MATCH IDÉAL

Après son but en Lituanie avec les Diables, le jeune médian limbourgeois a réussi son pari.

Avant le match à Genk, quatre joueurs du Standard avaient toujours débuté comme titulaires en championnat : Vedran Runje, Oguchi Onyewu, Sergio Conceição et Karel Geraerts. Les bobos du Portugais et du Diable Rouge pouvaient laisser supposer du contraire dimanche soir. Mais ils étaient là, les crampons plantés dans la pelouse du Fenixstadion, avec l’envie de se venger de l’élimination européenne de la fin de saison dernière en test-match. Et ça a marché…

 » Je m’étais fait mal aux adducteurs avec les Diables « , a dit Karel Geraerts (23 ans) après la victoire 0-1 du Standard à Genk.  » Ma participation a été un peu mise en doute mais je me suis échauffé avant le match et je n’ai rien senti. J’ai bien fait. Mes adducteurs ne m’ont pas posé le moindre problème pendant le match et on a gagné ! Ce fut un match très dur : on a joué à dix pendant 70 minutes après l’exclusion d’Oguchi Onyewu. Pas évident. Mais on ne s’est pas découragé, on ne s’est jamais dit qu’on allait ‘s’écrouler, on s’est plutôt dit qu’on allait tenir le coup à dix, collectivement. Si on n’encaissait pas rapidement un but, Genk allait s’énerver et expédier des longs ballons peu dangereux. C’est ce qui s’est passé : une grande victoire parce qu’on est toujours premier et qu’on prouve match après match qu’on est capable d’attaquer et de défendre dans toutes les situations.

Le Limbourgeois formé par le Club Bruges a prouvé une nouvelle fois la qualité de son labeur défensif et sa capacité d’infiltration. Il jaillit régulièrement dans le rectangle comme il a encore démontré avec les Diables en marquant. La saison passée, il avait inscrit six buts avec le Standard et son compteur est actuellement bloqué à une unité, un but marqué contre le Lierse lors de la première journée de championnat.

Dans quel état d’esprit êtes-vous arrivé à Genk qui vous avait raflé le billet européen en fin de saison ?

Karel Geraerts : J’étais impatient de jouer ce match car je suis originaire des environs, de Maasmechelen, plus précisément. Et la région est divisée entre les supporters du Standard et ceux du RC Genk. Ce match était donc l’objet de toutes les conversations. Vous savez, je n’avais encore jamais joué de match à Genk. Je n’ai passé qu’un semestre à Lokeren et nous avions reçu Genk à domicile. La saison dernière, ce déplacement était programmé en début d’exercice et je n’étais pas encore titulaire. Enfin, pour le match de barrage, j’étais suspendu. Toute ma famille était dans le stade : parents, frères, s£urs, oncles tantes… je connaissais la moitié du monde ! Cela dit, on n’était pas stressés avant le match : on savait que si on perdait on serait de toute manière deuxièmes et ça tranquillise.

Le président genkois Jos Vaessen a récemment avoué qu’il était frustré de n’avoir pu rallier à sa cause les supporters limbourgeois du Standard.

Il n’y parviendra jamais. Le Standard, c’est pour toujours !

Au quart du championnat, vous êtes toujours en tête. Bravo !

Nous sommes à notre place. La préparation a été bonne, relevée de beaux matches contre la Juventus et Fenerbahçe, qui ne nous ont pas balayés alors qu’elles sont en Ligue des Champions. Fenerbahçe s’est pourtant joué du PSV et on a vu la Juve à l’£uvre face au Club. Deux excellentes équipes. C’est plus agréable que d’affronter des petites équipes. La seule tache est le départ de Milan Rapaic peu avant le début du championnat. Personnellement, je trouve ça grave : il restait sur une excellente préparation, faisait régulièrement la différence et équilibrait l’équipe.

Vous êtes-vous senti trahi ?

Non, il a certainement eu ses raisons et il faut les respecter. D’ailleurs, s’il revenait, cela ne me poserait pas le moindre problème. Après quelques tâtonnements, nous avons trouvé notre équilibre avec Almani Moreira à gauche. Il évolue dans un autre registre, il demande le ballon sur le flanc pour converger vers l’axe en dribblant.

C’est quelqu’un qui effectue sa tâche défensive une demi-heure, pas tout un match.

On le sait à l’avance.

Seule tache à votre parcours, le revers à domicile contre Beveren ?

Nous nous forgions effectivement une réputation à domicile et voilà que nous perdons 1-3, un score que je trouve lourd. Nous avions procédé à trois modifications dans l’équipe, pour pallier le départ d’Ivica Dragutinovic et la suspension de Mathieu Assou-Ekotto. J’avais le sentiment que nous avions choisi la meilleure solution. Philippe Léonard avait joué dans l’axe de la défense pendant la préparation et y avait signé son meilleur match. Malheureusement, cela n’a pas marché. Nous nous sommes ressaisis immédiatement, avons joué collectivement, neutralisé nos adversaires en les prenant à la gorge. C’est ainsi que nous avons battu le Cercle et le Club.

Est-ce dû à la maturité de l’équipe ?

Nous avons tiré les leçons du passé. Nous avons déjà encaissé des coups durs. Je me souviens du match contre Bilbao. Nous devions gagner et chacun s’est jeté en avant dès la première minute. Résultat : 1-7 ! On a vu la maturité de l’équipe en seconde mi-temps contre le Club. Nous avons calmement contrôlé le match sans plus prendre de risques. Nous connaissons nos qualités comme celles de nos adversaires en Belgique. Nous avons eu un match difficile au Germinal Beerschot : nous avions affronté le Club en semaine, nous étions euphorique et ce déplacement n’est jamais évident. Avant, nous aurions été battus. Tout s’est mis contre nous. Oguchi Onyewu s’est fait exclure, nous avons quand même pris l’avantage mais nous avons encaissé deux buts en cinq minutes, par manque de concentration. Ce Standard-ci se bat pour revenir. Nous avons égalisé et contrôlé la suite. C’est ça, le professionnalisme.

Malgré votre infériorité numérique, vous avez attaqué jusqu’en dernière minute et vous êtes souvent présenté en pointe…

Je voulais gagner. Sergio Conceição a été très bon. Même dans les circonstances les plus difficiles, il appelait le ballon et parvenait à amorcer quelque chose. Il fallait que quelqu’un soit devant le but pour l’aider, le cas échéant. C’est une question de mentalité et de discipline. Il faut sans cesse revenir en arrière, en perte de balle, pour reprendre son poste.

 » Je rejoue plus offensivement  »

La saison passée, le Standard jouait souvent avec deux attaquants, contre un seul maintenant. Cela fait-il une différence pour vous ?

Non, chaque système laisse place aux infiltrations. Notre style de jeu est clair, en principe. Momo Tchité est bien démarqué. On peut envoyer le ballon dans une brèche : grâce à sa vitesse, il sera le premier. Sergio, notre second avant, cherche souvent le flanc droit et délivre ses passes de là. Je peux profiter de l’espace qui se dégage. Nous avons l’avantage de jouer ensemble depuis un an et de nous appuyer sur certains automatismes. Assou-Ekotto et moi nous comprenons très bien et depuis que Jonathan Walasiak rejoue à droite, nous ne manquons pas d’abattage. Je peux donc évoluer plus offensivement.

Suite à l’arrivée de Christian Negouai, vous avez semblé être poussé dans un rôle plus défensif, non ?

Nous avons procédé de la sorte deux ou trois matches. Plus jeune, j’ai évolué dans un rôle de médian défensif pur mais j’avoue aimer participer aux actions offensives. Mes qualités me permettent de tenir la distance et je trouverais malheureux de ne pas me servir de cet atout.

Quand vous avez expliqué à la presse que vous préfériez jouer aux côtés d’Assou-Ekotto, vous avez eu des problèmes avec l’entraîneur…

Oui. Pourtant, je motivais ma déclaration. Je n’ai pas le moindre problème avec Christian mais sportivement, c’est un style différent. De fil en aiguille, tout a pris une dimension différente.

Du coup, le club s’est dit : si le plus calme du noyau commence à semer l’agitation…

Ce n’est pas ça. J’estimais que nous avions bien fonctionné au second tour de la saison passée. Je comprends que l’entraîneur veuille réaliser des essais de temps à autre et qu’il n’est pas mauvais pour son évolution de jouer parfois au médian défensif mais j’entendais les gens pester : -Ce n’est plus le Karel de l’an dernier. Comment était-ce possible, puisque je n’occupais plus la même position ?

L’ambiance a-t-elle changé depuis que le club est si dominant en championnat ?

Elle est la même. Nous sommes en bonne voie depuis le Nouvel An. Nous essayons aussi d’entreprendre des choses ensemble en dehors du terrain. Une fois par mois, nous allons dîner en groupe. Ce sont de belles soirées. Il y a parfois des tensions mais c’est normal puisque nous avons beaucoup de forts caractères. L’ambiance ne se dégrade pas. Il n’y a pas non plus trop d’étrangers.

 » Je suis gentil, mais brave ?…  »

Etes-vous vraiment le plus brave ?

Le plus brave, je ne sais pas, mais un des plus gentils, oui. Qu’ai-je presté par rapport aux autres ? Eric Deflandre est triple champion de France, Philippe Léonard a joué à Monaco pendant des années, Vedran à Marseille, sans parler de Sergio. Dois-je leur expliquer comment travailler ? Je donne mon avis mais je n’ai pas une grande gueule. Cela viendra, avec le temps.

Quelle est l’importance de Conceição pour vous ?

C’est notre joueur-clef, sans conteste. On peut toujours lui donner le ballon. Trop souvent, au gré de l’entraîneur, mais il est difficile de ne pas le faire car il est toujours démarqué, il perd peu de ballons et ses centres sont généralement dangereux. Il prend toujours ses responsabilités.

Après un match, il parle toujours en italien. Quelle langue emploie-t-il dans le vestiaire ?

L’italien, un peu de français, d’anglais, de portugais. (il rit). Je le comprends, vous savez, même si je ne parle pas italien.

Cette année, le Standard vise la Ligue des Champions. Pourquoi pensez-vous qu’il peut réussir ?

Parce qu’il est beaucoup plus stable et qu’il n’a pas raté son début de saison, contrairement aux années précédentes. Parce que l’équipe est bonne. Elle ne recèle pas seulement des techniciens mais aussi des travailleurs, pas uniquement des jeunes mais aussi des éléments chevronnés. Le Standard a des grands gabarits forts dans les duels et des petits. L’équilibre est parfait. Cette équipe, ce noyau nous permettent de lutter pour la première place. Nous avons infligé un sérieux coup à Bruges cette saison, comme à Anderlecht il y a quelques mois. Cela nous donne confiance : nous sommes capables de gagner des affiches.

Le problème ne se situe-t-il pas derrière, avec le jeune duo central Oguchi Onyewu-Mathieu Beda ?

Ils vont vite s’habituer l’un à l’autre. Onyewu n’est pas si expérimenté même s’il est international américain. Mais il peut encore progresser en coaching. Assou-Ekotto n’est pas bavard non plus mais il ne faut pas exagérer ces soi-disant manquements. Dragutinovic dirigeait et parlait plus mais c’est normal : il avait 30 ans et était là depuis cinq ans.

 » Vivent les supporters anglais  »

Avez-vous déjà vu Anderlecht et le Club à l’£uvre en LC cette saison ?

Oui.

La différence de niveau vous a-t-elle effrayé ?

A la belge, ils ont essayé de jouer avec beaucoup de monde derrière le ballon, pour sortir quand c’était possible. Jusqu’à présent, ils se sont inclinés sur le plus petit écart à quatre reprises. La différence de niveau était grande mais il s’agissait aussi de l’élite européenne. Pour l’instant, nous sommes trop courts. Ce serait pareil pour le Standard. Je trouvais le Betis Séville très brillant. Cette équipe avait tout : vitesse, technique, force, calme, engagement, même si elle était à prendre, peu après le repos.

Quel style de football recueille votre préférence ?

L’espagnol et l’anglais. L’un recèle précisément tout ce que je viens d’énumérer, l’autre me plaît par sa vitesse et son atmosphère. J’adore voir ces supporters qui soutiennent leur équipe match après match. Je regarde souvent les programmes de football à la TV, quel que soit le match. Ligue des Champions, Coupe UEFA, résumés, et même les matches régionaux sur TV Limburg. Mon amie ne râle pas. Elle regarde avec moi. J’observe attentivement les joueurs qui occupent ma position : comment ils courent, quand ils démarrent, comment ils parachèvent leur action, comment ils surprennent l’adversaire. L’entraîneur me dit souvent que je ne dois pas partir trop souvent ni trop tôt, ce qui m’arrive encore régulièrement.

Vous avez déjà déclaré que vous aimiez travailler à l’entraînement ce que vous pouvez encore améliorer. Quel aspect vous occupe pour le moment ?

La technique de frappe. Botter les coups francs ou, si quelqu’un fait une passe en profondeur, le tir au but. Quand les ailiers en ont encore envie, j’exerce la reprise de la tête. Pendant un quart d’heure, vingt minutes, je ne fais que ça : exercer la finition.

 » Les Diables auraient pu aller plus loin  »

Le moment de votre percée en équipe nationale a-t-il sonné ?

Je me sens bien dans le groupe. Vous ne m’entendrez cependant pas clamer que je dois être titulaire. Je ne me vois pas jouer sur le flanc droit. On ne peut espérer que je me colle au flanc et que je réalise des actions. Je suis en mesure d’évoluer dans la zone droite mais je fonctionne mieux dans l’axe.

L’équipe nationale n’a-t-elle pas besoin de médians offensifs ?

Ce n’est pas à moi d’en juger. Je n’émerge pas non plus. Nous sommes tous d’un niveau similaire. Quant à l’approvisionnement… Bon, ce n’est pas à moi de dire comment les Diables Rouges doivent jouer.

Vous avez 23 ans. Aux Pays-Bas, on vous estimerait expérimenté !

La mentalité est différente là-bas : on y reprend plus vite les jeunes. En Belgique, je suis encore un bleu. Le noyau de l’équipe nationale est très jeune avec Vincent Kompany, Anthony Vanden Borre, Olivier Deschacht, Koen Daerden, Jelle Van Damme et Kevin Vandenbergh. Cela me rappelle un peu ma période au Standard il y a un an. Pendant des semaines, j’avais le sentiment d’être proche de l’équipe fanion. Je m’entraînais bien et je savais que je saurais saisir ma chance quand elle se présenterait. Je suis animé d’une impression similaire maintenant en équipe nationale. Mes qualités me permettent de me présenter régulièrement devant le but et je les exploiterai.

Durant ces qualifications, avez-vous trouvé la différence de qualité avec vos adversaires importants ?

Non, pas du tout. Le problème, c’est que nous n’avons pas gagné nos deux premiers matches à domicile. Je peux comparer cette situation à celle du Standard les années précédentes. Rater vos débuts implique que tout est appréhendé de manière plus négative et que vous jouez partout le couteau sur la gorge. Le moindre faux-pas est fatal.

PETER T’KINT

 » C’EST ENCORE TROP TôT POUR AVOIR UNE GRANDE GUEULE  »

 » ON EST EN TêTE, C’EST BEAU MAIS ON EST À NOTRE PLACE  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire