MAZZU SAIT FERMER, C’EST TOUT À SON HONNEUR !

Sur ce que j’ai lu après 12 matches, le Sporting Charleroi, 14 buts plantés, serait quasi l’équipe la moins spectaculaire, les plus prolifiques en ayant déjà planté 22. Oui, les Zèbres butent peu, mais la spectacularité ne se résume pas aux buts qu’une équipe plante … elle est aussi fonction des buts CONTRE qu’on voit lorsqu’on la suit ! Un gros total engendre un spectacle toujours plaisant pour le spectateur neutre, mais qui va charmer OU démoraliser le fidèle supporter ! Celui d’Eupen a vu 46 buts, mais ça lui laisse deux goûts amers : trop de buts ramassés (29), trop peu de points. Alors qu’en suivant ses Carolos, celui des Zèbres n’a vu que 23 buts (deux fois moins qu’Eupen ! ) mais ce maigre total l’enchante, because la chouette place au classement : c’est moins sur la pelouse que dans les rêves les plus fous que se niche le spectacle !

Donc, en tant que neutre, si je m’abonnais, ce serait à Eupen plutôt qu’à Charleroi : pour voir des buts, qu’ils soient exploits ou erreurs, parce qu’ils sont le sel de la terre de foot ; et parce qu’un 0-0, même hautement tactique, reste quand même un score fade ! Mais ma considération, mon estime, mon admiration, vont bien davantage à Felice Mazzu qu’à Jordi Condom ! Je m’explique en caricaturant. Imaginons deux équipes classées ex-aequo au bout de 12 matches : l’une avec un average de 40-30, l’autre de 15-5. Sans même les avoir vues, qu’en penserais-je ? Sûrement pas que la première, bien plus que la seconde, est une équipe à laquelle son coach aurait insufflé un esprit offensif : mais plutôt que ce coach a la chance d’avoir devant des individualités douées et prolifiques, car il n’est pas foutu d’installer derrière une bonne organisation !

A l’inverse, le second coach m’épaterait : il n’a pas comme l’autre une armada offensive capable d’exploits, mais sait se démerder pour construire un collectif limitant les dégâts des attaquants d’en face. C’est à mon sens ce qu’est Mazzu, et Damien Marcq le faisait comprendre dans le précédent Foot Mag : son coach part du principe que c’est en défendant bien qu’on attaque le mieux possible. Pour des coaches disposant d’un effectif comme Mazzu, rien n’est jouissif comme gagner souvent 2-1 ou 1-0, scores étriqués mais scores attestant, bien plus qu’une tatouille victorieuse, l’apport du coach dans le résultat final : être en haut de classement avec la meilleure défense (9), c’est plus valorisant qu’y être avec la meilleure attaque.

Je schématise, mais convaincu : primo, pour marquer des buts, un entraîneur dépend des joueurs, de leurs qualités offensives individuelles. Un peu fataliste mais beaucoup lucide, il se borne à les changer quand ça ne va pas trop, Mazzu comme les autres : au Mambourg, pour les quatre postes les plus offensifs, on peut citer 8 noms, seul Mamadou Fall étant systématiquement titularisé. Mais secundo et inversement, pour ne pas encaisser, ce sont cette fois les joueurs qui dépendent de l’entraîneur, de ce qu’il organise pour le collectif : au Mambourg, pour les sept postes les plus défensifs, ce sont toujours les sept mêmes titulaires, et ce n’est pas un hasard.

Je sais ce qu’on objectera : que les tout bons coaches savent organiser une défense, mais que les tout grands coaches savent aussi améliorer collectivement leurs attaquants doués ! J’avoue ne guère y croire, l’histoire du foot me semble truffée d’exemples de coaches efficaces tout un temps … puis plus du tout quand changent les solutions offensives dont ils disposent ! L’adage ne dit-il pas : La défense organise, le milieu maîtrise, l’attaque improvise ? Et par définition, l’improvisation n’est-elle pas l’opposé de l’organisation ! J’ai l’air sévère en pensant ça, d’autres le sont davantage : je vous recommande ainsi une enquête passionnante traduite de l’anglais (*) dont je vous épingle une phrase : Les salaires des joueurs déterminent presque entièrement les résultats sportifs, la conséquence est que la grande majorité des entraîneurs n’est pas utile !

(*) Simon Kuper et Stefan Szymanski, Les attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus, et autres mystères du football décryptés, De Boeck, 2016

PAR BERNARD JEUNEJEAN

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