Thierry Fiorilli © FRÉDÉRIC RAEVENS

Marche ou crève

L’adieu aux armes de Nicolas Hulot ne constitue pas qu’un revers pour Emmanuel Macron. Pas plus que la démission surprise, ce 28 août, du ministre français de la Transition écologique et solidaire, n’incarne qu’une nouvelle défaite des défenseurs de l’environnement. Le départ de la personnalité la plus populaire du gouvernement constitué il y a un peu plus d’un an par le président de la République, illustre surtout la très récurrente impossibilité pour les non-professionnels de la politique, pour les figures de la société civile, de mener à bien leur mission une fois qu’ils sont récupérés par un parti ou un exécutif.

Même si, au départ, l’intention de celles ou ceux qui les ont sollicités était pure, la romance dure rarement. Et elle n’accouche que de fort maigres succès, exceptés peut-être, parfois, en matière de politique culturelle ou de sport. Dans les faits, déceptions, désillusions et dégoût ont le plus souvent, depuis des années maintenant, ponctué les aventures des invités surprises, sur une liste électorale ou dans un gouvernement. Elus ou nommés, parlementaires ou ministres, la plupart découvrent, une fois installés dans l’assemblée ou à la tête d’un département, qu’ils ne pèsent guère face aux calculs partisans et aux réalités auxquelles sont confrontés tous les exécutifs du monde. Même lorsque c’est une personnalité elle-même non issue du sérail politique qui y préside, comme Emmanuel Macron. Avant Nicolas Hulot, beaucoup sont sortis meurtris de leur expérience politique, à quelque niveau que ce soit, et pas qu’en France donc : Carine Russo, Marc Wilmots, Jean-Denis Lejeune, Anne Delvaux, Philippe Bodson, Jean-Claude Defossé, Léon Schwartzenberg, Alain Bombard, Jean-Jacques Servan-Schreiber…

Une fois enrôlé, le u0022peopleu0022 est contraint à se demander u0022à quoi je sers, au fondu0022. Face à la puissance des intérêts, partisans ou économiques, des lobbys, des compromis, des coalitions, etc.

Les réussites d’une Frédérique Ries, d’un Jorge Semprun, d’un Frédéric Mitterrand, d’une Christine Lagarde ou d’un Carlo Di Antonio n’éclipsent pas le constat général : une fois enrôlé, dans un parti ou dans un attelage gouvernemental, le  » people  » est contraint à rentrer dans le rang. A respecter, comme tous les autres membres de sa formation ou de son exécutif, la ligne directrice. A renoncer à ses convictions, celles-là mêmes qui l’avaient fait remarquer puis embrigader pour mener de nouvelles politiques. A se demander  » à quoi je sers, au fond « . Face à la puissance des intérêts, partisans ou économiques, celle des lobbys, celle des compromis, celle des coalitions, etc.

Comme l’écrivait Laurent Joffrin, éditorialiste de Libération, dès après la démission du ministre français de l’Ecologie,  » c’est la limite d’un gouvernement issu de la « société civile ». A la différence des hommes politiques – quand ils font bien leur travail – chaque ministre « technicien », imbu de sa compétence, voit midi à sa porte. Hulot, militant écologiste, défend l’écologie. Mais ses collègues venus du privé, nettement plus nombreux, sont sensibles aux intérêts privés. Premiers de cordée dans leur domaine, ils défendent les premiers de cordée. La politique, faut-il le répéter, est un métier en soi. Quand ce métier est bien fait, il dépasse les corporations, il s’émancipe des lobbys. C’est d’autant plus vrai en matière écologique. Les enjeux environnementaux sont désormais si pressants, si divers, si « totalisants », impliquant l’industrie, la ville, l’alimentation, l’énergie, les transports et, au bout du compte, l’avenir de l’humanité, qu’ils ne peuvent être pris en charge par un seul ministre, aussi talentueux soit-il. Un ministère vert ne suffit pas : c’est tout le gouvernement qui doit verdir.  »

Raisonnement valable pour d’autres enjeux que ceux liés à l’environnement ? Pour mener de réelles nouvelles politiques, tout un gouvernement doit-il donc émaner de la société civile ?

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