Manque de BUTS

Y a-t-il encore des buteurs en Belgique ?

En marge de toutes les luttes qu’engendre la fin du championnat, celle pour le titre de meilleur buteur risque d’être passionnante jusqu’au bout. Pas moins de 10 joueurs se tiennent mais derrière ce thriller se cache une réalité bien moins reluisante. En effet, nulle part dans les grands championnats européens, le buteur le plus prolifique ne compte un si petit nombre de réalisations.

En prenant les chiffres d’avant le dernier week-end, on est loin des 25 buts de Thierry Henry (Angleterre) et de Liedson (Portugal), des 24 de Dirk Kuijt (Pays-Bas), des 23 de John Hartson (Ecosse), des 22 de Samuel Eto’o (Espgane) et de Marek Mintal (Allemagne), des 21 de VincenzoMontella et Alberto Gilardino (Italie) . Même, en France, pourtant réputée depuis quelques saisons pour ne pas être une terre fertile pour les attaquants pure souche, Alexander Frei en a déjà inscrits 17. Et il faut se perdre dans les méandres des compétitions hongroise et israélienne pour trouver la trace de statistiques encore plus pauvres puisque Tomas Medved emmène le peloton des réalisateurs hongrois avec seulement 13 buts (mais en 25 journées) alors qu’en Israël, le buteur du Maccabi Haïfa, Roberto Colautti compte le même total en 28 rencontres.

Il s’agit d’un cru belge médiocre. En 30 ans, il faut remonter à Arnor Gudjohnsen en 1987 pour voir un meilleur buteur si peu chargé de buts. A l’époque, l’Islandais avait trouvé le chemin des filets à 19 reprises. Mais le vainqueur 2005 pourrait même égaler le record du plus petit nombre de buts inscrits, détenu par le duo Robbie Rensenbrink-Alfred Riedl qui avait à peine atteint le chiffre 16 en 1973.

Alors pourquoi nos goléadors ne parviennent-ils plus à affoler leurs compteurs ?

Les blessures

Il n’y a déjà pas beaucoup de véritables renards de surface mais si ces derniers se blessent, la mission devient impossible pour eux.  » Prenons le cas de Nenad Jestrovic « , explique Paul Van Himst, triple meilleur buteur de la compétition en 1964, 1966 et 1968.  » Il fut longtemps blessé avant d’être mis sur le banc par Hugo Broos. Maintenant, il retrouve le sens du but et s’il avait pu disputer l’entièreté du championnat, son total aurait été tout autre « ..

Dans cette catégorie, il convient également d’inscrire le Croate Bosko Balaban. Parti sur des bases intéressantes (sept buts en sept rencontres), le Brugeois ne parvint plus à retrouver son rythme de croisière après sa blessure.

Enfin, on peut parler de Wamberto. Certes, le Standardman n’a jamais fait partie de la catégorie de l’attaquant de rectangle. Mais s’il n’avait pas été blessé, il aurait fait partie du haut du classement.

Une relève encore inexpérimentée

Et quand les vrais buteurs font défaut, personne n’est encore capable de prendre la relève. Seul le jeune Kevin Vandenbergh se hisse à leur niveau.  » Mais il est encore jeune même s’il franchit chaque année un pallier « , ajoute Van Himst, Toni Brogno, sacré en 2000 avec un total de 30 buts, abonde dans le même sens.  » Il y a de moins en moins d’attaquants qui traînent dans le rectangle. Je n’en vois qu’un : Vandenbergh. Lui, il sent le but. Mais, il doit encore apprendre et emmagasiner de l’expérience. Sinon, ceux qui ressemblent le plus à des voleurs de buts se nomment Jestrovic ou Rune Lange. Mais, que l’on ne s’y trompe pas. Ils ne font pas partie de la catégorie de ceux capables d’inscrire 20-25 buts « .

Cette saison, d’autres jeunes ont pointé le bout du nez. A Charleroi, Izzet Akgül, issu de la troisième division, a montré de très bonnes choses mais un creux hivernal û tout à fait normal pour un néo pro û l’a fait stagner avant de reprendre sa marche en mars. A Gand, Tim Matthijs, encore en Promotion l’année passée, a également marqué les esprits en signant notamment un triplé avant de rentrer dans le rang. Enfin, lorsque le Standard balbutiait en début de saison, il avait trouvé son salut en Mémé Tchité, 21 ans, mais qui joue davantage sur la profondeur que sur l’opportunisme.

Le choix

Les transferts ont évidemment perturbé certains joueurs, habitués aux hautes sphères de ce classement individuel. Ainsi, Cédric Roussel, vainqueur en 2003, a choisi de s’aventurer à Kazan, en Russie, avant de revenir à Sclessin. Son exil l’a conduit sur le banc durant plusieurs mois et il n’a retrouvé son statut de titulaire û ponctué par deux buts û que ce mois-ci.

D’autres ont également préféré chercher fortune ailleurs : le Nigérian de Westerlo Tosin Dosunmu est parti en Autriche et Manaseh Ishiaku (La Louvière – huit buts) a choisi de filer à Bruges où il fait banquette. Quant à, Luigi Pieroni, il doit se contenter d’un rôle de joker à Auxerre.

L’organisation

De plus en plus, les équipes pensent avant tout à leur organisation.  » On ne se lance à l’attaque que si on sait que tous les pions sont bien en place. L’attaquant dispose de moins en moins d’espace. Le foot belge est très difficile pour l’avant-centre car il ne peut pas compter sur de l’espace, il n’a pas de répit et n’a pas le temps de se retourner « , dit Frans Masson.

 » On commence à assimiler l’exemple français « , renchérit Brogno.  » On privilégie l’efficacité au spectacle. Cela deviendra de plus en plus difficile pour un seul homme de marquer 30 buts. L’équipe forme un tout. On demande aux attaquants de décrocher et aux défenseurs de monter plus facilement. A Charleroi, on se focalise sur l’organisation et la rigueur mais on ne ferme pas le jeu. A Bruges, chacun attaque et défend en même temps. Et ce n’est pas un hasard si Nastja Ceh, Gert Ver- heyen, Bosko Balaban et Rune Lange se répartissent le nombre de buts « .

L’évolution de l’attaquant

Quand les attaquants deviennent les premiers défenseurs, le cas de Toni Brogno est symptomatique (il a reculé d’un cran en venant à Charleroi) :  » A Westerlo, je pouvais rester en pointe et me contenter d’attendre les bons ballons « .

 » Il faut faire un bloc derrière la balle et la fatigue s’installe vite « , analyse Masson.

Ainsi, le poste le plus avancé sur le terrain est de plus en plus occupé par des travailleurs, des personnes capables d’apporter quelque chose de plus à l’équipe que des buts. La voie fut empruntée par Jan Koller qui lança la mode des pivots, puis actuellement par Sambegou Bangoura (Standard), Lange (Bruges) ou Nicolas Goussé et Aliyu Datti (Mons).

 » Il y a différents types de pivot : ceux qui se déplacent latéralement, ceux qui décrochent et ceux qui continuent à aller vers l’avant avant de servir un partenaire « , dit Masson.

Pourtant, certains ne croient pas à l’évolution du jeu offensif.  » A l’époque du catenaccio, les scores de 0-0 n’étaient pas rares « , argumente Van Himst.  » Pourtant, on ne parlait pas de crise des avants… Certes, un attaquant essaie toujours d’embêter les défenseurs mais on ne peut pas dire qu’il défend. L’instinct, c’est quelque chose que l’on a ou pas. On ne forme pas un buteur. Moi, je marquais souvent en étant soutien d’attaque. Et je pense que c’est encore possible de voir un soutien devenir meilleur buteur. Cela dépendra du système mais si on laisse sa liberté offensive au médian, pourquoi ne serait-il pas buteur ? »

Michaël Ballack, au Bayern Mu- nich, et Frank Lampard, à Chelsea, en sont de parfaits exemples.

Stéphane Vande Velde

 » On ne forme pas un buteur. L’INSTINCT, on l’a ou pas  » (Paul Van Himst)

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