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MATA D’OR

Fan inconditionnel d’Angel Di Maria, joueur rapide et percutant, Clinton Mata se rêvait ailier virevoltant. Et puis, il s’est rendu à l’évidence : il avait tout pour être arrière droit. Chronique d’une transformation.

« Personnellement, je préfère occuper une place plus offensive.  » Nous sommes en 2013 et, un an après sa première apparition en D2 sous les couleurs d’Eupen, Clinton Mata apprend le métier d’arrière droit suite à un repositionnement sur le terrain imaginé par Tintin Marquez, l’homme qui a également fait de l’attaquant Christian Kabasele un défenseur central. Les prestations du joueur de couloir attirent l’oeil des recruteurs carolos, toujours à l’affût d’une bonne affaire :

 » La première fois qu’on l’a vu à l’oeuvre, c’était en l’affrontant quand on était en D2 « , se rappelle Mehdi Bayat.  » On l’a alors suivi pendant ses six derniers mois à Eupen, avant de le recruter. C’était vraiment un choix de club, et pas un joueur débarqué par l’intermédiaire d’un réseau d’agents comme on le voit parfois.  »

Également convoité par Westerlo et suivi par les hommes de Roland Duchâtelet, Clinton rejoint donc le Pays noir, où il retrouve Enes Saglik et se présente comme un joueur qui  » aime avoir le contact avec la balle, accélérer le jeu, provoquer et dribbler « . Pas vraiment le profil d’un futur latéral.  » J’ai été formé aux positions offensives, mais je sais jouer au back droit. Même si à ce poste, je dois encore travailler mon repositionnement.  »

BAD BUZZ

Mais si Felice Mazzù repositionne Clinton lors de son premier match amical avec les Zèbres, face à Differdange, c’est pour l’éloigner des Ultras carolos installés sur son flanc pour chanter  » Clinton, tu n’es qu’un liégeois !  » Mata est changé de côté, puis carrément retiré du terrain par son coach, qui souhaite le protéger d’une polémique née sur les réseaux sociaux.

On y voit le Belgo-Angolais poser sous un maillot du Standard à l’occasion d’un tournoi de sixte disputé durant l’été dans la région de Verviers.  » Vu qu’on n’avait pas d’équipements, je suis passé en dernière minute à l’Académie pour récupérer des maillots d’entraînement « , explique aujourd’hui Paul-José Mpoku, ami d’enfance de Mata à l’origine de cette fameuse  » affaire « .

 » Clinton ne s’est évidemment pas posé de question et ne s’est jamais dit qu’il représentait le Standard. Par après, il y a eu tout un bad buzz suite à la diffusion d’une photo de notre équipe. Les supporters de Charleroi ont pris Clinton en grippe.  »

Sifflé lors du Fan Day, remis en place par le staff après une arrivée tardive lors du premier entraînement du stage à Doorwerth, Clinton Mata passe ses premiers mois en Zèbre entre le banc de touche et la tribune.  » Je crois que Mazzù a un peu cédé devant la pression des supporters « , avance Mpoku.  » Et ça a fait perdre plusieurs mois à Clinton, au niveau de son développement. Je suis certain que sans cette histoire, il serait déjà beaucoup plus loin.  »

PRISE DE CONSCIENCE

Mata attend son heure. Elle se présente en novembre, après une lourde défaite à Lokeren qui pousse Felice Mazzù à remanier son équipe pour bousculer ses cadres. Aligné comme ailier droit, Mata martyrise Laurens De Bock quand Bruges rend visite aux Zèbres, mais manque de lucidité dans les derniers mètres pour inscrire son nom au marquoir.

 » Le problème, c’est que j’ai tendance à jouer la tête baissée « , admet Clinton. Mario Notaro le prend alors sous son aile pour le faire travailler dans la surface adverse. Mais Mata, qui voit Dieumerci Ndongala devenir incontournable sur l’aile droite, commence à oublier le but adverse. Sa reconversion est en marche.

 » J’ai dit à l’entraîneur que s’il attendait de gros matches de ma part, il devait me faire jouer plus bas « , affirme le joueur au coup d’envoi de la saison 2015-2016. Mazzù, pourtant, continue à l’utiliser comme ailier, jugeant que Clinton n’est pas encore prêt tactiquement pour s’installer en défense.

Sur le terrain d’entraînement, qu’il est souvent le dernier à quitter quand son entraîneur lui demande de ne pas forcer, Mata travaille minutieusement ses réflexes défensifs et écoute les précieux conseils de Javier Martos, installé sur le côté droit de la défense centrale.  » Son travail l’a fait progresser énormément « , affirme le capitaine de Charleroi.  » Il a compris qu’un arrière droit devait avant tout défendre, et il s’applique à le faire du mieux possible.  »

PHÉNOMÉNAL

 » Comme je n’ai pas été formé à cette position, j’avais tendance à penser à mes initiatives offensives avant de penser à bien défendre  » , reconnaît l’intéressé. Les blessures de Stergos Marinos lui offrent l’opportunité de montrer ses progrès sur le terrain. Les conseils de Notaro et Mazzù sont précieux :  » Les coaches m’ont beaucoup parlé. Ils m’ont corrigé sur le positionnement de mon corps, pour mieux repartir avec le ballon.  »

L’explosion de Mata provoque même les compliments de Giovanni Van Bronckhorst à l’occasion d’un amical entre Charleroi et Feyenoord pendant la trêve hivernale.  » Il est phénoménal votre arrière droit, comment s’appelle-t-il ? « , demande alors l’ancien du Barça à Felice Mazzù.

Clinton est lancé, crie sur tous les toits qu’il est un défenseur –  » C’est en tant qu’arrière droit que je suis arrivé à Charleroi –  » et va jusqu’à demander au gestionnaire du site internet des Zèbres de le placer parmi les défenseurs sur la page de l’effectif, où il était référencé comme milieu de terrain.

ROI DU DUEL

Mis sur orbite, Clinton Mata ne quitte plus l’équipe et enchaîne les prestations de haut vol.  » À l’heure actuelle, c’est le meilleur back droit de Belgique « , affirme Mehdi Bayat. Un statut qui lui a valu une revalorisation de contrat en début de saison, alors qu’il avait déjà signé jusqu’en 2020 au mois de février dernier.

 » C’est dans notre politique d’augmenter les contrats par paliers, au fur et à mesure, en accompagnant financièrement la progression du joueur « , explique l’administrateur délégué des Zèbres.

Les premières convoitises sont arrivées cet été. Genk, en quête d’un arrière droit suite aux incertitudes quant à la santé de Timothy Castagne, a déposé plus de deux millions d’euros sur la table en fin de mercato. Les Limbourgeois avaient été impressionnés quand, lors du barrage pour l’Europe entre Genk et Charleroi, Mata avait fait disparaître Leon Bailey de la pelouse du Mambour, remportant tous ses un-contre-un. Suspendu au retour, Clinton avait assisté, impuissant, à la déroute de Guillaume François face à la fusée jamaïcaine.

 » Le duel au sol, c’est l’atout majeur qu’on attend d’un arrière latéral sur le plan défensif « , explique Bob Browaeys, coach des U17 de l’équipe nationale et instigateur de la réforme de la formation en Belgique.  » Il est vraiment fort en un-contre-un, c’est très impressionnant « , reconnaît Javier Martos.

ENVOLÉE SUR L’AILE

 » Il a beaucoup appris au niveau du positionnement, et il peut compter sur sa pointe de vitesse et ses longues jambes pour revenir et récupérer le ballon, même s’il a perdu le premier duel.  » Dieumerci Ndongala confirme :  » Il sent ce que va faire l’attaquant, et il anticipe.  »

Lors de la récente visite d’Ostende, Mata a quitté le terrain la mine basse, malgré la victoire. Après avoir dégoûté Yassine El Ghanassy de toute envie de dribbler, il maîtrisait les assauts de Knowledge Musona jusqu’à un penalty concédé en fin de rencontre.

 » Les gens ne s’attendent plus à ce que je fasse un match normal, je dois faire une rencontre cinq étoiles à chaque fois « , affirme l’international angolais. Certains affirment même que son apport offensif, impressionnant en fin de saison dernière, s’est étiolé. Felice Mazzù réfute l’argument :  » Le profil de Mamadou Fall est différent de celui de Ndongala, et ça a une influence sur ce que je demande à Clinton.  »

L’intéressé détaille :  » Avant, je savais que Didi rentrait systématiquement à l’intérieur, et je prenais directement la ligne. Maintenant, je suis obligé de varier. Mais Mamadou et moi, on aime courir. On est infatigable.  »

CHIC BILL

Dans les mois qui suivent, on risque d’entendre encore beaucoup parler de Clinton. Et pas seulement à cause de l’élection présidentielle américaine, à laquelle son prénom est pourtant lié puisque ses parents l’ont choisi en novembre 1992, peu après l’élection de Bill, dont la sonorité du nom de famille leur a tout de suite plu.  » Ce sera sans doute le prochain à quitter Charleroi « , admet un Zèbre.

Pas de quoi surprendre Paul-José Mpoku :  » Je connais Clinton depuis tout petit. On a joué ensemble dans la street à Verviers. Il a toujours eu énormément de qualités : vitesse, percussion, technique… Je ne suis pas étonné par sa réussite. Je trouve même bizarre qu’il émerge seulement aujourd’hui. Et désormais, je ne le vois pas aller dans un club comme le Standard ou Anderlecht. Pour lui, la prochaine étape, c’est de se retrouver dans un plus grand championnat.  »

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Il sent ce que va faire son opposant direct et il anticipe.  » DIEUMERCI NDONGALA

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