MAMBOURG TOUJOURS

Celui qui mène Charleroi dans ces play-offs 2 en est à son cinquième interim et a vécu toute l’histoire récente du Sporting

Dans un an, cela en fera 20 qu’il arpente les couloirs du stade du Pays de Charleroi. A l’époque, on l’appelait encore le Mambourg. Vingt ans dans l’ombre, entre le noyau espoirs et le poste de fidèle adjoint, entrecoupés de cinq intérims à la tête de l’équipe première. Mario Notaro aura connu 20 entraîneurs différents et 26 changements d’entraîneur. A 62 ans, il a de nouveau été appelé à la rescousse pour terminer la saison. Mais ne lui parlez pas du rôle de pompier de service.  » Je ne suis pas là pour sauver des vies. Un pompier éteint des incendies car il n’a pas le choix. Moi, je l’ai. Je peux refuser. Je fais partie d’un ensemble et je suis parfois là pour équilibrer un édifice qui a perdu une brique.  »

Pourtant, ironie de l’histoire, Notaro est avant tout un Dogue. Un vrai. C’est à l’Olympic qu’il fourbit ses premières armes comme T1, durant trois ans et demi, puis comme directeur sportif avant de déjà jouer les roues de secours.  » J’ai toujours voué une passion sincère à l’Olympic « , disait-il à l’époque.  » C’est à la Neuville que j’ai touché mon premier ballon. A l’époque, l’identité carolo était clairement divisée entre Dogues et Zèbres. L’impact s’est estompé avec les années. Les fusions et le recul de l’Olympic ont effacé cette rivalité. Moi, j’avais fait le tour à l’Olympic, le Sporting m’a contacté et j’y ai vu une forme de progression. Le Sporting ne boxait pas dans la même catégorie. Jean-Pol Spaute m’a proposé un contrat de semi-professionnel – j’étais encore commercial – et m’a demandé de sillonner la région à la recherche de bons jeunes et de travailler avec l’entraîneur de l’équipe première qui s’appelait Robert Waseige.  »

Les années Waseige, Leekens et Peruzovic

Le voilà qui débarque donc au Sporting en 1994.  » Je venais à peine d’arriver que Waseige partait au Standard. Mais j’aurai encore l’occasion de travailler avec lui à deux reprises (1997-1999 et 2003-2004). Quel personnage ! Quelle faculté pour trouver le mot juste ! Blessant ou réconfortant. Il avait une forte emprise sur le groupe mais restait très humain. Mais, quand il n’était pas content d’un joueur, il pouvait être brutal et humiliant. Je me souviens qu’il pouvait faire pâlir un joueur en deux mots, en le traitant par exemple de fillette. Mais je n’ai jamais vu un joueur se rebeller tellement il inspirait le respect.  »

Pour le remplacer, Spaute fait appel à Georges Leekens. Autre entraîneur, autre style.  » Leekens, lui, travaillait sans adjoint. Il faisait appel à moi, entraîneur des espoirs, pour des missions particulières. J’avais dû, par exemple, effectuer les rapports de scouting du Rapid Bucarest, l’adversaire en Coupe UEFA. Leekens était parfois trop professionnel pour Charleroi. Il avait des rêves de grandeur. Il ne tenait pas compte de la réalité du club. Il ne fallait pas un hôtel une étoile mais un 5 étoiles. Il voulait placer les joueurs dans le meilleur confort. Je me souviens être parti en Roumanie avec lui. Ce n’était pas l’équipe adverse qui le préoccupait le plus mais l’hôtel. Il m’a demandé de me faufiler dans les cuisines, où je me suis fait intercepter en roumain par le chef, pour constater l’état sanitaire. Il a exigé de voir les chambres. Finalement, il a voulu qu’on parte avec notre cuisinier, notre nourriture et notre eau !  »

Leekens ne resta qu’une saison (1994-1995) pour laisser la place à Luka Peruzovic. A l’époque, l’entraîneur croate, qui restait sur un licenciement à Anderlecht, effectuait une deuxième pige à Charleroi.  » J’aimais lui rappeler qu’il me devait sa carrière à Charleroi. Lorsque j’étais entraîneur de l’Olympic, nous avions éliminé le Sporting en Coupe de Belgique en 1991. L’élimination face au grand rival conjuguée à un pauvre début de championnat avait coûté son poste à Georges Heylens. Et c’était Peruzovic qui l’avait remplacé. Au fil du temps, je l’ai vu évoluer. C’est une personne très précise. Je pense qu’il est adepte de la géométrie parce que pour lui, le plus court chemin entre deux points, c’est la ligne droite. Il n’a pas besoin de dire dix mots pour traduire sa pensée. Son accent, qui s’est estompé au fil des années, pouvait également tromper son interlocuteur. Tout cela faisait qu’au début, les joueurs semblaient un peu décontenancés. Avec lui, il n’y avait pas de fioritures. Au fil des années, il a appris à se montrer davantage à l’écoute et à relativiser les choses. Ses nombreux voyages et expériences à l’étranger l’ont enrichi même si ses grands principes sont restés les mêmes. Je retiendrai de lui surtout sa clarté.  »

 » Adamo croit toujours que je suis cuisinier  »

A Peruzovic, succèdent Waseige et… Peruzovic. Le Sporting boucle la fin des années 90 avec ses vieux serviteurs jusqu’à cette fameuse saison 1999-2000.  » Jean-Pol Spaute était en train de passer le témoin. Les résultats satisfaisaient tout le monde et la ville commençait de plus en plus à s’immiscer dans les affaires et finalement tout cela a abouti au départ de Luka. Je sentais qu’on allait me demander de reprendre l’équipe. Mais je ne voulais surtout pas ! Comme depuis des années, je reportais une opération des varices, je me suis dit que le moment était arrivé. Je me suis arrangé avec mon chirurgien qui m’a pris tout de suite. Deux jours plus tard, Raymond Mommens est venu me rendre visite à l’hôpital et m’a annoncé qu’on l’avait convoqué à la ville pour reprendre l’équipe. Cela ne l’arrangeait pas plus que moi mais il n’avait pas d’excuses (Il rit). La rumeur de l’arrivée d’Enzo Scifo a commencé à circuler. Mommens a repris l’équipe mais à quatre matches de la fin, Manu Ferrera a été nommé T1 sous l’impulsion d’Enzo. C’est cette année-là qu’on s’est sauvé lors du dernier match surréaliste face à Anderlecht. Un stade tout nouveau, comble, dans lequel les deux kops chantaient à la gloire de celui qui faisait l’unanimité dans les deux camps : Scifo. Et puis ce but d’Alin Stoica, sorti de nulle part, avec le geste du meneur de jeu roumain qui semblait s’excuser.  »

Ferrera débute les années 2000 et Mario Notaro file entraîner les Espoirs. C’est Scifo, lorsqu’il prend la succession de Manu Ferrera en 2001, qui décide de le rappeler à ses côtés.  » Sur le plan professionnel, il a fallu lui rappeler de temps en temps qu’il était à Charleroi. Lui qui avait connu l’ultra-professionnalisme à Monaco et à l’Inter, il ne comprenait pas qu’on doive rappeler certaines choses élémentaires aux joueurs. A part le fait que nous avons tous les deux trois filles, il n’y avait pas de similitudes entre nous. Mais j’ai vraiment découvert un homme. On s’est rapprochés et on a appris à s’apprécier. Un jour, Scifo disputait un match de gala à Madrid avec Zinédine Zidane et Lothar Matthaüs. Deux jours avant, il a débarqué au club en me disant – j’ai ton billet d’avion, tu pars avec moi à Madrid. En dehors du fait que j’ai une phobie de l’avion, j’ai été touché par le geste. Notre complicité ne s’est jamais démentie. Un jour, alors que j’étais invité à la communion de sa fille, il y avait également Salvatore Adamo. Je me dirige vers lui pour le saluer et je me présente comme un collaborateur d’Enzo. Adamo me répond alors avec sa voix rauque – Ah oui, vous êtes le cuisinier de son restaurant à La Louvière ? Je n’ai pas voulu le contrarier en le corrigeant. Adamo croit toujours que je suis cuisinier (Il rit). J’ai pris un coup sur la tête quand Scifo est parti de Charleroi. Quand il est arrivé à Mouscron, il a voulu me prendre comme adjoint mais Charleroi n’a pas voulu me libérer de mon contrat.  »

De Collins à Zoltan Kovacs

Par la suite, que ce soit sous Dante Brogno ou sous Jacky Mathijssen, Mario Notaro retourne s’occuper du noyau espoirs, tout en passant les cours pour la licence Pro. On ne sait jamais. Et Abbas Bayat va de nouveau lui demander d’intégrer le noyau pro pour seconder Philippe Vande Walle et Thierry Siquet en 2007.  » Vande Walle, on l’aime ou on le déteste. Et Philippe réagit aussi de la même façon : soit il adhère à la personne, soit il la déteste. Pour moi, il fait partie des gens que j’apprécie car il est très entier. Quand il arrive à la tête de l’équipe pour succéder à Mathijssen, il sait que dans sa carrière, ce n’est qu’une parenthèse. Et un jour, il a débarqué en réunion en disant – je ne continue plus, je n’aime plus les conflits dus à la sélection. Le président se tourne alors vers moi mais je botte en touche en poussant Siquet.  »

Siquet tiendra un an avant de devoir laisser la place à John Collins.  » Quelle explosion ! Du dynamisme, de l’humour anglais, de la convivialité et alors qu’il vient avec son propre adjoint, il me demande de continuer à faire la vidéo. Il m’a donné un nouvel élan. J’avais envie de me couper en quatre pour ce gars-là. Avec Collins, je découvre qu’on peut rester souriant dans la défaite ! Tout cela pour ne pas montrer du découragement à ses joueurs. Le lendemain, il arrivait en chantant, que ce soit dans la défaite ou la victoire. Et puis, quel charisme ! Même quand il ne parlait pas, on avait envie de l’écouter. Il laissait le travail à Tommy Craig et lui, il faisait les discours de motivation et la sélection. « 

S’ensuivront alors encore quelques expériences avec Stéphane Demol et Craig (2009-2010), et une aventure en D2 avec Jos Daerden, Tibor Balog et Dennis van Wijk avant le retour en D1. Entre les deux, Notaro avait décidé de raccrocher. Pas de saison 2010-2011. Sauf qu’on a toujours besoin de lui. Alors que Charleroi s’apprête à disputer les PO3, Mehdi Bayat sous les ordres de son oncle le somme de revenir.  » Ce n’est que dans l’avion pour le mini-stage à Malaga que je découvre ce Zoltan Kovacs et qu’on me dit qu’un troisième homme, qui deviendra vite le premier, nous rejoindra. Deux jours plus tard, on présentait Peruzovic aux joueurs.  »

Vingt ans plus tard, Notaro est donc toujours à bord. Comment expliquer sa longévité ?  » Encore aujourd’hui, je le clame haut et fort. Même si on va en coupe d’Europe, je ne veux pas être T1 ! On dit que je manque d’ambition. Non, j’ambitionne d’être le meilleur dans ma position de T2. Je pars du principe qu’un T2 ne peut pas bien faire son travail s’il lorgne le poste de T1. « 

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – BEELDEN: CHRISTOPHE KETELS

 » Je n’ai jamais vu un joueur se rebeller contre Waseige, tant il inspirait le respect !  »

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