Marcel et Michel

– » Ah, nous avons enfin un gouvernement ! « , s’étonna Marcel qui parcourait la une de sa gazette avant de s’appesantir sur la page des sports.

– » Tu vas chercher ça où ? », s’étonna Georgette qui époussetait les bibelots, en se demandant si pouvait appeler bibelot l’hideux trophée décerné à Marcel en 1969 pour son titre de meilleur buteur provincial.  » Cela fait plus de deux mois que nous sommes sans gouvernement. Nous avons voté pour de petits potentats immatures, tous nos négociateurs politiques sont pires que René Vandereycken ! René non plus ne trouve pas la bonne équipe mais lui, au moins, il joue, il fait avec ce qu’il a sans se débiner : pour commencer à bosser, il n’attend pas un Dream Team qui gagnerait à tous les coups et qu’il n’aura jamais ! Enfin… Tu me diras qu’ Yves Leterme est forcément d’une patience infinie, puisqu’il reste supporter du Standard malgré un quart-de-siècle de disette…

– » Mais nom de Dieu, je te dirai que nous l’avons, ce nouveau gouvernement ! « , insista Marcel.  » La composition est là, sous mes yeux : même que Michel Daerden remplace Claude Eerdekens comme ministre des Sports !  »

Il faisait chaud. Georgette soupira, s’éventa le visage avec son plumeau. Elle ne se sentit pas le courage de faire à Marcel, pour la énième fois, un bref rappel historique de ce qu’étaient nos institutions et nos niveaux de pouvoirs. Elle lui aurait dit charitablement -Marcel, ceci est autre chose, le sport n’est pas une matière fédérale… que Marcel serait monté sur ses grands chevaux en la soupçonnant de le prendre pour un branque inculte. N’empêche que fédéral, communautaire, régional,… son vieux footballeur avait toujours tout mélangé : à l’échelle organisationnelle du pays, la seule hiérarchie qu’il maîtriserait jamais était qu’il y avait les provinciales, puis au-dessus les Promotions, puis les D3, puis la D2, puis la D1. Georgette pensa que c’était toujours ça de pris et préféra se contenter d’aiguiller sur Michel Daerden la suite de la conversation…

– » Daerden, ministre des Sports ! « , fulmina-t-elle.  » Bel exemple pour notre jeunesse ! Pourquoi pas ministre de la Sécurité routière tant qu’on y est ? Je le vois bien sourire bêtement et en gros plan sur les affiches géantes le long de nos routes et dire dans une bulle en levant le doigt -Si tu conduis, ne bois pas !. Sûr que ça serait plus porteur encore que ministre des Sports…  »

– » Arrête ta mauvaise gueule « , s’irrita Marcel qui se sentait avec Daerden comme qui dirait des affinités électives.  » Il arrive que Michel boive mais qui dit ministre dit chauffeur de ministre ! Michel ne boit pas dangereusement !  »

– » M’enfin Marcel ! Ne me dis pas que ce pitre est une incitation vivante à la pratique du sport ! Si on lui fait passer la batterie de tests jaugeant la condition physique des gosses du primaire, je te parie qu’il termine dernier de classe en crachant ses poumons !  »

– » Eerdekens, lui, était une incitation vivante à la pratique du somme ! Ce n’était guère plus sportif « , répliqua Marcel.  » La santé mentale de Michel est irréprochable, très supérieure à la moyenne : de quoi produire d’autres trouvailles que ce bête chèque-sport dont personne n’a voulu et qui restera dans les annales comme le grand apport d’Eerdekens au monde du muscle…  »

– » Tu peux faire confiance à Daerden pour que ça devienne un chèque-buvette « , ricana l’épouse.  » En France, au sport, ils ont eu Roger Bambuck, Guy Drut, Jean-François Lamour : ça a quand même une autre classe…  »

– » Chafouine ! Mais tu t’es offusquée quand Marc Wilmots a, selon toi, utilisé sa notoriété de sportif pour devenir sénateur ! « , rappela le mari.

– » Parce que Willie se trompait de cible, gros malin ! Parce qu’il ne pouvait agir sur le sport en siégeant au fédéral… mais tu n’y comprends rien ! « , se défendit mal Georgette en utilisant la condescendance.  » Et tu es fort injuste vis-à-vis d’Eerdekens : un monsieur posé qui a mis sur pied un nouveau décret, et qui a beaucoup insisté sur le code éthique en sport…  »

– » C’est sûr que Michel, pour peu qu’il bafouille à l’occasion, finira par parler du code éthylique en sport… « , rigola Marcel.  » Tiens, je boirais bien quelque chose…  »

– » Et c’est sûr que les Points verts de l’ADEPS vont devenir les Points Verres « , préféra rigoler Georgette.  » Enfin, nous verrons : quand le vin est tiré, il faut le boire… Santé, vieil homme : à notre nouveau ministre, tout dopé soit-il aux boissons alcoolisées !  »

– » Pour ce qui est de boire ce qui est tiré, voire même de l’afonner, tu peux faire confiance à Michel ! « , assura Marcel.  » A sa santé, chou ! Vive le sport ! « 

par bernard jeunejean

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