Max et ses Rossoneri

Cela fait huit ans que l’AC n’avait plus été leader de la Serie A juste avantla Noël. Explications.

Milan en tête du championat à la trêve de Noël (cela ne lui était plus arrivé depuis 2002), ce n’est pas vraiment une surprise. Quand, dans les dernières heures du mercato d’été, la direction rossonera a sorti le magot pour s’attacher les services de Zlatan Ibrahimovic et de Robinho, l’AC démarrait sur la même ligne que l’Inter, favori de la compétition. En mettant à la disposition de Massimiliano (Max) Allegri des joueurs de ce niveau, le club rompait carrément avec un passé récent.

Voici deux saisons, Carlo Ancelotti, qui était arrivé à la fin d’un cycle, faisait trop confiance à son groupe de vieux briscards et n’alignait qu’un seul attaquant. Et l’année dernière, Leonardo n’est jamais parvenu à faire passer son message. Totalement inexpérimenté, le coach brésilien a été incapable de faire en sorte qu’un noyau de qualité joue en équipe. Il prônait un style dynamique mais quand il alignait en défense Massimo Oddo (34 ans), Marek Jankulovski (33), GiuseppeFavalli (38) et Gianluca Zambrotta (33), il pouvait toujours attendre. Impossible d’espérer grand-chose sur le plan défensif tant ces joueurs étaient lents… ni même sur le plan offensif avec des latéraux incapables de déborder sur leur flanc et des centraux limités à la relance.

Depuis les matches de préparation, on a compris qu’Allegri n’allait pas déroger à son 4-3-1-2 appliqué dans toutes ses équipes depuis ses débuts de coach en D4 en 2003. Il l’a rôdé pendant quatre ans en D3 et deux saisons à Cagliari en Serie A, avec de bons résultats à la clé. Pas question d’un football basé sur la possession du ballon sans grande vitesse (comme Ancelotti), Max mise sur un jeu plus intense sur le plan athlétique avec une plus grande couverture défensive. Et si l’on regarde de plus près, on constate que la disposition de son équipe est une copie conforme de ce qu’il faisait en Sardaigne où des joueurs comme Daniele Conti, Andrea Cossu, Alessandro Matri (qui frappe à la porte de l’équipe d’Italie), et Nene ne possédaient pas les mêmes qualités que les stars qu’il a sous ses ordres actuellement.

Boateng, le troisième nouveau de choc

L’arrivée de nouveaux joueurs n’explique pas à elle seule la cassure avec le passé. Si la défense a été rajeunie, ce n’est pas parce que Mario Yepes et Sokratis Papastathopoulos ont débarqué pendant l’intersaison : chaque fois que le Colombien et le Grec ont eu leur chance, ils se sont plantés. Ils n’ont jamais été en mesure de remplacer Alessandro Nesta et Thiago Silva.

Nesta confirme sa brillante première partie de la saison dernière jusqu’à ce qu’il se blesse début janvier. Jusqu’à présent, l’ex-international transalpin ne s’est pas plaint du dos et, dans l’absolu, on pourrait affirmer qu’il s’agit du meilleur transfert à l’arrière de la saison. Thiago Silva, après une saison d’acclimatation, impressionne tout son monde y compris, Mano Menezes, le coach de la Seleçao. Avec ce duo central, toute la défense se bonifie, au point que le vieux Zambrotta donne l’impession d’avoir retrouvé un second souffle. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si les deux défaites en championnat ont coïncidé avec l’absence d’un des deux axiaux.

Par rapport à la saison dernière, la défense a aussi moins de pression grâce au coup de main de l’entrejeu. Adepte de la rotation à ce niveau du jeu (il suffit de voir les compositions d’équipe : elles ne sont jamais les mêmes deux fois de suite), Allegri dispose de six joueurs : Andrea Pirlo, MassimoAmbrosini, Gennaro Gattuso, Clarence Seedorf, MathieuFlamini et, le seul nouveau venu, Kevin Boateng, Allegri aligne généralement un créatif, un arracheur de ballons et un élément capable de surgir de la deuxième ligne ou de frapper de la tête sur les phases arrêtées. Jusqu’à présent, Gattuso a retrouvé le niveau qu’il avait voici un an et demi quand il est passé au travers de son genou, Ambrosini est dangereux quand il s’infiltre dans le rectangle adverse et Flamini, réserviste la saison dernière, est quasiment devenu un incontournable à tel point qu’il attend un coup de fil de Laurent Blanc.

Mais la meilleure intuition d’Allegri, c’est d’avoir fait monter d’un cran Boateng lorsqu’il a dû se passer de Pippo Inzaghi et de Pato, gravement blessés. Le Ghanéen a désormais pleine confiance en lui. Il a expédié tour à tour, Ronaldinho et Seedorf dans la nature.

Ibra contre Guardiola

L’élément principal qui explique le bon rendement de Milan est évidemment la présence d’Ibrahimovic (depuis le 11 septembre, il a inscrit 9 buts et effectué 8 assists en championnat et marqué 4 fois en Ligue des Champions). On se doutait que dans un championnat moyen comme celui d’Italie, le Suédois allait faire mal surtout qu’il avait envie de prouver que son échec à Barcelone n’était pas de sa faute. Manifestement, il n’a pas avalé les propos de Pep Guardiola, qui l’a accusé de jouer pour lui et pas pour l’équipe.

A Milan, Ibracadabra joue pour l’équipe. Le seul doute qui subsiste à son encontre est de savoir si comme avec la Juventus, l’Inter et Barcelone, il va encore coincer en Ligue des Champions, dans les matches à élimination directe. En championnat, il donne l’impression d’avoir gagné en maturité, c’est sans doute le fruit de la leçon qu’il a reçue à Barcelone, où il a pas mal marqué (16 en championnat) mais où il ne s’est jamais senti un leader et où ses équipiers ne le considéraient pas comme tel.

Mais Ibra est apparu fatigué contre l’AS Rome voici dix jours et va être suspendu le 6 janvier à Cagliari. L’équipe dépend aussi énormément d’un Robinho remis à neuf. Manifestement, le Brésilien est à nouveau capable de multiplier les fulgurantes accélérations et fait preuve d’un esprit de sacrifice peu commun pour un gars ayant ses qualités techniques.

Depuis la défaite à Madrid en Ligue des Champions (19 octobre), Milan a progressé en Serie A. Plus question d’offrir des ballons à l’adversaire ou de jouer aussi mal techniquement, mais si l’équipe a été grande contre les petits, elle a été petite contre les grands (7 points sur 15 contre le top de la Serie A !). Jusqu’à ce moment-là, Allegri a quelque peu tâtonné lui aussi parce qu’il avait affaire à un patron, Silvio Berlusconi, encore plus encombrant que le déjà peu commode MassimoCellino (à Cagliari). Il devait aussi composer avec des stars peu habituées à courir et à se sacrifier mais pratiquement titulaires par décret présidentiel.

Et Cassano dans tout ça ?

Est-ce que Milan est capable de lutter sur deux fronts ? Apparemment non puisque les dirigeants ont déjà engagé Antonio Cassano et sont sur le point de signer KevinConstant, le milieu de Chievo appartenant à Chateauroux (L2 française) et dont la mise à prix est d’un million. La venue de Fantantonio ne suscite pas le même engouement que celles d’Ibrahimovic et Robinho, loin s’en faut. Jamais on aurait lu sur un site milanista :  » Pauvre Milan, si tu as besoin d’un gars qui se dispute avec tout le monde, tu l’as trouvé !  »

Les qualités techniques de l’attaquant ne sont pas mises en cause mais son caractère oui : il s’est disputé avec tous ses coaches. Et la façon dont il s’est fait jeter à la Sampdoria où il a insulté son président de  » vieux couillon  » (c’était le mot le plus affectueux) en public a déplu à beaucoup de monde. Le président Riccardo Garrone a même été jusqu’à demander la résiliation de contrat devant le collège arbitral de la fédération. Et pour la première fois, l’instance juridique a donné raison au club en suspendant le joueur jusqu’au 1er février et en coupant son salaire par deux jusqu’à la fin de son contrat en 2013. A partir de ce moment, il ne faisait pas de doute que Cassano n’allait pas rester à Gênes et Milan a sauté sur l’occasion.

Les supporters craignent un nouveau clash vu que si le joueur a explosé dans une ambiance où il était le roi, il n’aura pas plus facile au milieu de stars encore plus réputées que lui. Et sa frustration pourrait aussi être d’origine sportive. Cassano, qui s’est entraîné seul en salle pendant deux mois, évolue plus dans le registre de Robinho mais quand on voit le niveau atteint par le Brésilien, on doute qu’Allegri le mette sur le banc. Quant à Pato, mieux coté que Cassano, reste à voir dans quel état il va sortir de ses 127 jours de stop en 2010.

Bref, si Cassano a réussi quelques beaux gestes victorieux, il n’a jamais été décisif ni en club ni en équipe nationale où il a brillé contre les pêcheurs des Iles Féroé avant d’être inexistant contre l’Irlande du Nord. Ce qui avait fait dire à Cesare Prandelli : que  » Cassano deviendra un fuoriclasse le jour où il comprendra qu’un match de ne se résume pas à la recherche d’un beau geste. Il doit devenir plus italien !  »

PAR NICOLAS RIBAUDO – PHOTOS: REPORTERS

Milan a été grand contre les petits, et petit contre les grands (7 points sur 15 contre le top de la Serie A !).

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