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Jan Hauspie
Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

Une tentative d’analyse de la vision d’un coach anderlechtois coincé entre le manque de talent de son équipe et des impératifs de sécurité arrière.

Quand Anderlecht avait été battu 1-0 à Chelsea, certains avaient estimé que le Sporting aurait pu faire mieux. Non que les Bruxellois aient gaspillé leurs occasions, mais plutôt parce qu’ils n’en avaient pas concédé beaucoup… contrairement au match contre le Betis Séville. La défense constitue toujours le tracas principal de Frankie Vercauteren. Et on ne peut jamais dire mission accomplie. Le rapide but londonien en LC a donné une fausse idée des qualités hermétiques des Mauves. A ce stade de l’épreuve, les grands clubs n’éprouvent aucun plaisir à humilier leurs adversaires plus modestes. Tout l’art est de rafler les trois points en consentant le moins d’efforts possible.

Vercauteren le réaliste connaît mieux que nul autre les qualités et surtout les points faibles de son équipe. Cet Anderlecht-là ne dégouline pas de talent. La défense est le talon d’Achille de l’équipe. Même en championnat de Belgique, elle est fragile. Ce n’est pas un hasard si Vercauteren aligne parfois trois défenseurs centraux, même contre un seul avant-centre. Cela ne le dérange absolument pas, même si, de ce fait, il est en infériorité numérique dans l’entrejeu. Selon Vercauteren, l’avantage est que ses médians peuvent alors laisser filer quelqu’un dans leur dos, à condition évidemment que les lignes soient bien resserrées. Il y a ainsi suffisamment de monde derrière pour intercepter un adversaire qui s’infiltre. Tout le monde ne trouve pas cette tactique courageuse mais parfois, l’entraîneur mise sur plus de sécurité car son équipe concède trop facilement des espaces derrière. C’est aussi dû aux backs. On annonce un nouvel arrière gauche depuis des années mais Olivier Deschacht reste le titulaire le moins contesté au stade Constant Vanden Stock. Même en coulisses on doute qu’il émarge à l’élite belge, sans même parler de niveau international. Quant à Anthony Vanden Borre, sa principale qualité est son aptitude à s’infiltrer. Comme défenseur pur, il n’est pas fiable. On le remarque contre des adversaires plus costauds. Mais dans l’entrejeu, il manque de vista et de précision dans ses passes. Que reste-t-il ? Vincent Kompany, longuement blessé, et Hannu Tihinen qui veut s’en aller au terme de la saison. Anderlecht a anticipé son départ en enrôlant Roland Juhasz, mais il serait prématuré de le juger, même si les premières impressions, comme son match de Chelsea, sont positives. Mark Deman paraît être un bon joueur de D1, sans plus. Lamine Traoré a déjà raté la saison passée.

Les médians Yves Vanderhaeghe, Pär Zetterberg, Walter Baseggio ou Besnik Hasi, – plus ou moins récupérateurs – doivent jouer très près de la dernière ligne contre plus fort, sans quoi ils ne sont pas en mesure de combler les espaces laissés. Goran Lovre en serait capable mais il manque de technique. Marius Mitu en a les capacités footballistiques mais il vit une saison de transition, durant laquelle il doit faire siens les principes de Vercauteren. En prévision de la saison prochaine, Anderlecht espère bien réaliser un transfert en janvier…

La comparaison avec Sollied

Vercauteren est un maniaque du contrôle. Comme Trond Sollied, il a une vision du football. Comme Sollied, il exerce l’exécution de cette vision à l’entraînement. C’est pour cela qu’il est un entraîneur. Pour Vercauteren comme pour Sollied, l’entraînement est fait de répétitions. Tous ses actes poursuivent un objectif. Cela semble logique mais ce n’est pas aussi évident que cela. Son prédécesseur Hugo Broos était différent. On peut se demander ce que fait Broos à l’entraînement, d’ailleurs. Genk s’en rend compte. Et demandez à Westerlo quelle est la vision du football de Jan Ceulemans, nul ne pourra vous répondre.

Gert Verheyen faisait peut-être allusion à cet aspect en déclarant, après le net revers du Club Bruges au Standard :  » La chimie a complètement disparu « . Il n’était donc pas question d’un mauvais jour mais d’un problème persistant, alors que la saison vient à peine de commencer. Jamais Verheyen n’avait fait mystère de ses mauvaises relations avec Sollied et, compte tenu des rapports de force au Club, il ne peut certainement pas être soupçonné d’antipathie à l’égard de Ceulemans. Ses propos doivent être interprétés comme un appel au secours.

C’est tout à fait différent à Anderlecht. Aucun joueur ne peut plus prétendre ne pas savoir ce qu’on attend de lui. Et personne, au sein de la direction, ne s’est offusqué de certaines intentions défensives de l’équipe comme à Chelsea. Hugo Broos, il y a un an, s’est incliné 2-0 à Valence lors de la première journée de la Ligue des Champions. Résultat : zéro point et un seul but de plus que Vercauteren à Chelsea mais une volée de critiques internes et externes. C’est injuste ? Bien défendre est en tout cas un art que l’on maîtrise par l’exercice.

Chercher la profondeur et tirer

L’exercice est un travail. Vercauteren est réputé pour être un travailleur et un homme qui fait aussi trimer ses joueurs. Ceux qui ont assisté à ses débuts d’entraîneur principal, en 1997 au FC Malines, alors en D2, reconnaissent ses principes maintenant. Ils n’ont pas changé d’un iota. En résumé : jouer en profondeur et tirer au but. Le défenseur trouve l’avant, qui remet au médian, lequel cherche à nouveau la profondeur, etc. Dans une première phase, on survole l’entrejeu afin que les médians reçoivent toujours le ballon le visage tourné vers le but adverse (Marius Mitu doit encore apprendre cet aspect). L’avantage, c’est que tant la défense que l’entrejeu sont automatiquement bien placés en cas de perte de balle. C’est d’ailleurs pour ça qu’on supprime le jeu latéral car en perte de balle, tout le monde a quitté son poste.

Autre avantage de la méthode, elle permet de s’éloigner très vite de son but, d’une vingtaine de mètres, mais avec réflexion, et pas comme avec Aimé Anthuenis. Sous sa direction, les automatismes n’étaient pas étudiés. Mais comme souvent dans les grands clubs, la qualité des joueurs compensait le manque de vision de l’entraîneur.

La difficulté du principe de Vercauteren réside dans le fait que les onze joueurs doivent l’avoir assimilé. Cet automatisme doit être respecté sur la totalité du terrain, sous peine d’échouer. La maîtrise des joueurs reflète la classe de l’entraîneur. Ce principe accorde aussi plus de champ à la créativité que, par exemple, le jeu systématique par les flancs de Sollied.

Vercauteren estime non fondées les discussions sur les systèmes – des codes tels que 4-4-2, 3-4-3 ou 5-3-2. Ce sont les principes qui comptent indépendamment du système. Les siens sont particulièrement exigeants à l’égard des attaquants, raison pour laquelle il pense souvent les remplacer à l’heure de jeu.

Ce n’est pas du tout une vision offensive. Elle trahit surtout la crainte de perdre le ballon.  » Pas d’accord « , rétorque Vercauteren.  » Elle est liée aux qualités des joueurs. On est dans uns position où on ne peut pas réaliser certaines choses ; c’est différent de ne pas vouloir réaliser certaines choses…  »

Donc, l’organisation défensive est prioritaire. Assumer un risque offensif, parier, n’est pas dans la nature d’un entraîneur calculateur, même pas en championnat de Belgique, et pas du tout en Ligue des Champions.

JAN HAUSPIE

LA DÉfense est le talon d’achille d’anderlecht : fragile en championnat de Belgique aussi.

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