Mauvais PAYEUR

Les dettes du vieux club liégeois l’empêchent de payer ses joueurs. Entre autres… La faillite menace.

Le 8 février avant le coup d’envoi du match à Spa, les joueurs du FC Liège ont déployé une banderole indiquant clairement leur mécontentement face au non-paiement de leurs salaires. Celle-ci indiquait :  » Nous jouons pour les supporters et nos couleurs « . Jusqu’à ce moment-là, ils n’avaient reçu que des acomptes représentant grosso modo un quart du salaire d’octobre, un tiers de novembre et un quart de décembre. Et puis, plus rien.

Les dirigeants ont été malins puisque, de la sorte, les joueurs ne peuvent faire jouer la loi qui impose qu’ils soient libres après trois mois sans rémunération. Ceci dit, le 31 mars constituera une nouvelle échéance pour ces footballeurs qui attendent avec impatience le fruit de leur labeur. Mais l’impatience ne paie pas forcément son homme. Ainsi, le 20 janvier, Hamide Lamarra déclarait que s’il n’avait plus été aligné depuis la reprise c’est tout simplement parce qu’il avait réclamé son salaire : il en avait besoin pour nourrir sa famille et payer ses factures. Une anecdote circule : Abdoulaye Soumaré et Simon Moukoko se seraient rendus au domicile de Michel Evrard à Verlaine pour lui réclamer leur dû mais le président d’honneur aurait alerté la police. Les deux joueurs auraient été embarqués au poste où on leur a conseillé de s’adresser à la justice.

Michel Evrard a déjà été pris à partie par les supporters et n’a probablement pas envie de se faire secouer une nouvelle fois.  » On n’a pas encore vu notre président d’honneur à un match ou à un entraînement cette saison « , reconnaît Benjamin Maréchal.  » C’est possible qu’il ait peur des critiques et des réactions des supporters. Il n’est pas le seul puisque nous n’avons vu notre président, Philippe Claeys, que lors de la présentation d’avant saison. Depuis, plus rien. Notre seul contact c’est René Lenaerts notre ancien entraîneur. Il écoute nos doléances, en fait part au président d’honneur et revient chaque fois en nous disant que M. Evrard veut arrêter, que les recettes ne suffisent pas, qu’il attend les propositions de repreneurs. Entre-temps, il a fait venir Nico Dewalque. Début janvier, nous avons été conviés à une conférence où il nous a déclaré qu’il était là pour sauver le club : – Laissez-moi trois semaines et je vous garantis qu’à la fin du mois le club n’aura plus aucune dette. Dans notre situation, on ne pouvait rien faire d’autre que de s’accrocher à ce dernier espoir et attendre la fin du mois. Une fois le délai arrivé à échéance, Dewalque s’est présenté pour nous demander une semaine de plus. Lorsqu’on l’a revu, il nous a lancé qu’une banque était prête à donner deux ou trois millions d’euros au club sans rien exiger en échange. C’était difficile à croire et comme les explications étaient peu précises, personne n’a été dupe. Après cela, il n’a plus été possible de le contacter « .

Non-gestion ?

Lors de l’AG statutaire du 14 novembre 2003. Michel Evrard, qui dans sa lettre du 29 juin 2002 au tribunal de commerce (page 3) avait précisé  » Je suis effectivement propriétaire de 321 actions « , n’en dépose qu’une seule et se fait représenter par son conseil d’alors, Me M’baya, qui dépose lui aussi une action. Il distribue les autres à différentes personnes. Son fils Laurent, l’administrateur délégué, en reçoit 200 mais donne procuration à Philippe Claeys, le président qui en présente 50. Le rapport de gestion (aux dires du Groupe des Douze, soit les actionnaires minoritaires, il se limite à un compte rendu footballistique partial) a été approuvé majorité (Michel Evrard) contre opposition (Groupe des Douze). Les comptes du club présentant une dette de 734.000 euros sont approuvés par la même majorité bien que dénoncés par la minorité qui estime la dette plus élevée.

En versant de sa poche 1.088.000 euros réparti sur les trois exercices précédents, Michel Evrard a prolongé artificiellement la vie de la société. En tant que gestionnaire de fait, il était bien conscient qu’il ne pouvait tenir à ce rythme, d’autant que les recettes ont plongé puisque les supporters ont décidé de ne soutenir leur équipe qu’en déplacement. Pour eux, payer une entrée à domicile équivaut à donner de l’argent à Michel Evrard et cautionner sa gestion.

Que doit le club aujourd’hui ? Francis Morsa, au nom du Groupe des Douze :  » D’après notre enquête, la dette envers les joueurs s’élève à plus de 200.000 euros. Le club doit 28.000 euros à Moukoko et 30.000 à Cleber, Marcelo et Anderson. Nous en sommes à 118.000 euros et il ne faut pas oublier tous les autres. Malheureusement ce ne sont pas les seules dettes « .

Au 31 décembre 2003, le club devait 199.517,81 euros au précompte professionnel, 58.000 euros à la Ville de Seraing pour la location du stade, 22 mois de loyer à Wihogne à 3.099 par mois, 14.000 euros à la TVA plus deux trimestres, 38.000 euros à l’ONSS plus le dernier trimestre et 89.000 euros à divers fournisseurs. Et en ce début d’année, le tribunal du travail a donné raison aux anciens entraîneurs : Claudy Dardenne 6.000 euros, Robert Coutereels 27.100, Marc Grosjean 9.140 et Bernard Smeets 5.600.

 » Le 30 novembre 2000, déjà nous avions lancé un cri d’alarme « , rappelle Francis Morsa.  » Nous avions décidé d’éclairer le public sur la situation réelle du club. Un actionnaire minoritaire se doit d’aider et de soutenir son club sans s’immiscer dans la gestion mais il n’est pas possible de vivre avec des £illères. Or, la politique des jeunes et la cellule scouting avaient été gommées. On leur avait préféré une politique de transferts lourde financièrement et une absence totale de structures. Personne ne pouvait dire qui faisait quoi et avec quelle capacité. Michel Evrard voulait ce jouet à tout prix et pour lui seul alors qu’il était mandaté par et pour d’autres. Il faisait rédiger trois versions différentes du procès-verbal d’AG, prêtait des actions à qui lui convenait, faisait nommer des administrateurs fantoches, qui n’assistaient jamais aux réunions et présentait des bilans édulcorés. Depuis, la situation s’est encore détériorée et il est facile de comprendre que les candidats repreneurs ne veulent pas débourser, en plus du rachat des parts, 2 millions d’euros pour payer les dettes contractées par Michel Evrard et sa non-gestion « .

Des repreneurs ?

Avant de prendre la présidence du Sporting de Charleroi en 2000, Abbas Bayat avait été annoncé à Liège. L’homme d’affaires iranien a confirmé qu’il avait bien eu un contact informel et qu’il n’avait pas l’intention de reprendre le club.

Il y a également eu un groupe suisse. Tout était en bonne voie et le noyau a même été faire un stage là-bas. Mais l’affaire a capoté :  » Lorsque les Suisses précisèrent qu’en échange de leur apport financier, ils réclamaient un droit de regard, Michel Evrard lança : -De toute façon, la présidence vous ne l’aurez jamais. L’affaire était classée « , raconte Freddy Kutz, un autre membre du Groupe des Douze, qui garantit avoir assisté à la scène.

Enfin, il y eut la convention signée avec le PSG fin 2001. L’ancienne direction du club français a bien versé les 253.000 euros promis et, en échange, réclamait 26 % des actions.

 » Le PSG n’a jamais reçu cette contrepartie et cette somme n’a pas été affectée au payement des salaires des joueurs que le club français avait mis en prêt. L’affaire est entre les mains de la justice et, comme je n’y suis pas directement impliqué, je n’en ai pas suivi l’évolution. Je ne connais pas la nouvelle direction du PSG et je ne sais pas quelle est sa position dans cette affaire « , relate Jules Dethier, qui après un bon mois de réflexion et plusieurs réunions avec les dirigeants du PSG, avait accepté le poste de président.

Dernièrement, le Groupe des Douze a fait une proposition à Michel Evrard.  » Elle est calquée sur celle du PSG « , explique Francis Morsa qui fait comprendre que les 27 % d’actions de son groupe plus ces 26 % lui donneraient la majorité.  » Nous attendons une réponse. La reprise est possible si Michel Evrard tient ses promesses. Le 29 juin 2000, il a écrit à la troisième page d’une lettre en contenant cinq avec paraphe au bas de chacune envoyée à M. Spirlet, président du tribunal de commerce, -J’ai pris personnellement l’engagement d’honorer toutes les dettes contractées par le club (sauf fraudes qui m’auraient été cachées bien entendu). Dans ce cas, les repreneurs peuvent espérer relever le défi et relancer le FC Liège. Ce ne sera certainement pas facile mais c’est possible. Le potentiel spectateurs existe. Quand on voit que 3.542 personnes ont payé une entrée à l’exposition sans grande prétention que nous venons d’organiser dans une petite école de Rocourt… « .

En revanche, le club ne pourra compter sur les rentrées générées par les transferts. Ils sont loin les 250.000 euros reçus pour Christophe Grégoire. Au terme de la saison dernière, Luigi Pieroni, bien évidemment le cas le plus médiatisé, et seize de ses équipiers, sont partis pour rien. Leurs contrats n’ont pas été renouvelés et, en l’absence totale de toute garantie, les joueurs n’avaient de toute façon pas envie de prolonger leur séjour au club. Un tel exode se produira à la fin de cette saison et un club comme Gand ne laissera pas passer l’occasion d’enrôler Benjamin Maréchal pour rien.

Nicolas Ribaudo

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire