Manuel de survie

Comment les Zèbresi ont géré leur première crise de la saison.

Les apparences sont parfois trompeuses et l’adage qui veut que l’habit ne fasse pas le moine s’est pleinement vérifié toute la semaine à Charleroi. Les Zèbres n’ont-ils pas gagné leur premier match avec les couleurs du Lierse ? Mehdi Bayat n’a-t-il pas dansé un slow langoureux avec son coach Felice Mazzu alors que ses propos du week-end dernier témoignaient d’un léger différend ? Et Mazzu, qualifié de trop gentil par certains, n’a-t-il pas montré les dents en faisant quatre changements dans sa composition de départ, écartant des titulaires indiscutables comme Parfait Mandanda ou Francis Nganga ?  » On a dit que j’étais trop gentil, donc j’ai frappé toute la semaine sur mes joueurs. On a dit que j’avais perdu ma patte de lapin, apparemment je l’ai retrouvée. Et on a dit que je protégeais certains joueurs, j’ai prouvé que je n’avais pas de chouchous « , a réagi Mazzu à l’issue de la rencontre.

Signe d’un homme qui avait été profondément touché par des critiques oubliant que l’entraîneur dont on louait les qualités la saison passée n’a pas changé de méthode. Mazzu a réussi des résultats en mettant le mot respect au centre de son discours. Il en a fait une pierre angulaire de son travail. On ne peut pas, aujourd’hui que la machine cale au démarrage, estimer qu’il a trop de respect pour ses joueurs. Comme on ne peut pas, en toute honnêteté, faire un amalgame entre le début de saison compliqué du Sporting et son job de consultant à la télévision. Il s’agit de deux débats différents qui n’ont aucune incidence l’un sur l’autre. En mélangeant les deux, on donne l’impression de viser l’homme.

Son job de consultant, parlons-en ! Là aussi, Mazzu a dû subir des arguments déplacés. Ce qui est en cause, c’est son discernement à donner son point de vue sur le schéma tactique ou les changements de ses collègues de D1. Pas le fait qu’il se trouve dans un stade le vendredi soir, veille d’un match et que de ce fait, il n’est pas concentré sur son travail d’entraîneur (comme on a pu l’entendre). S’il ne travaillait pas comme consultant, il y a de fortes chances que Mazzu se déplace quand même pour observer ses adversaires. Personne ne s’est d’ailleurs demandé pourquoi Mazzu avait accepté ce job. Sans doute pour mettre du beurre dans les épinards, lui qui dispose toujours du même modique contrat qu’à son arrivée à Charleroi, celui-ci prévoyant à la base une légère augmentation année après année…

On prône l’union sacrée

Tous ces éléments lui sont donc tombés dessus après le partage contre Waasland-Beveren, donnant l’impression que Mazzu servait quelque peu de bouc émissaire aux résultats. Pourquoi estimer qu’il a ses chouchous alors qu’il est naturel de donner un peu de crédit à Mandanda, qui reste sur deux grosses saisons, et Nganga, valeureux capitaine jusqu’à sa lourde blessure et qui doit nécessairement retrouver du temps de jeu ? Pourquoi sortir cette critique alors qu’il n’a pas hésité, l’année passée, à mettre sur le banc des leaders comme Danijel Milicevic, David Pollet ou Ederson quand ceux-ci étaient moins bons ? Affirmer qu’il n’a plus sa patte de lapin sous-entend qu’il n’a forgé ses résultats que grâce à la chance. C’est oublier très vite les circonstances – notamment le mercato de janvier dernier – qui ont émaillé la saison dernière qu’il a pourtant réussi à boucler avec brio !

Les supporters les plus durs avaient envoyé un autre signal, en ciblant les joueurs mais au bout du compte, c’est Mazzu qui fut le plus livré en pâture. Quant à la direction, pourtant responsable du noyau mis à disposition de Mazzu, elle a largement été épargnée par ce droit d’inventaire. Il ne fallait pas parler de crise à Charleroi mais l’union sacrée avait quand même été déclarée, en semaine. Mardi, deux jours après le partage contre Waasland, Mehdi Bayat, Pierre-Yves Hendrickx et Mazzu avaient décidé de convoquer la presse pour éclaircir certains points. Au bord d’une table arrangée à la va-vite, dans la grande cafétéria du centre national de Tubize, séparée des U15 nationaux venus disputer un match par un simple meuble de rangement, et dans une cacophonie générale, la direction avait voulu marquer le coup. Le lieu ne s’y prêtait pas vraiment mais l’important résidait dans le message. Les réseaux sociaux s’étant enflammés les deux jours précédents, il convenait, aux yeux de l’administrateur délégué, de calmer la situation.

En bon communicateur et surtout avec le sens du geste et de la formule – Mehdi poussant le show jusqu’à la symbolique d’une poignée de main à trois très théâtrale – Mehdi a donc voulu assurer publiquement son coach de son soutien. Dans le monde du foot, un soutien public annonce souvent un limogeage imminent ; ce ne sera pas nécessairement le cas ici, la nouvelle direction de Charleroi ayant prouvé par le passé qu’elle n’avait pas le couperet facile.  » Ce n’est pas parce que nous avons un point sur 12 qu’on remet en cause notre travail. C’est très clair : on ne va pas changer notre ligne de conduite. On est prêt à assumer les coups. La pression fait partie intégrante du football mais on ne prendra jamais une décision sous la critique. Il n’y a pas de crise à Charleroi. Nous ne sommes en conflit avec personne, ni les médias, ni les supporters, ni la ville et encore moins en interne.  »

Penneteau et Geraerts : un apport de vécu

Premier incendie éteint. Et c’est Mazzu qui se chargea d’étouffer le deuxième en allant gagner samedi au Lierse. Sans excès de triomphalisme (les Lierrois avaient quand même tiré deux fois sur la latte), Mazzu pouvait quand même respirer. Ses choix ont porté. Nicolas Penneteau, préféré à Parfait Mandanda, très classe dans la déception, a apporté du calme et de la sérénité à la défense. Comme Stergos Marinos, ce droitier placé à gauche. La défense a parfaitement tenu bon, Sébastien Dewaest et Javi Martos retrouvant leur niveau de la saison passée. Dans l’organisation, les Zèbres ont parfaitement répondu aux attentes de leur coach. Par contre, les individualités offensives peuvent s’améliorer.

Hormis Damien Marcq, qui s’érige semaine après semaine en chef d’orchestre, le reste est perfectible. Clément Tainmont est en méforme, Neeskens Kebano, dont tout le monde au club loue le potentiel mais qui a parfois un comportement peu professionnel aux entraînements, n’a pas encore convaincu dans un schéma pourtant aménagé pour ses qualités. Quant à la place d’attaquant de pointe, elle devrait se disputer toute la saison entre Cédric Fauré et Pino Rossini, aucun n’ayant pris l’ascendant sur l’autre. Un joueur supplémentaire dans ce compartiment ne ferait d’ailleurs pas de tort aux Zèbres.

Alors qu’à l’entame du championnat, la direction s’estimait parée, ne guettant que les occasions à ne pas manquer, elle a quand même rajouté de l’expérience à son noyau en cours de route. L’arrivée de Karel Geraerts, comme celle de Penneteau quelques semaines plus tôt, permet d’apporter du vécu à cette équipe. L’ancien médian du Standard et d’OHL doit remplacer Ederson -les supporters auraient voulu qu’on le prolonge après une très belle saison mais la direction a eu peur que son genou très abîmé ne tienne pas le coup – et apporter plus de consistance à l’entrejeu, qui a perdu également en Abraham Kumedor un élément précieux.

La victoire au Lierse permet en tout cas à la direction, désireuse de ne pas prendre de décisions dans la précipitation, de travailler plus sereinement. Afin d’éviter une nouvelle crise de croissance, un défenseur et un attaquant supplémentaire ne seraient pas du luxe. Du moins dans l’esprit de Mazzu. Mehdi qui n’a pas envie de faire de folies, a donné son feu vert pour un défenseur depuis la blessure de Jonathan Vervoort mais croit en ses attaquants (il inclut dedans Lynel Kitambala) et, à moins d’une belle opportunité, ne compte pas renforcer ce secteur.

Les PO2 ne constituent pas une référence

Néanmoins, le début de saison laborieux doit également remettre en perspective les résultats du deuxième tour du défunt exercice. En 2014, Charleroi avait d’abord sué en janvier et février avant de flamber lors des play-offs 2. Cette bonne fin de championnat laissait augurer de beaux lendemains et permettait de croire que l’équipe avait retrouvé un bel équilibre après les départs de Milicevic, Pollet et Onur Kaya. On a sans doute surestimé cette équipe qui avait trouvé sa vitesse de croisière dans une compétition de laquelle se désintéressent beaucoup d’équipes, certaines n’hésitant pas à lever le pied. Les play-offs 2 devaient servir à préparer le noyau (voire à l’élaguer, ce qui fut fait en ne prolongeant pas Ederson, Kumedor ou Kamel Ghilas) en vue de 2014-2015 mais rien ne remplace les matches à enjeu, ce que ne sont décidément pas les PO2.

Le mois d’août fut compliqué mais, sans paniquer, chacun a géré la crise. Mazzu a secoué son noyau, opérant quelques choix délicats. Les joueurs ont retroussé leurs manches. Et la direction a renforcé le noyau.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: BELGAIMAGE

On ne peut pas faire un amalgame entre le début de saison compliqué de Charleroi et le job de consultant de Mazzu. Ce sont deux débats différents.

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