Mané, Mané, Mané

Des disques d’or au Ballon d’or, il n’y a qu’une nuance de voix. Messi, c’est un peu le groupe Abba à lui tout seul. Un groupe, un collectif qui individuellement est plus fort que la somme de toutes les individualités qui s’opposent à lui. Un génie à deux pattes. Un transgenre qui résume l’humain du ballon rond à 1m70 de perfection. À défaut de faire des vocalises, il va directement à la voix parfaite. Il bourre les urnes aussi efficacement qu’il bourre les buts. Mais ce n’est pas à lui que les génies suédois d’Abba ont dédié un de leurs plus grands tubes. Non, non, ces précurseurs ont résumé le sentiment des amoureux de la partition parfaite. Un touché de note à l’image du touché de balle du grand absent du podium. Sadio Mané. Même si leur tube était  » Money, Money, Money « , ils pensaient Mané. Traduction du refrain :  » Mané, Mané Mané doit être amusant dans le monde des riches. Mané, Mané, Mané rayonne toujours dans le monde des riches « . Tout est dit non ?

Sadio amuse et rayonne parce qu’il est joueur. D’abord et avant tout. Mais il n’a pas obtenu ce que tout le monde lui souhaitait. Ou plutôt presque tout le monde. L’excellent analyste du foot Habib Beye a déclaré après la cérémonie du Ballon d’or :  » Mané n’a pas été sacré parce qu’il est africain « . On est d’accord avec lui mais pas pour les mêmes raisons que celles qui l’ont poussé à cette déclaration fracassante. Mané n’a pas été sacré parce que les Africains n’ont pas (assez) voté pour lui. Pas pour des raisons racistes. Sur les 49 pays africains votants, 12 l’ont mis à la première place (24%). 15 ne l’ont même pas mis sur le podium (31%) Pendant ce temps-là, en Amérique du Sud, où la rivalité est aussi énorme entre les nations du foot, 55% ont mis Messi premier et 82% sur le podium.

Je ne sais pas et ne peux me permettre d’appeler ça du racisme à l’africaine mais la raison de l’injustice est là. Et nulle part ailleurs. Et d’ailleurs, si on regarde ailleurs sans regarder bien loin, l’injustice peut se trouver aussi dans l’absence d’un autre joueur de Liverpool sur le podium. Mon joueur préféré depuis deux ans se nomme Roberto Firmino. Peut-être pas le meilleur joueur du monde, individuellement, mais celui dont l’impact sur le collectif et les résultats de son équipe est le plus évident. Firmino est génial match après match, victoire après victoire, encore et toujours depuis très longtemps.

Soit. LE sujet du jour est Sadio Mané. Ça tombe bien, c’est le dernier joueur que j’ai interviewé. Après la prise, la mise au(x) point(s) contre Manchester City. Le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’il a fallu être patient. Sadio est arrivé plus d’une heure après le match. Cool le Sadio. Tellement que beaucoup de confrères ont perdu leur sang-froid. Une zone d’interview après un tel match, ce sont des dizaines de journalistes venus de tous les continents. Tous veulent les stars. Certains ont eu Guardiola, d’autres Klopp. Les Allemands ont eu Gündogan. Les Néerlandais, Van Dijk. Les francophones voulaient Mané. Ils n’ont pas su patienter… sauf nous. Nos amis français ont perdu patience et sont partis. Fâchés. Pas nous. Parce qu’avoir Mané c’est un honneur, une fierté et… rare.

Egoïstement, aussi, pour pouvoir lui dire en face ce que l’on dit à notre micro depuis des années. On l’admire. Et là, la dimension humaine est au rendez-vous. On a toujours la crainte d’être déçu de la rencontre en face à face. Il n’en fut rien. Quand je lui avoue ma joie, il sourit gentiment. Presque timidement. Me remercie du compliment et semble ravi. S’il n’y avait l’attaché de presse qui comme d’hab vient casser l’ambiance en aboyant :  » Trois question pas plus « . On aurait presque l’envie de lui proposer d’aller boire un verre ensemble. Ce fut donc trois questions. Et 18 réponses. Parce que le Sadio, il prend le temps. Il répond vraiment. On a attendu longtemps, ça valait la peine. Rien de très original dans ses réponses mais tout semblait sincère. Et ça, ça vaut toutes les  » Money, Money, Money  » du monde.

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