe. C’est, de toute façon, un total impressionnant. Je dois remercier mes partenaires, car ils m’ont beaucoup aidé pour atteindre ce total.

Que ressentez-vous lorsque vous inscrivez un but ?

Des sensations magnifiques. J’éprouve toujours la même joie que lors de mon premier but même si la jouissance varie évidemment en fonction de l’importance du match. Inscrire un but décisif dans les derniers instants d’un match de Ligue de Champions ou lors d’un match de championnat anodin, lorsque le score est déjà de 5-0, ce n’est évidemment pas pareil.

Etes-vous surpris d’avoir atteint un tel total ?

Pour être honnête, oui. C’est seulement à mi-saison que je me suis rendu compte que le total de 40 buts était à ma portée.

Vous êtes en train de battre tous les records. A Lyon, la semaine dernière, vous avez inscrit vos 99e et 100e buts pour le Real, en un peu plus de deux saisons au club. C’est une moyenne supérieure à celle de Raul, Ronaldo et Hugo Sanchez autrefois. Et avec 40 buts en championnat en 2010-2011, vous avez battu le record historique détenu conjointement par Zarra et Hugo Sanchez (38 buts).

La chasse aux records n’a jamais été une obsession pour moi. Je suis plein d’admiration pour les anciens grands joueurs du Real Madrid, et pour ce qu’ils ont réalisé pour ce club. Raul, en particulier, a joué 16 ans ici et a gagné tout ce qu’il lui était possible de gagner. Etre comparé à des joueurs comme Raul, Ronaldo ou Hugo Sanchez, à 26 ans à peine, est une grande fierté. A l’époque de Zarra, le GoldenShoe n’existait pas encore. Hugo Sanchez était, jusqu’à ce jour, le seul joueur du Real Madrid à l’avoir remporté. Je suis le deuxième et je ne cache pas que j’en suis très touché. J’ai eu l’occasion de discuter avec Sanchez et il m’a confié : – Monrecordesttombéetjesuistrèscontentquecesoittoiquil’aiesbattu ! Je pense qu’il était sincère. Je suis entré dans l’histoire du Real, mais cette histoire continue et tous les records sont faits pour être améliorés.

 » Une grande équipe est une équipe qui gagne « 

Quel fut votre plus beau but, la saison dernière ?

Difficile à dire, il y en a eu tellement ! Si je dois en citer un, je dirai celui inscrit de la tête contre le FC Barcelone, en finale de la Coupe du Roi. Ce n’était sans doute pas le plus beau, mais le plus important, car il nous a offert le trophée.

Echangeriez-vous ce Golden Shoe contre un titre collectif avec le Real ?

Contre une Ligue des Champions, certainement. Contre un titre de champion, sans doute aussi…

Lionel Messi est, une nouvelle fois, cité comme le favori pour l’obtention du Ballon d’Or…

Ce serait un très bon choix…

Regrettez-vous d’être un contemporain de Messi ?

Non, au contraire. La concurrence n’a jamais fait de tort, elle pousse à se dépasser. J’aime la concurrence. Avec Messi comme avec les meilleurs joueurs du monde.

Pour le titre de Pichichi, c’est souvent un mano a mano. Lorsque Messi inscrit un triplé, vous réussissez un triplé deux jours plus tard…

Pure coïncidence ! ( Ilrit)

Ce trophée-ci, le Golden Shoe, est-il plus juste que le Ballon d’Or ?

Plus juste, je ne sais pas. Ce trophée-ci se base sur des chiffres, sur des statistiques, bref sur la réalité du terrain. Il ne dépend pas d’un vote.

Le championnat d’Espagne est souvent surnommé la Liga de dos, la Ligue de deux équipes…

On fera le bilan en fin de saison. Le championnat d’Espagne est très compétitif. C’est l’un des meilleurs d’Europe, comme celui d’Angleterre ou d’Allemagne. La saison s’annonce très intéressante.

Ce Real Madrid-ci est-il la meilleure équipe dans laquelle vous ayez évolué ?

Si l’on se réfère à la qualité des joueurs qui la composent, c’est possible. La valeur d’une équipe se mesure aussi aux trophées qu’elle remporte. Avec Manchester United, j’ai tout gagné sur une saison : le championnat, la FA Cup et la Ligue des Champions. Je n’ai pas encore réalisé ce genre de triplé avec le Real. C’est mon objectif.

 » Özil et Khedira sont deux gars marrants « 

A commencer par cette fameuse 10e Ligue des Champions, derrière laquelle Madrid court depuis 2002…

C’est l’objectif ultime, c’est clair. Davantage encore que le championnat. Je ne peux pas promettre, à ce jour, qu’on va la remporter, mais on est sur la bonne voie. En phase de poule, on totalise 12 points sur 12. Après viendra la phase par élimination directe et là, ce sera autre chose.

Parlez-nous de Mesut Özil et Sami Khedira, les deux internationaux allemands qui ont été transférés.

Ce sont deux gars très marrants. Je suis souvent assis à leurs côtés, lors des mises au vert, et dans le bus également. Ils sont rapidement devenus des amis et n’arrêtent pas de vanner. Ce sont aussi deux joueurs très importants. Mesut se met plus souvent en évidence parce qu’il a un rôle plus offensif, mais la mission défensive de Sami ne doit pas être négligée. Elle est cruciale car elle contribue à l’équilibre de l’équipe. Sur le terrain, je m’entends très bien avec Mesut. On a l’impression qu’on joue ensemble depuis des années. Mais c’est très facile car c’est un joueur de talent. Sa principale qualité, c’est sa vision du jeu. Il sent très bien le meilleur moment où il doit adresser la passe ou, au contraire, dribbler et temporiser.

 » Ferguson et Mourinho sont les deux meilleurs coaches du monde « 

Vous avez travaillé avec de grands entraîneurs. Mais José Mourinho, c’est le Special One. Qu’a-t-il de si spécial ?

Ce qui définit la valeur d’un entraîneur, c’est son palmarès. Mourinho a gagné des trophées dans tous les clubs qu’il a entraînés. S’il gagne, c’est parce qu’il comprend mieux le football que les autres, qu’il a de meilleures idées et des méthodes particulières.

A-t-il modifié certains aspects de votre jeu ?

Dans les grandes lignes, je suis resté tel que j’étais. Bien sûr, j’ai appris certaines choses. Tactiquement, je pense avoir progressé. J’ai mûri, aussi. Je suis encore jeune, mais je ne commets plus les mêmes erreurs qu’il y a trois ou quatre ans.

Certains affirment que vous êtes devenu plus collectif, avec l’âge…

Ce sont des opinions que je respecte, mais auxquelles je n’accorde pas trop d’importance. Chacun a le droit de penser qu’il veut. J’ai toujours essayé de faire ce qui était le mieux pour l’équipe. Si j’étais plus individualiste autrefois, c’était inconsciemment.

Qu’est-ce que Sir Alex Ferguson a représenté pour vous ?

Enormément. Au début de ma carrière, c’est lui qui m’a guidé. Il m’a offert la possibilité de jouer à 18 ans pour l’un des plus grands clubs du monde. Il occupera toujours une place à part dans mes souvenirs, au même titre que Luiz Felipe Scolari qui m’a lancé en équipe nationale. La semaine dernière, Ferguson avait organisé une fête pour célébrer ses 25 ans à la tête de Manchester United. Je figurais parmi les invités et j’aurais bien aimé y assister. Dommage, en raison du programme surchargé qui est le nôtre actuellement, le Real Madrid m’a interdit de me rendre en Angleterre pour cette soirée. Je lui ai transmis mes félicitations par l’intermédiaire de David Hill, le président de Manchester United. J’aurais bien aimé l’avoir en ligne personnellement, mais le réseau était constamment occupé.

Pouvez-vous comparer Ferguson à Mourinho ?

Je n’aime pas les comparaisons. Je me refuse à comparer Ferguson à Mourinho, comme j’estime qu’on ne peut pas comparer Xabi Alonso à Xavi, ni me comparer à Lionel Messi. Compare-t-on Ferrari à Porsche ? Ce sont deux voitures différentes, deux concepts différents. Ferguson et Mourinho sont simplement deux des meilleurs entraîneurs du monde. Ferguson a tout gagné. Mourinho est plus jeune et a déjà tout gagné aussi. Ils sont tous les deux très spéciaux.

 » Gagner des trophées avec le Portugal est un autre objectif « 

Et le Portugal ?

J’aimerais beaucoup remporter des trophées avec mon pays. Et pourquoi pas, l’EURO 2012 ? On possède une très bonne équipe, qui est capable d’aller très loin dans cette compétition. Mais nous ne sommes pas encore qualifiés, nous devrons disputer deux matches de barrage très difficiles contre la Bosnie-Herzégovine. On jouera le premier match en déplacement, dans un stade dont la pelouse n’est pas en très bon état et où l’ambiance est souvent très chaude. J’ai quand même bon espoir de franchir l’obstacle et d’être de la partie, en Pologne et en Ukraine.

Des milliers de fans vous adorent. Avez-vous, vous aussi, des idoles ?

J’apprécie d’autres sports, comme le basket, le tennis ou la Formule 1, et j’admire certains sportifs, mais je ne peux pas dire qu’ils soient des idoles. J’apprécie aussi certains acteurs de cinéma et certains… journalistes. ( Ilrit)

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes ?

D’être à l’écoute des plus anciens. Ecouter, c’est très simple, tout le monde est capable de le faire. Ils doivent aussi avoir foi en leurs capacités et mettre tout en £uvre pour aller au bout de leurs rêves. Tout le monde a des rêves, et il y a toujours des opportunités qui se présentent pour les réaliser.

Avez-vous toujours autant besoin d’être entouré de votre famille ?

Oui. Je n’aime pas vivre seul.

Quelles sont, pour vous, les valeurs de la vie ?

Je consacre l’essentiel de mon existence au football et j’essaie aussi de mener une vie normale en dehors des stades. Aller au cinéma ou sortir avec des amis n’est pas toujours aisé. La célébrité n’a pas que des bons côtés, mais j’ai choisi ce métier et je dois m’accommoder des contraintes.

PAR DANIEL DEVOS

 » Si Mourinho gagne, c’est parce qu’il comprend mieux le football que les autres.  »  » Si j’étais plus individualiste autrefois, c’était inconsciemment.  »  » J’aurais aimé assister à la fête donnée par Sir Alex Ferguson, mais le Real me l’a interdit. « 

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